Atlas des Oiseaux de la Région de Bruxelles-Capitale 2022-2024, premiers résultats

Contexte

Entre le printemps 2022 et l’hiver 2025, une centaine d’ornithologues volontaires ont parcouru tous les recoins de Bruxelles à la recherche des oiseaux nicheurs et hivernants. La Région a été divisée en 198 carrés d’un kilomètre de côté. Pour chacun de ces carrés, un ornithologue avait la responsabilité de fournir à la coordination une estimation des effectifs nicheurs et hivernants de chaque espèce d’oiseau. Il devait aussi chercher la meilleure preuve de nidification afin d’être certain que les oiseaux nichaient dans la zone.

Ce projet, mené sur plusieurs années par Aves, le pôle ornithologique de Natagora et en collaboration avec Natuurpunt Studie fait partie d’un marché public commandé par Bruxelles-Environnement. La mise à jour de l’Atlas des oiseaux nicheurs s’inscrit dans une politique d’étude de la faune et de la flore à Bruxelles, notamment via des Atlas (reptiles et amphibiens, mammifères, flore à venir) basés sur la participation citoyenne.

C’est le troisième atlas de l’avifaune régional publié par Aves après celui de 1989-1991 (Rabosée et al., 1995) et celui de 2000-2004 (Weiserbs & Jacob, 2007). Nous avons donc plus de trente années d’expérience dans le suivi de l’évolution de l’avifaune bruxelloise. 

En attendant un ouvrage complet qui présentera les cartes et les effectifs des oiseaux nicheurs et hivernants à Bruxelles (une première !), nous avons publié les premiers résultats concernant les oiseaux nicheurs de Bruxelles. Vous pouvez les consulter en cliquant sur le bouton ci-dessous.

Téléchargez l'Atlas des Oiseaux nicheurs de Bruxelles

Quelques résultats

Il y a 102 espèces d’oiseaux nicheurs à Bruxelles, comparé au dernier atlas (103 espèces), c’est assez stable. Cependant, 15 espèces dont deux exotiques n’ont plus été contactées comme nicheuses : Mésange boréale, Linotte mélodieuse, Coucou gris, Cygne noir, Ouette de Magellan…) et 14 nouvelles espèces se sont installées (Canard chipeau, Goélands, Râle d’eau, Bouscarle de Cetti…). Les disparitions concernent surtout des espèces qui étaient déjà très peu présentes et en diminution il y a 20 ans.

La Mésange boréale Poecile montanus a disparu de Bruxelles en tant qu’espèce nicheuse. Son déclin est généralisé en Belgique. Photo Jean-Marie Poncelet.

La plupart des espèces des milieux ouverts et semi-ouverts (friches, plaines agricoles…) sont en diminution et certaines ont disparu.

Globalement, les oiseaux des milieux humides voient leurs populations augmenter et se répandre à Bruxelles grâce à une évolution favorable des espèces en Europe et à des aménagements favorables réalisés par les gestionnaires publics.

Après avoir disparu de Bruxelles dans les années 1950, le Corbeau freux fait son retour. Plusieurs colonies se sont installées pour un total de 180 à 229 nids. Photo : Eric Walravens

Cet atlas permet aussi de mettre en évidence les sites les plus intéressants pour l’avifaune à Bruxelles. Sans trop de surprises, la Forêt de Soignes, la zone du Neerpede et le Domaine royal de Laeken se trouvent dans les carrés les plus riches en espèces. Les carrés le long du canal abritent globalement plus d’espèces qu’auparavant.

Avec ce nouvel Atlas des Oiseaux nicheurs, nous disposons d’un outil permettant d’évaluer les mesures de gestions de l’environnement et du territoire mises en place à Bruxelles ces vingt dernières années. Il permet aussi de préparer les actions à mettre en place pour améliorer l’état de conservation de certaines espèces et une base scientifique pour les politiques publiques.

Aves remercie l’ensemble des observateurs et observatrices qui ont participé à ce grand projet ornithologique Bruxellois !

Une analyse des données hivernales ainsi qu’une analyse plus poussée des résultats pour la période de nidification sont prévues. La publication d’un ouvrage global reprenant tous les résultats devrait être annoncée dans les prochains mois mais cela prendra du temps.

2025: un automne "en creux" pour la Grande Aigrette en Wallonie?

Le boom spectaculaire de la population de Grande Aigrette en Europe a profondément modifié le paysage ornithologique des campagnes wallonnes ces 30 dernières années.
Encore soumise à homologation jusqu’en 1997, l’espèce est devenue d’observation familière, même pour le grand public, autour des zones humides, mais aussi dans les plaines agricoles, l’oiseau appréciant particulièrement chasser les campagnols.

Photo Stéphane Bocca

La carte ci-dessous, tirée de l’Atlas des oiseaux nicheurs d’Europe (EBBA), montre la progression spectaculaire de la Grande Aigrette entre les années 1980 (EBBA1) et les années 2013-2017 (EBBA2). Les carrés bleus sont ceux conquis par des nicheurs entre ces deux périodes.

