Résultats du terrain

Retour sur le "Big Day" 2024

Le 12 mai dernier, 10 équipes ou personnes isolées ont pris part au Big Day « vert » organisé par la section Natagora Aves Mons-Tournai en Wallonie et à Bruxelles.

Pour rappel, cette course aux oiseaux consiste à observer un maximum d’espèces dans un espace et un temps définis. Outre le fait d’observer intensivement dans un esprit convivial, cette activité offre un aperçu assez complet des espèces présentes dans la zone de prospection.

Prospection dans l’Entre Sambre-et-Meuse

Fidèle à nos engagements, nous avons encouragé la mobilité douce et réduit les déplacements dans un rayon de 20 km autour d’un point de départ choisi par les participant.e.s. Les observations devaient être réalisées entre 5 h 30 et 21 h 30.

Les centres des zones prospectées étaient en Hainaut occidental : Bury et Frasnes-lez-Buissenal ; La Louvière pour la région du Centre et Yvoir en province de Namur. L’Entre-Sambre-et-Meuse a été parcourue par quatre équipes faisant ainsi basculer l’épicentre ornithologique du Hainaut occidental vers cette belle région. Aucune équipe ne s’est constituée en Région Bruxelloise ni dans les provinces de Liège et du Luxembourg.

Un point fixe (Big Sit) été actif à Frasnes-lez-Buissenal (34 espèces) et un autre à Saint-Jean-Geest (39 espèces) dans la région de Jodoigne.

Premier fait notable, la journée s’est déroulée sous une météo clémente ce qui, en ce printemps le plus pluvieux depuis 1905, est à pointer. L’arrivée de la pluie en fin de journée n’a pas trop influencé les résultats et avec des températures proches des 20° il était agréable de sortir les jumelles.

Le total des espèces observées est par contre assez décevant sans « sensation forte ». 136 espèces (dont 5 Cat C) ont été détectées par les 21 participant.e.s, contre 159 en 2022 et 145 en 2021. La différence peut s’expliquer en partie par le peu de migrateurs détectés notamment sur l’étang de Virelles.

Réparer un maillon d’une chaine de vélo n’est jamais simple sur le terrain

Aucune rareté n’a été observée et le Balbuzard pêcheur, la Mouette pygmée, la Bergeronnette printanière nordique et le Traquet motteux sont les seuls migrateurs observés au cours de cette journée.

Cette journée intensive a quand même permis la découverte deux belles « surprises » avec un couple d’Huîtrier pie dans le zoning de Nivelles et de deux Bruant proyer chanteurs à Beloeil.

20 espèces ont été contactées uniquement par une équipe. Il s’agit par ordre alphabétique du Balbuzard pêcheur, de la Bécasse des bois, du Busard cendré, du Canard souchet, de la Chouette hulotte, du Cincle plongeur, d’un Faucon émerillon tardif, du Goéland cendré, du Grèbe à cou noir, du Héron garde-bœufs, de l’Huîtrier pie, de la Locustelle tachetée, du Moineau friquet, de la Mouette pygmée, de la Nette rousse, de la Perdrix grise, du Phragmite des joncs, du Pic mar et des Sarcelle d’hiver et Sarcelle d’été.

Photo : Damien Sevrin

Le Moineau domestique n’a pas été pointé par toutes les équipes. Espérons que ce pierrot ne suivra pas la même tendance dramatique que celle du Friquet.

Le « Big Day » en quelques chiffres :

  • 136, le nombre total d’espèces contactées

  • 106, le nombre maximum d’espèces contactées par une équipe (équipe de La Louvière)

  • 20, le nombre d’espèces observées ou entendues uniquement par une seule équipe

  • 5, le nombre d’espèces introduites et/ou échappées observées (Catégorie C), soit la Bernache du Canada, l’Ouette d’Égypte, le Faisan de Colchide, le Pigeon biset domestique, la Perruche à collier.

  • 5, le nombre d’équipes à pied ou à vélo

  • 3, le nombre d’espèces contactées par toutes les équipes : la Fauvette à tête noire, l’Accenteur mouchet et le Pouillot véloce

  • 1, le nombre d’équipe à pied (Virelles)

Les oiseaux à Bruxelles en 2023

Depuis de nombreuses années, Aves, le pôle ornithologique de Natagora, travaille en collaboration avec Bruxelles Environnement pour assurer le suivi et l’étude de l’avifaune en Région de Bruxelles-Capitale.

