SOCBRU

Les oiseaux à Bruxelles en 2023

Depuis de nombreuses années, Aves, le pôle ornithologique de Natagora, travaille en collaboration avec Bruxelles Environnement pour assurer le suivi et l’étude de l’avifaune en Région de Bruxelles-Capitale.

Ces monitorings sont réalisés avec l’aide, et grâce à, de nombreux ornithologues volontaires qui joignent l’utile à l’agréable lors de leurs sorties de terrain. Ces milliers de données ornithologiques ainsi récoltées dans le cadre de protocoles scientifiques rigoureux, permettent alors de nombreuses analyses et comparaisons sur l’état des populations d’oiseaux à Bruxelles.

Le rapport annuel présenté ici compile les différents projets de suivi ainsi que leurs résultats pour l’année 2023.

En résumé, ce rapport présente six projets, il est disponible sur ce lien (15Mo) :

  • Le suivi des oiseaux communs nicheurs par la méthode des points d'écoute (SOCBRU).

  • Le recensement des colonies d’Hirondelle de fenêtre et de rivage.

  • Le suivi des espèces exotiques dont les Perruches à collier et P. alexandre.

  • Le dénombrement printanier des oiseaux d’eau (DPOE).

  • Le dénombrement hivernal des oiseaux d’eau (DHOE).

  • L’Atlas des oiseaux nicheurs et hivernants de Bruxelles.

Suivi de l’avifaune commune bruxelloise (SOCBRU)

Ce suivi récurrent, un des plus anciens en région bruxelloise, est mené annuellement depuis 1992. 116 points d’écoute, répartis sur l’ensemble du territoire bruxellois, sont visités durant 15 minutes deux fois par an au printemps. Ce protocole simple offre sur le long terme un aperçu global et fiable de l’évolution des espèces et populations d’oiseaux communs dans la capitale.

Photo : Frédéric Demeuse

Ces suivis mettent en évidence un déclin global de l’avifaune indigène commune depuis 1992. Certains groupes sont en déclin prononcé, comme les espèces nichant dans le bâti et les insectivores migrateurs (liés aux friches), alors que d’autres, tels que les espèces exotiques ou les corvidés, sont en croissance sur le long terme.

Sur les 44 espèces dont la tendance est significative, 16 espèces sont en déclin (36%), 16 espèces sont stables (36%) et 12 espèces sont en croissance (28%).

Suivi des colonies d’hirondelles

L’Hirondelle de fenêtre, après une quasi-disparition en tant qu’espèce nicheuse à Bruxelles (33 couples en 2002), connaît une année 2023 record depuis 1992 avec pas moins de 477 nids occupés recensés, soit une augmentation de 82% par rapport à l’année précédente. Ces résultats presque historiques sont dus à un travail collectif et collaboratif dans la prise de mesures de protection de l’espèce depuis de nombreuses années (placement des nichoirs, sensibilisation de la population, gestion plus écologique du canal de de la Senne, …).

L’Hirondelle de rivage, disparue de la région bruxelloise depuis 1978 en tant que nicheuse, s’est réimplantée avec succès le long du canal en 2021 (10 couples, probablement attirés par les caissons nichoirs installés plus tôt dans l’année). En 2023, les résultats sont exceptionnels avec 35 couples nicheurs estimés.

L’Hirondelle rustique n’est pratiquement plus présente en Région de Bruxelles-Capitale alors qu’elle était encore commune et bien répartie dans la ceinture verte dans les années 80-90. Ceci est principalement dû à la disparition de son habitat (fermes et zones agricoles). En 2023, on ne recense que 8 nids occupés.

Suivi des perruches

À Bruxelles, on peut observer 3 espèces de perruches : la Perruche à collier, la Perruche alexandre et la Conure veuve.

Les Perruches à collier et alexandre de l’agglomération étendue de Bruxelles se rassemblent le soir dans des dortoirs. En 2016, date du dernier recensement, +/- 9.000 Perruches y avaient été dénombrées. Bien qu’on observe une stabilisation des effectifs à Bruxelles, aussi bien aux points d’écoute qu’en présence aux dortoirs (2016), les résultats finaux de l’Atlas des oiseaux de Bruxelles offriront certainement un aperçu plus fin de leurs populations. La Perruche alexandre, nouvelle arrivée, est en progression forte dans la capitale.

La présence de la Conure veuve, remarquable par les immenses nids coloniaux qu’elle installe dans les arbres, se limite à quelques noyaux de colonies et un nombre limité de petites colonies satellites pionnières.

Le dénombrement printanier de oiseaux d’eau (DPOE)

Le suivi des oiseaux d’eau communs au printemps a été réalisé sur un échantillon de 23 étangs bruxellois.