Une particularité de cet ardéidé réside aussi dans l’orientation de ses migrations, dirigées essentiellement d’est en ouest, alors que la composante nord-sud est très limitée dans ses mouvements saisonniers. Les oiseaux de l’importante population reproductrice d’Europe orientale se répandent ainsi vers l’Europe centrale et nos contrées en hiver. On devine très bien ce pattern sur la carte de l’atlas européen des migrations d’EURING ci-dessous.

Les reprises du baguage en Belgique (carte visible sur le site du Centre Belge du Baguage) montrent que les oiseaux visibles chez nous en automne-hiver proviennent souvent de latitudes semblables à la nôtre, mais situées plus à l’est: Biélorussie, Hongrie, Pologne…

Bref, ces élégantes silhouettes blanches deviennent de plus en plus visibles dans les plaines agricoles, en particulier dans les prairies riches en micromammifères.

Mais cet automne 2025, il me semblait remarquer un léger creux dans les observations autour de chez moi, dans le Condroz. Depuis peu, notre spécialiste “maison” en statistiques, Thomas Duchesne (un des herpétologues du Département Études) met au point une méthodologie qui permet de déceler des tendances dans les occurrences des espèces à partir des données “courantes”, c’est-à-dire essentiellement celles qui proviennent d’Observations.be (cette famille de méthodes statistiques s’appelle le “site-occupancy modelling”, vous en entendrez encore parler…).
À peine lui ai-je fait part de mes interrogations sur le héron blanc qu’il teste la question.
D’abord en prenant la période hivernale (janvier-février) sur les 13 derniers hivers:

Sans entrer dans les détails de la méthode, le graphe ci-dessus montre l’expansion de la Grande Aigrette en tant qu’hivernant en Wallonie entre 2013 et 2025 (période de fonctionnement en plein d’Observations.be), bien qu’une forme de stabilisation soit finalement visible.

Par contre, si on se focalise (ci-dessous) sur la période septembre-octobre, une forte inflexion se dessine en 2025 (à noter que ceci n’est qu’un résultat préliminaire, nécessitant un raffinage statistique).

On serait ainsi retourné une dizaine d’années en arrière dans la fréquence de la Grande Aigrette. Bien sûr, cela ne veut pas dire qu’elle soit redevenue “rare”, des dortoirs rassemblant plusieurs dizaines d’individus ont bien été signalés sur divers sites. Mais il semble bien qu’elle soit cet automne nettement moins omniprésente que sa courbe de progression nous avait habitué ces dernières années.

Dernière indication à considérer: le flux de sa migration active comptabilisé par les stations belges de suivi de la migration sur Trektellen. Là aussi on perçoit un léger recul, du moins après un automne 2024 de tous les records:

Le ralentissement se marque encore plus si on se focalise sur Honnay, une des stations suivies le plus régulièrement en Wallonie (située entre Famenne et Ardenne, juste à l’est de la Meuse):

Un phénomène à suivre donc, et qui pourrait n’être qu’un épisode plutôt qu’un coup d’arrêt dans la progression générale de la Grande Aigrette. Peut-être simplement les campagnols sont-ils particulièrement peu abondants cette année dans les prairies habituellement fréquentées par les aigrettes en hivernage ? Quelle est votre impression ?
Quoi qu’il en soit, continuez à ouvrir l’œil, même sur cet oiseau devenu fréquent, ne fut-ce que parce qu’il est magnifique à contempler !
Et continuez à l’encoder ;-) !

Merci à tous les observateurs et aux bagueurs qui se cachent derrière les cartes et les graphiques ci-dessus, ainsi qu’à Thomas Duchesne pour les analyses.

Bilan annuel des programmes de suivi de l’avifaune bruxelloise

Depuis de nombreuses années, Aves, le pôle ornithologique de Natagora, travaille en collaboration étroite avec Bruxelles Environnement pour assurer un suivi des oiseaux en Région de Bruxelles-Capitale. Grâce à l’implication constante de nombreuses et nombreux volontaires, plusieurs programmes de monitoring sont réalisés annuellement avec succès : SOCBRU (Suivi des Oiseaux Communs par point d’écoute), DPOE (Dénombrement Printanier des Oiseaux d’Eau), DHOE (Dénombrement Hivernal des Oiseaux d’Eau), ainsi que les suivis spécifiques des hirondelles et des espèces exotiques. L’année 2024 marque une étape particulière avec la finalisation des saisons de terrain pour l’atlas 2022 - 2025.

Ce rapport annuel présente donc les résultats des différents suivis réalisés en 2024, qu’il s’agisse des programmes permanents ou des observations intégrées au projet d’atlas. Il permet ainsi de dresser un état des lieux actualisé des populations d’oiseaux à Bruxelles et d’alimenter la préparation des résultats atlas définitifs sur les espèces nicheuses, actuellement en cours de finalisation.