Ces monitorings sont réalisés avec l’aide, et grâce à, de nombreux ornithologues volontaires qui joignent l’utile à l’agréable lors de leurs sorties de terrain. Ces milliers de données ornithologiques ainsi récoltées dans le cadre de protocoles scientifiques rigoureux, permettent alors de nombreuses analyses et comparaisons sur l’état des populations d’oiseaux à Bruxelles.

Le rapport annuel présenté ici compile les différents projets de suivi ainsi que leurs résultats pour l’année 2023.

En résumé, ce rapport présente six projets, il est disponible sur ce lien (15Mo) :

  • Le suivi des oiseaux communs nicheurs par la méthode des points d'écoute (SOCBRU).

  • Le recensement des colonies d’Hirondelle de fenêtre et de rivage.

  • Le suivi des espèces exotiques dont les Perruches à collier et P. alexandre.

  • Le dénombrement printanier des oiseaux d’eau (DPOE).

  • Le dénombrement hivernal des oiseaux d’eau (DHOE).

  • L’Atlas des oiseaux nicheurs et hivernants de Bruxelles.

Suivi de l’avifaune commune bruxelloise (SOCBRU)

Ce suivi récurrent, un des plus anciens en région bruxelloise, est mené annuellement depuis 1992. 116 points d’écoute, répartis sur l’ensemble du territoire bruxellois, sont visités durant 15 minutes deux fois par an au printemps. Ce protocole simple offre sur le long terme un aperçu global et fiable de l’évolution des espèces et populations d’oiseaux communs dans la capitale.

Photo : Frédéric Demeuse

Ces suivis mettent en évidence un déclin global de l’avifaune indigène commune depuis 1992. Certains groupes sont en déclin prononcé, comme les espèces nichant dans le bâti et les insectivores migrateurs (liés aux friches), alors que d’autres, tels que les espèces exotiques ou les corvidés, sont en croissance sur le long terme.

Sur les 44 espèces dont la tendance est significative, 16 espèces sont en déclin (36%), 16 espèces sont stables (36%) et 12 espèces sont en croissance (28%).

Suivi des colonies d’hirondelles

L’Hirondelle de fenêtre, après une quasi-disparition en tant qu’espèce nicheuse à Bruxelles (33 couples en 2002), connaît une année 2023 record depuis 1992 avec pas moins de 477 nids occupés recensés, soit une augmentation de 82% par rapport à l’année précédente. Ces résultats presque historiques sont dus à un travail collectif et collaboratif dans la prise de mesures de protection de l’espèce depuis de nombreuses années (placement des nichoirs, sensibilisation de la population, gestion plus écologique du canal de de la Senne, …).

L’Hirondelle de rivage, disparue de la région bruxelloise depuis 1978 en tant que nicheuse, s’est réimplantée avec succès le long du canal en 2021 (10 couples, probablement attirés par les caissons nichoirs installés plus tôt dans l’année). En 2023, les résultats sont exceptionnels avec 35 couples nicheurs estimés.

L’Hirondelle rustique n’est pratiquement plus présente en Région de Bruxelles-Capitale alors qu’elle était encore commune et bien répartie dans la ceinture verte dans les années 80-90. Ceci est principalement dû à la disparition de son habitat (fermes et zones agricoles). En 2023, on ne recense que 8 nids occupés.

Suivi des perruches

À Bruxelles, on peut observer 3 espèces de perruches : la Perruche à collier, la Perruche alexandre et la Conure veuve.

Les Perruches à collier et alexandre de l’agglomération étendue de Bruxelles se rassemblent le soir dans des dortoirs. En 2016, date du dernier recensement, +/- 9.000 Perruches y avaient été dénombrées. Bien qu’on observe une stabilisation des effectifs à Bruxelles, aussi bien aux points d’écoute qu’en présence aux dortoirs (2016), les résultats finaux de l’Atlas des oiseaux de Bruxelles offriront certainement un aperçu plus fin de leurs populations. La Perruche alexandre, nouvelle arrivée, est en progression forte dans la capitale.

La présence de la Conure veuve, remarquable par les immenses nids coloniaux qu’elle installe dans les arbres, se limite à quelques noyaux de colonies et un nombre limité de petites colonies satellites pionnières.

Le dénombrement printanier de oiseaux d’eau (DPOE)

Le suivi des oiseaux d’eau communs au printemps a été réalisé sur un échantillon de 23 étangs bruxellois.