Au total, 16 espèces ont été dénombrées pour un effectif total de 1906 individus. Les 6 espèces aquatiques s.s. les plus fréquentes sont dans l’ordre décroissant : la Foulque macroule, le Canard colvert, l’Ouette d’Égypte, la Bernache du Canada, le Fuligule morillon, le Canard chipeau. Parmi elles, deux espèces exotiques (la Bernache du Canada et l’Ouette d’Égypte) et représentent 27,8 % de l’avifaune aquatique printanière.

Photo : Magalie Tomas Millan

Les effectifs les plus élevés se trouvent aux étangs Mellaerts, aux étangs de Neerpede et au Parc de Woluwe. Les sites les plus riches en espèces sont les étangs de Neerpede, l’étang de Val Duchesse et le Parc de Woluwe.

Le dénombrement hivernal des oiseaux d’eau (DHOE)

Bruxelles est également une région d’hivernage pour de nombreux oiseaux aquatiques et les dénombrements hivernaux y sont organisés depuis 1966. Pendant le mois de janvier de l’hiver 2022-2023, une cinquantaine de sites ont été visités en région bruxelloise. Un total de 5.084 individus a été recensé pour 35 espèces, dont 3.396 appartenant à des espèces strictement aquatiques (Anatidés, Rallidés, Podocipédidés et Phalacrocoracidés). Des 18 espèces les plus nombreuses en janvier 2023, dont 2 sont exotiques (Ouette d’Égypte et Bernache du Canada).

Les trois sites accueillant les plus grands effectifs sont le Domaine Royal de Laeken, les étangs de Neerpede et la partie nord du canal de Bruxelles. La plus grande diversité d’espèces a été observée au Domaine Royal de laeken (23 esp.), à l’Étang du moulin à Watermael-Boitsfort (18 esp.) ainsi qu’au Rouge-Cloître et aux Étangs de Neerpede (17 esp.).

L’Atlas des Oiseaux nicheurs et hivernants de Bruxelles

Le projet Atlas a été lancé en 2022 et porte sur la période de 2022-2025 en venant s’ajouter au programme de monitoring récurrent déjà en place. En couvrant ainsi trois printemps et trois hivers, l’Atlas consiste à dresser un état des lieux de l’avifaune bruxelloise et mettre à jour les Atlas des oiseaux nicheurs précédents (1989-1991 et 2000-2004). La version 2022-2024 comporte pour la première fois un dénombrement des oiseaux hivernants. La localisation des espèces et l’estimation des effectifs se fait sur base d’une grille de 198 carrés d’1km². Jusqu’à présent, une centaine de volontaires ont déjà participé aux dénombrements printaniers et hivernaux.

Nous entamons ce printemps la dernière année de terrain du projet Atlas !

Remerciements

Nous adressons nos remerciements à Bruxelles-Environnement pour leur soutien dans nos projets de monitoring à Bruxelles. Nous remercions également chaleureusement les nombreux·ses ornithologues volontaires qui participent avec plaisir et enthousiasme à nos recensements. Ils et elles sont indispensables au bon déroulement de ces suivis. Enfin, merci à Natuurpunt pour leur collaboration dans l’Atlas des oiseaux de Bruxelles.

Enfin, l’année 2023 a été marquée par le départ à la retraite d’Alain Paquet qui a assuré le poste de coordination des monitorings ornithologiques à Bruxelles entre 2015 et 2023. Son enthousiasme pour ce post a permis la mise en place de l’Atlas des Oiseaux de Bruxelles. Il a été remplacé par Marius Pailhès au mois de mai.

Monitoring des oiseaux en région de Bruxelles-Capitale en 2022

Chaque année depuis plus de 30 ans, Aves, le pôle ornithologique de Natagora, travaille en partenariat avec Bruxelles-Environnement sur différents projets de monitoring (oiseaux, mammifères, reptiles et amphibiens…).

Le monitoring des populations d’oiseaux mobilise tous les ans des dizaines d’ornithologues volontaires qui comptent les oiseaux communs, les oiseaux d’eau, les perruches, les moineaux, les martinets ou les hirondelles. Des milliers de données sont ainsi récoltées chaque années dans nos banques de données. Un rapport annuel est ensuite produit en début d’année afin de justifier les subsides perçus de la Région pour ce travail.

Cette publication résume le rapport de 2022 en fonction des différents projets menés l’an dernier. Le rapport complet est disponible au format pdf en cliquant sur ce lien.