Cliquez ici pour télécharger le rapport

Suivi des oiseaux communs

Le programme SOCBRU, actif depuis 1992, dresse chaque année un portrait de l’évolution des oiseaux communs sur le territoire bruxellois. En 2024, les résultats confirment à nouveau une situation contrastée, reflet des pressions urbaines croissantes et des capacités d’adaptation variables selon les espèces.

Sur 41 espèces à tendance statistiquement significative : 16 sont en déclin, 15 restent stables et 10 sont en progression. Certaines espèces emblématiques, comme le Moineau domestique ou le Pouillot fitis, continuent de reculer de manière préoccupante. À l’inverse, la Buse variable, la Perruche à collier ou encore le Choucas des tours poursuivent leur expansion dans la capitale.

Les différents indicateurs mettent en évidence la régression des oiseaux liés au bâti, en particulier les espèces cavernicoles, victimes des rénovations et aménagements supprimant les cavités dans nos bâtiments. Les espèces forestières, relativement stables dans les grands massifs comme la Forêt de Soignes, déclinent dans les zones résidentielles vertes. Quant aux migrateurs insectivores, ils restent parmi les plus vulnérables, subissant à la fois les effets du changement climatique, de la diminution des insectes ainsi que du manque d’habitats.

Hirondelles

Le suivi annuel des trois espèces d’hirondelles à Bruxelles met en lumière des trajectoires très différentes.

Les populations d’Hirondelles de fenêtre continuent leur progression avec un record de 522 nids occupés en 2024. Ce succès s’explique par une stratégie de conservation mêlant poses de nichoirs, engagement local et suivi ciblé. Deux colonies naturelles, à Forest et Haren, concentrent à elles seules plus des deux tiers des effectifs bruxellois.

L’Hirondelle de rivage, absente de la capitale depuis les années 1970, s’est réinstallée avec succès grâce à des aménagements spécifiques au nord du canal de Bruxelles. En 2024, plus de 50 couples ont été recensés dans les cavités des berges bétonnées du canal, preuve que des programmes adaptés peuvent relancer des dynamiques locales.

Photo : Gabriel Rasson

L’Hirondelle rustique, en revanche, reste confinée à quelques écuries traditionnelles d’Anderlecht. Son avenir reste incertain, tant son habitat rural devient rare dans le tissu urbain bruxellois.

Les oiseaux d’eau printaniers et hivernants

Le programme DPOE a permis de recenser en 2024 seize espèces d’oiseaux d’eau réparties sur vingt-trois plans d’eau, pour un total de plus de 2100 individus (adultes et juvéniles confondus). Les Foulques macroules, Bernaches du Canada et Canards colverts restent les espèces les plus abondamment observées, mais des espèces moins communes comme le Grèbe castagneux ou le Fuligule milouin y trouvent aussi leur place.

L’hiver 2023 - 2024, couvert par le DHOE, confirme cette diversité en hiver. Trente-trois espèces et six hybrides ont été recensés, pour un total de 4689 individus. Les plans d’eau du Domaine Royal de Laeken, le bassin de Battelage à Anderlecht ainsi que le canal nord figurent parmi les sites les plus fréquentés.

Espèces exotiques

La dynamique des espèces exotiques continue de croître. La Perruche à collier est aujourd’hui omniprésente à Bruxelles, avec plusieurs grands dortoirs urbains bien établis. La Perruche alexandre est en forte progression, tandis que la Conure veuve, plus discrète, conserve des noyaux de population stables dans plusieurs communes comme Uccle, Auderghem ou Anderlecht. Du côté de nos plans d’eau, on retrouve également en nombre la Bernache du Canada et l’Ouette d’Egypte.

Même si ces espèces sont désormais intégrées au paysage sonore et visuel de la ville, leur suivi reste nécessaire pour évaluer leurs éventuels impacts sur la faune indigène et la biodiversité urbaine.

Un atlas pour demain : vers une nouvelle cartographie des nicheurs

Initiés en 2022, les relevés du nouvel atlas des oiseaux nicheurs et hivernants de Bruxelles sont désormais achevés. Les campagnes de terrain auront couvert trois printemps et, pour la première fois, trois saisons hivernales.

Nous sommes actuellement en train de rédiger les premières fiches décrivant la répartition et les effectifs des 103 espèces nicheuses à Bruxelles. Une première publication à ce sujet paraitra en automne.

Une analyse des données hivernales et une analyse plus globale de l’avifaune de la région sont prévues dans le courant de l’hiver. Une publication générale est prévue en 2027.

Cet actualisera les connaissances issues des atlas précédents (1989–1991 et 2000–2004) et constituera une référence précieuse pour les politiques de conservation, la planification urbaine et les citoyens soucieux de la nature en Région de Bruxelles-Capitale.