Au total, 16 espèces ont été dénombrées pour un effectif total de 1906 individus. Les 6 espèces aquatiques s.s. les plus fréquentes sont dans l’ordre décroissant : la Foulque macroule, le Canard colvert, l’Ouette d’Égypte, la Bernache du Canada, le Fuligule morillon, le Canard chipeau. Parmi elles, deux espèces exotiques (la Bernache du Canada et l’Ouette d’Égypte) et représentent 27,8 % de l’avifaune aquatique printanière.

Photo : Magalie Tomas Millan

Les effectifs les plus élevés se trouvent aux étangs Mellaerts, aux étangs de Neerpede et au Parc de Woluwe. Les sites les plus riches en espèces sont les étangs de Neerpede, l’étang de Val Duchesse et le Parc de Woluwe.

Le dénombrement hivernal des oiseaux d’eau (DHOE)

Bruxelles est également une région d’hivernage pour de nombreux oiseaux aquatiques et les dénombrements hivernaux y sont organisés depuis 1966. Pendant le mois de janvier de l’hiver 2022-2023, une cinquantaine de sites ont été visités en région bruxelloise. Un total de 5.084 individus a été recensé pour 35 espèces, dont 3.396 appartenant à des espèces strictement aquatiques (Anatidés, Rallidés, Podocipédidés et Phalacrocoracidés). Des 18 espèces les plus nombreuses en janvier 2023, dont 2 sont exotiques (Ouette d’Égypte et Bernache du Canada).

Les trois sites accueillant les plus grands effectifs sont le Domaine Royal de Laeken, les étangs de Neerpede et la partie nord du canal de Bruxelles. La plus grande diversité d’espèces a été observée au Domaine Royal de laeken (23 esp.), à l’Étang du moulin à Watermael-Boitsfort (18 esp.) ainsi qu’au Rouge-Cloître et aux Étangs de Neerpede (17 esp.).

L’Atlas des Oiseaux nicheurs et hivernants de Bruxelles

Le projet Atlas a été lancé en 2022 et porte sur la période de 2022-2025 en venant s’ajouter au programme de monitoring récurrent déjà en place. En couvrant ainsi trois printemps et trois hivers, l’Atlas consiste à dresser un état des lieux de l’avifaune bruxelloise et mettre à jour les Atlas des oiseaux nicheurs précédents (1989-1991 et 2000-2004). La version 2022-2024 comporte pour la première fois un dénombrement des oiseaux hivernants. La localisation des espèces et l’estimation des effectifs se fait sur base d’une grille de 198 carrés d’1km². Jusqu’à présent, une centaine de volontaires ont déjà participé aux dénombrements printaniers et hivernaux.

Nous entamons ce printemps la dernière année de terrain du projet Atlas !

Remerciements

Nous adressons nos remerciements à Bruxelles-Environnement pour leur soutien dans nos projets de monitoring à Bruxelles. Nous remercions également chaleureusement les nombreux·ses ornithologues volontaires qui participent avec plaisir et enthousiasme à nos recensements. Ils et elles sont indispensables au bon déroulement de ces suivis. Enfin, merci à Natuurpunt pour leur collaboration dans l’Atlas des oiseaux de Bruxelles.

Enfin, l’année 2023 a été marquée par le départ à la retraite d’Alain Paquet qui a assuré le poste de coordination des monitorings ornithologiques à Bruxelles entre 2015 et 2023. Son enthousiasme pour ce post a permis la mise en place de l’Atlas des Oiseaux de Bruxelles. Il a été remplacé par Marius Pailhès au mois de mai.

