Résultats du terrain

Bilan annuel des programmes de suivi de l’avifaune bruxelloise

Depuis de nombreuses années, Aves, le pôle ornithologique de Natagora, travaille en collaboration étroite avec Bruxelles Environnement pour assurer un suivi des oiseaux en Région de Bruxelles-Capitale. Grâce à l’implication constante de nombreuses et nombreux volontaires, plusieurs programmes de monitoring sont réalisés annuellement avec succès : SOCBRU (Suivi des Oiseaux Communs par point d’écoute), DPOE (Dénombrement Printanier des Oiseaux d’Eau), DHOE (Dénombrement Hivernal des Oiseaux d’Eau), ainsi que les suivis spécifiques des hirondelles et des espèces exotiques. L’année 2024 marque une étape particulière avec la finalisation des saisons de terrain pour l’atlas 2022 - 2025.

Ce rapport annuel présente donc les résultats des différents suivis réalisés en 2024, qu’il s’agisse des programmes permanents ou des observations intégrées au projet d’atlas. Il permet ainsi de dresser un état des lieux actualisé des populations d’oiseaux à Bruxelles et d’alimenter la préparation des résultats atlas définitifs sur les espèces nicheuses, actuellement en cours de finalisation.

Suivi des oiseaux communs

Le programme SOCBRU, actif depuis 1992, dresse chaque année un portrait de l’évolution des oiseaux communs sur le territoire bruxellois. En 2024, les résultats confirment à nouveau une situation contrastée, reflet des pressions urbaines croissantes et des capacités d’adaptation variables selon les espèces.

Sur 41 espèces à tendance statistiquement significative : 16 sont en déclin, 15 restent stables et 10 sont en progression. Certaines espèces emblématiques, comme le Moineau domestique ou le Pouillot fitis, continuent de reculer de manière préoccupante. À l’inverse, la Buse variable, la Perruche à collier ou encore le Choucas des tours poursuivent leur expansion dans la capitale.

Les différents indicateurs mettent en évidence la régression des oiseaux liés au bâti, en particulier les espèces cavernicoles, victimes des rénovations et aménagements supprimant les cavités dans nos bâtiments. Les espèces forestières, relativement stables dans les grands massifs comme la Forêt de Soignes, déclinent dans les zones résidentielles vertes. Quant aux migrateurs insectivores, ils restent parmi les plus vulnérables, subissant à la fois les effets du changement climatique, de la diminution des insectes ainsi que du manque d’habitats.

Hirondelles

Le suivi annuel des trois espèces d’hirondelles à Bruxelles met en lumière des trajectoires très différentes.

Les populations d’Hirondelles de fenêtre continuent leur progression avec un record de 522 nids occupés en 2024. Ce succès s’explique par une stratégie de conservation mêlant poses de nichoirs, engagement local et suivi ciblé. Deux colonies naturelles, à Forest et Haren, concentrent à elles seules plus des deux tiers des effectifs bruxellois.

L’Hirondelle de rivage, absente de la capitale depuis les années 1970, s’est réinstallée avec succès grâce à des aménagements spécifiques au nord du canal de Bruxelles. En 2024, plus de 50 couples ont été recensés dans les cavités des berges bétonnées du canal, preuve que des programmes adaptés peuvent relancer des dynamiques locales.

Photo : Gabriel Rasson

L’Hirondelle rustique, en revanche, reste confinée à quelques écuries traditionnelles d’Anderlecht. Son avenir reste incertain, tant son habitat rural devient rare dans le tissu urbain bruxellois.

Les oiseaux d’eau printaniers et hivernants

Le programme DPOE a permis de recenser en 2024 seize espèces d’oiseaux d’eau réparties sur vingt-trois plans d’eau, pour un total de plus de 2100 individus (adultes et juvéniles confondus). Les Foulques macroules, Bernaches du Canada et Canards colverts restent les espèces les plus abondamment observées, mais des espèces moins communes comme le Grèbe castagneux ou le Fuligule milouin y trouvent aussi leur place.

L’hiver 2023 - 2024, couvert par le DHOE, confirme cette diversité en hiver. Trente-trois espèces et six hybrides ont été recensés, pour un total de 4689 individus. Les plans d’eau du Domaine Royal de Laeken, le bassin de Battelage à Anderlecht ainsi que le canal nord figurent parmi les sites les plus fréquentés.

Espèces exotiques

La dynamique des espèces exotiques continue de croître. La Perruche à collier est aujourd’hui omniprésente à Bruxelles, avec plusieurs grands dortoirs urbains bien établis. La Perruche alexandre est en forte progression, tandis que la Conure veuve, plus discrète, conserve des noyaux de population stables dans plusieurs communes comme Uccle, Auderghem ou Anderlecht. Du côté de nos plans d’eau, on retrouve également en nombre la Bernache du Canada et l’Ouette d’Egypte.