En résumé, six projets sont mis en évidence dans le rapport :

  1. L’Atlas des oiseaux de Bruxelles,

  2. Le suivi des oiseaux communs (SOCBRU),

  3. Le suivi des hirondelles,

  4. Le dénombrement hivernal des oiseaux d’eau,

  5. Le dénombrement printanier des oiseaux d’eau,

  6. Le monitoring des espèces exotiques envahissantes (perruches et oiseaux d'eau).

Photo Thierry Meeùs

L’atlas des oiseaux de bruxelles

Il a démarré au printemps 2022 et continuera jusqu’à l’hiver 2024-2025. L’objectif est de mettre à jour l’atlas précédent et d’avoir une idée de l’hivernage de l’avifaune à Bruxelles. La région est divisée en 198 carrés qui seront inventoriés tout au long de l’année. Il y a actuellement 93 participants et 164 carrés réservés ! Les premiers résultats et les inscriptions pour participer se trouvent sur le portail de l’atlas en ligne.

le suivi des oiseaux communs (socbru)

Ce projet de longue haleine a débuté en 1992. Chaque année, deux fois durant le printemps, des observateurs comptent tous les oiseaux contactés durant 15 minutes à un endroit précis. Il y a 116 points répartis dans toute la région. La répétition des comptages sur le long terme permet de récolter des données similaires d’années en années. Une modélisation statistique permet ensuite de calculer des indices annuels comparables même si tous les points n’ont pas été couverts. Ces indices permettent d’avoir une idée de l’évolution des populations d’oiseaux communs.

Ces suivis mettent en évidence un déclin global de l’avifaune indigène depuis 1992 et une augmentation des espèces exotiques. Les oiseaux liés aux bâtiments sont eux en déclin. Les résultats par espèce et par groupes d’espèces se trouvent dans le rapport.

Le suivi des hirondelles

Depuis 2021, les trois espèces d’hirondelles nichent à nouveau à Bruxelles. L’hirondelle de rivage s’est en effet installée dans les trous des murs du canal après plus de 40 ans d’absence ! Les hirondelles de fenêtres sont à nouveau en déclin après avoir augmenté suite à la pose massive de nichoirs et la protection des colonies restantes. Quelques grosses colonies sont présentes à Bruxelles et semblent assez stables contrairement aux plus petites qui ont tendance à disparaître. L’hirondelle rustique est quant à elle au bord de l’extinction.

Photo : Didier Kint

Le dénombrement hivernal des oiseaux d’eau (DHOE)

Ces comptages ont lieu chaque année en hiver. Il s’intègrent dans un comptage international des oiseaux d’eau qui se déroule partout dans le monde à la mi-janvier. Au total, 32 espèces (dont 15 anatidés) et 5.740 oiseaux ont été comptés dans une cinquantaine de sites.

Le dénombrement printanier des oiseaux d’eau

Le suivi des oiseaux d’eau communs au printemps a été réalisé sur un échantillonnage de 23 étangs. 14 espèces ont été dénombrées. Les espèces aquatiques les plus fréquentes sont dans l’ordre décroissant : la Foulque macroule, le Canard colvert, la Bernache du Canada, l’Ouette d’Égypte et le Fuligule morillon. Deux espèces exotiques ont été rencontrées : la Bernache du Canada et l’Ouette d’Égypte. Les espèces exotiques représentent 27% de l’avifaune aquatique printanière. Les effectifs les plus élevés se trouvent aux étangs Mellaerts, aux étangs de Neerpede et au Parc de Woluwe. Les sites les plus riches en espèces sont les étangs de Neerpede, l’étang de Val Duchesse et le Parc de Woluwe.

Remerciements

Nous remercions Bruxelles-Environnement pour son soutien dans nos projets de monitoring à Bruxelles. Les nombreux ornithologues volontaires qui participent avec plaisir à nos recensements sont indispensables à la récolte des données . Merci à eux. Enfin, l’atlas des oiseaux de Bruxelles est mené en partenariat avec Natuurpunt.

Vers des "printemps silencieux" ?

L’essai “Printemps silencieux”, publié en 1962 par la biologiste Rachel Carson, est souvent considéré comme une des œuvres fondatrices du mouvement écologiste. L’ouvrage dénonce le rôle des pesticides dans le déclin des oiseaux chanteurs. On ne peut s’empêcher de repenser à ce livre à la lecture d’un article récemment publié dans “Nature Communications” intitulé: “Bird population declines and species turnover are changing the acoustic properties of spring soundscapes” (en français: “Le déclin des populations d’oiseaux et les changements dans la composition en espèces sont en train de modifier les propriétés acoustiques du paysage sonore printanier”). Cette étude originale, à laquelle Aves a été associée, s’appuie sur deux importants projets de sciences participatives auxquels vous contribuez peut-être : le suivi des populations des oiseaux communs et xeno-canto, la sonothèque ornithologique collaborative.