Nidification du Petit Gravelot à Tour et Taxis (Bruxelles) en 2023

Accouplement de Petits Gravelots Charadrius dubius à Bruxelles © Olivier Taylor

Le Petit Gravelot ou Pluvier petit-gravelot (Charadrius dubius) est un petit oiseau aquatique insectivore discret appartenant au groupe des limicoles. Originellement, cette espèce évolue sur des bancs de galets, de graviers et de sable à proximité des cours d’eau (rivières, régions côtières…) (Weiserbs & Jacob, 2007). De retour sous nos latitudes de mars à octobre pour nicher, il retrouvera des conditions de vie similaires en milieux urbains au sein de sites industrialisés. L’observateur pourra s’émerveiller à le regarder courir frénétiquement, semblant glisser tant ses pattes en deviennent invisibles. Les premières observations du Petit Gravelot à Bruxelles remontent déjà aux années 1970, notamment à Forest, Woluwe-Saint-Pierre ou encore Anderlecht. Lors du précédent Atlas des Oiseaux de Bruxelles (2000-2004), la population nicheuse était de 6-7 couples (contre 9-10 pour la période 1989-1991), principalement distribués dans la partie Nord de la ville, d’Est en Ouest le long du canal. En 2023, seuls 2 couples sont observés comme nicheurs certains au Nord-Est de la capitale (Tour & Taxis, Molenbeek-St-Jean ; Gare de formation, Schaerbeek). D’autres individus sont cependant aperçus paradant dans des habitats potentiellement adéquats pour leur nidification, notamment à Neder-Over-Hembeek. L’artificialisation et l’urbanisation des dernières friches urbaines pourraient mettre en péril la présence et la nidification de ces petits coureurs en Région Bruxelles-Capitale.

Vous découvrirez ci-dessous le suivi de la nidification d’un couple de Petits Gravelots sur le site de Tour & Taxis (Molenbeek-Saint-Jean) au printemps 2023 (historique des observations). Olivier Taylor a suivi de près leur parade, accouplement, nidification et multiples péripéties auxquelles ces petits limicoles ont fait face. Il nous livre ici un magnifique reportage photographique de leur aventure.

Début mars, le couple est observé sur le site de Tour & Taxis à Bruxelles. Là, un espace laissé en friche accueille, une fois de plus, le Petit Gravelot. En effet, l’espèce s’est déjà installée sur cette parcelle urbaine qui semble correspondre à ses exigences de nidification : un lieu peu végétalisé, minéral, exposé au soleil et chaud, et à proximité d’un point d’eau.

Ci-dessous, une première parade photographiée le 19 mars. Après avoir effectué un vol nuptial spectaculaire, le mâle adopte un comportement de parade au sol pendant lequel, penché vers l’avant, il ouvre ses ailes, étale sa queue et chante afin de séduire la femelle.

Parade de Petits Gravelots Charadrius dubius © Olivier Taylor

© Olivier Taylor

Les efforts du mâle semblent avoir payé et la femelle a choisi un site de nidification à son goût. Le 9 avril, après avoir façonné son nid en l’entourant de galets et quelques branchettes, la femelle a pondu 4 œufs. Les deux adultes assureront la couvaison, tout à tour, pendant une vingtaine de jours avant l’éclosion.

Cette première nichée est un succès : 4 juvéniles sont aperçus début mai sur la friche ! Seulement, la vulnérabilité et l’exposition de ces poussins ne sont pas passées inaperçues pour un couple de Corneille noire (Corvus corone) nichant à proximité. Elles aussi ont des petits à nourrir et, malheureusement pour nos Petits Gravelots, ces poussins leur semblent servis sur un plateau. Le 3 mai, malgré les tentatives d’intimidation des adultes, tous les petits seront mangés par ce prédateur (photos © Olivier Taylor) .

Ainsi va la vie pour ces Petits Gravelots qui ne se découragent pas et retentent l’expérience. Un second accouplement est observé le 14 mai.

Une semaine plus tard, le 21 mai, ce dernier est suivi de la ponte de 4 nouveaux œufs.  À nouveau, nos deux adultes prendront soin d’alterner la couvaison. Cependant, cette fois ce sont les œufs qui disparaîtront, sans preuve concrète du prédateur à l’œuvre.

L’histoire, et surtout Olivier Taylor, raconte que le couple aurait réalisé une troisième tentative de parade et accouplement avant de quitter la friche pour cette année.

Cet évènement appuie l’importance des friches urbaines, véritables terres d’accueil pour la biodiversité en ville. À l’instar de nos parcs, jardins et forêts urbaines, les friches, s’inscrivant dans le réseau écologique, assurent une diversité de milieux naturels et jouent un rôle socio-écologique essentiel. En apportant le gîte et le couvert, les friches représentent alors un véritable réservoir pour de nombreuses espèces spécialisées et restent complémentaires aux espaces verts existants pour nos espèces mieux habituées à la vie en ville. Ces milieux ouverts en voie de disparition, pourtant indispensables à une foule d’espèces - parfois rares -, sont souvent convoités à des fins urbanistiques mettant dès lors en péril le maintien d’une nature riche et diversifiée (et accessible à tous.tes) à Bruxelles.

Références

Weiserbs A. & Jacob J.-P. (2007). Oiseaux nicheurs de Bruxelles 2000-2004: répartition, effectifs, évolution. Aves, Liège, 292 pages