Même si ces espèces sont désormais intégrées au paysage sonore et visuel de la ville, leur suivi reste nécessaire pour évaluer leurs éventuels impacts sur la faune indigène et la biodiversité urbaine.

Un atlas pour demain : vers une nouvelle cartographie des nicheurs

Initiés en 2022, les relevés du nouvel atlas des oiseaux nicheurs et hivernants de Bruxelles sont désormais achevés. Les campagnes de terrain auront couvert trois printemps et, pour la première fois, trois saisons hivernales.

Nous sommes actuellement en train de rédiger les premières fiches décrivant la répartition et les effectifs des 103 espèces nicheuses à Bruxelles. Une première publication à ce sujet paraitra en automne.

Une analyse des données hivernales et une analyse plus globale de l’avifaune de la région sont prévues dans le courant de l’hiver. Une publication générale est prévue en 2027.

Cet actualisera les connaissances issues des atlas précédents (1989–1991 et 2000–2004) et constituera une référence précieuse pour les politiques de conservation, la planification urbaine et les citoyens soucieux de la nature en Région de Bruxelles-Capitale.

Aves a participé à la 23e conférence de l'EBCC

Photo Ivo Dinsbergs

Du 31 mars au 5 avril 2025 se tenait à l’Université de Riga, en Lettonie, la 23e conférence de l’European Bird Census Council*. Cette conférence se déroule tous les 3 ans et regroupe les ornithologues européens autour du monitoring des oiseaux. Le slogan de cette conférence est d’ailleurs “Chaque oiseau compte”.

Le programme était chargé, avec plus de 90 présentations et une centaine de posters. Plusieurs ateliers spécifiques étaient aussi organisés pour permettre aux responsables de projets des différents pays de se retrouver en personnes et partager leurs expériences. Les soirées et la journée de visite sur le terrain ont également permis de tisser des liens et d’échanger lors de nombreuses discussions ornithologiques et méthodologiques.

La délégation du département études de Natagora, pour Aves, était composée de Jean-Yves Paquet, Jean-Sébastien Rousseau-Piot, Marius Pailhès et Antoine Derouaux, chacun ayant préparé une présentation ou un poster en lien avec nos projets d’étude.

De gauche à droite, Antoine Derouaux, Jean-Sébastien Rousseau-Piot, Jean-Yves Paquet et Marius Pailhès. Un bon observateur les retrouvera dans la photo de groupe ci-dessus…

La grande majorité des présentation ont mis en évidence les observateurs passionnés d’oiseaux, souvent volontaires, qui contribuent à la récolte des données pour de nombreux projets scientifiques. Ces projets servent à mieux connaître les populations d’oiseaux pour mieux les protéger. Mais ils servent aussi à évaluer les mesures mises en place pour la protection des espèces.

Et à travers ses projets, Aves n’a pas à rougir. Entre les suivis des oiseaux communs, les atlas, les enquêtes spécifiques et l’exploitation des données issues du portail www.observations.be nous avons pu présenter plusieurs résultats intéressants. Nous avons surtout la chance de pouvoir compter sur un très bon réseau d’ornithologues de qualité, souvent issus de nos formations. En effet, pour obtenir des résultats scientifiques pertinents, il est indispensable de pouvoir se baser sur des données objectives et qualitatives. Nos protocoles et la validation des observations dans notre portail permet d’utiliser ces données dans de nombreuses études locales ou internationales. 

Vous pouvez télécharger les posters présentés par l’équipe en cliquant sur les liens ci-dessous :

Atlas des oiseaux de Bruxelles (Marius Pailhès, Simon Feys, Antoine Derouaux, Jean-Yves Paquet)

Évolution des oiseaux d’eau hivernant en Belgique (Koen Devos, Thierry Onkelinx, Jean-Yves Paquet, Antoine Derouaux)

Contribution de l’intelligence artificielle pour la récolte des données ornithologiques (Jean-Sébastien Rousseaux-Piot, Jean-Yves Paquet).

Deux présentations orales ont également été faites lors de cette conférence :

De la campagne aux villes et villages : l’évolution récente de la population de Corbeaux freux en Wallonie.(Antoine Derouaux, Mathieu Derume et Jean-Yves Paquet). Elle présente les premiers résultats du recensement exhaustif des colonies de Corbeaux freux en Wallonie en 2024. Un article plus détaillé sera publié prochainement.

L’utilisation des données courantes pour estimer les changement dans les populations d’oiseaux terrestres hivernants (Thomas Duchesne et Jean-Yves Paquet). Cette présentation, plus technique, montre la possibilité de calculer des tendances pour mesurer l’évolution des populations d’oiseaux sur base de données récoltées sans protocoles.