Un des éléments les plus virtuoses de notre avifaune: le Rossignol philomèle Luscinia megarhynchos (photo: René Dumoulin)

L’équipe de chercheurs, menée par Catriona Morrison et Simon Butler de l’Université d’East Anglia (Grande-Bretagne), étudie la question de l’appauvrissement du lien entre l’homme et la nature. Les « paysages sonores naturels » sont particulièrement susceptibles de contribuer à former ce lien, puisque chacun peut les percevoir dans son quotidien, en particulier au printemps, grâce aux vocalises omniprésentes des oiseaux. De sa fenêtre ouverte, sur le chemin du travail, pendant ses loisirs, tout le monde entend, même de manière inconsciente, le chant des oiseaux. Dans quelle mesure ce paysage sonore s’est-il modifié au cours du temps ? Pas simple d’objectiver le phénomène : il n’existe évidemment pas d’archives auditives standardisées des chœurs matinaux. Les chercheurs ont ici utilisé toute la puissance de la bio-informatique et des sciences participatives pour reconstituer artificiellement les paysages sonores historiques et tester leurs hypothèses.

Le procédé mobilise tout d’abord les relevés servant aux suivis des populations à travers toute l’Europe et l’Amérique du Nord pour dresser des listes historiques des assemblages d’individus présents sur chacun des points d’échantillonnage. C’est à cette fin que les données des suivis « points d’écoute » de Wallonie et de Bruxelles ont été incluses dans l’analyse. Au total, cela représente près de 220.000 points d’échantillonnage, répartis sur deux continents, suivis pendant 25 ans. Ensuite, pour chacune des espèces rencontrées, une sélection des chants enregistrés sur Xeno-canto ont été téléchargés. Pour chaque lieu d’échantillonnage et chaque année, une bande-son vide a été « peuplée » virtuellement par les chants des oiseaux réellement signalés par les observateurs, avec une variation aléatoire de l’intensité pour mimer les conditions réelles, et surtout un nombre d’inclusions du chant dépendantes du nombre d’individus signalés dans le comptage réel : le paysage sonore de l’échantillonnage est ainsi reconstitué.

Vous pouvez écouter un exemple de ces reconstitutions: c’est bluffant, on peut même s’amuser à refaire le point d’écoute. Il s’agit d’un même point d’échantillonnage reconstitué ici pour 1998:

et ci-dessous pour 2018. Fermez les yeux et comparez les deux reconstitutions. Que vous disent vos oreilles ?

Vous aurez certainement perçu un volume plus élevé, un fouillis plus complexe, mais aussi plus mélodieux pour l’enregistrement de 1998, alors que l’enregistrement de 2018 est moins vivant, contenant même certains blancs, et en fin de compte moins agréable à l’oreille. Évidemment cet exemple choisi est extrême, mais il est bien illustratif de la tendance que l’étude met en évidence. Pour chacun des enregistrements reconstitués, quatre indices reflétant la « qualité et la richesse » sonores ont été calculés. L’évolution de ces quatre indices, sur les deux continents, suggère que les paysages sonores sont devenus significativement plus homogènes et plus calmes depuis 1990.

Variation annuelle de l’Index de Diversité Acoustique, ADI (a,b), de l’Index d’Uniformité Acoustique, AEI (c,d), de l’Index Bioacoustique BI (e,f) et de l’Entropie Acoustique H (g,h) en Amérique du Nord (colonne de gauche) entre 1996 et 2017 et en Europe (colonne de droite) entre 1998 et 2018. La diminution de ADI, BI et H, associé à l’augmentation de AEI, signifie que le paysage sonore de nos printemps est devenu plus calme et moins varié avec le temps.
Source: https://www.nature.com/articles/s41467-021-26488-1/figures/3

Cette perte de diversité sonore ne s’est pas produite de la même manière partout, et la qualité des chœurs s’est même améliorée par exemple au nord de la Scandinavie. Malheureusement, elle s’est particulièrement dégradée dans notre partie de l’Europe. Comme on pouvait s’y attendre, il y a une forte corrélation entre les changements de la qualité du paysage sonore et l’évolution de la diversité et de l’abondance des espèces. Mais la corrélation n’est pas parfaite : la composition en espèces et sans doute les interactions vocales entre elles influencent aussi la qualité des sons produits.

Cette étude est importante, car elle démontre une dégradation d’un des liens forts qui nous lie à notre environnement. Un paysage sonore qui nous paraît « dans la norme » maintenant apparaitrait sans doute comme pauvre pour une personne vivant dans les années ‘90. Cela n’est probablement pas sans conséquence sur notre état de connexion à la nature, mais aussi sur notre bien-être.