*L’European Bird Census Council (EBCC) coordonne le monitoring des oiseaux nicheurs en Europe (via PECBMS), c’est aussi l’organe qui a coordonné le deuxième Atlas des Oiseaux nicheurs d’Europe (EBBA2) et enfin, il s’assure que les différents portails d’encodage d’observations en Europe puissent regrouper leurs banques de données via le projet EuroBirdPortal. Aves s’implique dans ces projets via l’envoi des données, la participation aux différents ateliers organisés par l’EBCC et par une représentation dans le board de l’EBCC (Jean-Yves Paquet en est le nouveau vice-président).

Retour sur le "Big Day" 2024

Le 12 mai dernier, 10 équipes ou personnes isolées ont pris part au Big Day « vert » organisé par la section Natagora Aves Mons-Tournai en Wallonie et à Bruxelles.

Pour rappel, cette course aux oiseaux consiste à observer un maximum d’espèces dans un espace et un temps définis. Outre le fait d’observer intensivement dans un esprit convivial, cette activité offre un aperçu assez complet des espèces présentes dans la zone de prospection.

Prospection dans l’Entre Sambre-et-Meuse

Fidèle à nos engagements, nous avons encouragé la mobilité douce et réduit les déplacements dans un rayon de 20 km autour d’un point de départ choisi par les participant.e.s. Les observations devaient être réalisées entre 5 h 30 et 21 h 30.

Les centres des zones prospectées étaient en Hainaut occidental : Bury et Frasnes-lez-Buissenal ; La Louvière pour la région du Centre et Yvoir en province de Namur. L’Entre-Sambre-et-Meuse a été parcourue par quatre équipes faisant ainsi basculer l’épicentre ornithologique du Hainaut occidental vers cette belle région. Aucune équipe ne s’est constituée en Région Bruxelloise ni dans les provinces de Liège et du Luxembourg.

Un point fixe (Big Sit) été actif à Frasnes-lez-Buissenal (34 espèces) et un autre à Saint-Jean-Geest (39 espèces) dans la région de Jodoigne.

Premier fait notable, la journée s’est déroulée sous une météo clémente ce qui, en ce printemps le plus pluvieux depuis 1905, est à pointer. L’arrivée de la pluie en fin de journée n’a pas trop influencé les résultats et avec des températures proches des 20° il était agréable de sortir les jumelles.

Le total des espèces observées est par contre assez décevant sans « sensation forte ». 136 espèces (dont 5 Cat C) ont été détectées par les 21 participant.e.s, contre 159 en 2022 et 145 en 2021. La différence peut s’expliquer en partie par le peu de migrateurs détectés notamment sur l’étang de Virelles.

Réparer un maillon d’une chaine de vélo n’est jamais simple sur le terrain

Aucune rareté n’a été observée et le Balbuzard pêcheur, la Mouette pygmée, la Bergeronnette printanière nordique et le Traquet motteux sont les seuls migrateurs observés au cours de cette journée.

Cette journée intensive a quand même permis la découverte deux belles « surprises » avec un couple d’Huîtrier pie dans le zoning de Nivelles et de deux Bruant proyer chanteurs à Beloeil.

20 espèces ont été contactées uniquement par une équipe. Il s’agit par ordre alphabétique du Balbuzard pêcheur, de la Bécasse des bois, du Busard cendré, du Canard souchet, de la Chouette hulotte, du Cincle plongeur, d’un Faucon émerillon tardif, du Goéland cendré, du Grèbe à cou noir, du Héron garde-bœufs, de l’Huîtrier pie, de la Locustelle tachetée, du Moineau friquet, de la Mouette pygmée, de la Nette rousse, de la Perdrix grise, du Phragmite des joncs, du Pic mar et des Sarcelle d’hiver et Sarcelle d’été.

Photo : Damien Sevrin

Le Moineau domestique n’a pas été pointé par toutes les équipes. Espérons que ce pierrot ne suivra pas la même tendance dramatique que celle du Friquet.

Le « Big Day » en quelques chiffres :

  • 136, le nombre total d’espèces contactées

  • 106, le nombre maximum d’espèces contactées par une équipe (équipe de La Louvière)

  • 20, le nombre d’espèces observées ou entendues uniquement par une seule équipe

  • 5, le nombre d’espèces introduites et/ou échappées observées (Catégorie C), soit la Bernache du Canada, l’Ouette d’Égypte, le Faisan de Colchide, le Pigeon biset domestique, la Perruche à collier.

  • 5, le nombre d’équipes à pied ou à vélo

  • 3, le nombre d’espèces contactées par toutes les équipes : la Fauvette à tête noire, l’Accenteur mouchet et le Pouillot véloce

  • 1, le nombre d’équipe à pied (Virelles)