Un automne silencieux? L'absence remarquée des oiseaux de jardins

En octobre et en novembre dernier, Natagora a reçu de nombreux appels de personnes qui signalent l’absence d’oiseaux dans leur jardin. Ce constat semble se généraliser à tout le pays: les mangeoires se vident beaucoup moins rapidement que de coutume... Les observations ornithologiques saisies sur les portails comme Observations.be permettent-elles de confirmer le phénomène et/ou de mieux le comprendre ? Examinons ce que la fonction "Statistiques" d'Observations.be, que l'on peut obtenir dans le box "En savoir plus sur cette espèce", permet de montrer...

Prenons comme exemple la Mésange bleue. Sa page "Statistiques" permet de visualiser la répartition des observations (et des nombres d'individus renseignés) de l'espèce par mois, soit pour l'ensemble du jeu de donnée, soit pour une année en particulier. Le graphe présenté ici permet de voir le nombre total mensuel d'individus sur l'ensemble du jeu de données.

Pour un oiseau présent toute l'année dans notre pays et facile à observer, la Mésange bleue présente un pattern plutôt inattendu. Une période d'afflux de migrateurs (signalés comme "en vol") est nettement perceptible en octobre. Les mentions de l'espèce décroissent fortement au cours du printemps jusqu'à l'été, où l'espèce se fait apparemment beaucoup plus rare. Après la nidification, les mésanges sont en effet assez discrètes, circulant en" rondes" dans les feuillages, et sont peu loquaces, sauf par de petits cris indistincts à la plupart des oreilles. Avec le début des nourrissages dans les jardins, la Mésange bleue redevient familière après l'été.

Comparons à présent ce "pattern annuel" entre 2012 et 2016, via le petit montage ci-dessous. Comme vous le constaterez par vous même, les années se suivent et ne se ressemblent pas pour notre Mésange bleue !

L'automne 2016 se caractérise effectivement par une faible quantité d'individus (à comparer en particulier: la hauteur relative des colonnes septembre à novembre versus janvier à mars) et très peu de migrateurs sont signalés en octobre (en bleu plus pâle). 2015 et 2014 sont plutôt des années "normales", alors que 2013 rappelle quelque peu 2016 (moindre abondance à l'automne). 2012 est exceptionnelle par le grand nombre de migrateurs actifs renseignées en octobre (attention, l'échelle de l'axe vertical peut varier d'un graphe à l'autre !).

Cliquez pour agrandir le graphe...

En divisant le total d'individus par le nombre d'observations, on obtient une sorte de "taille moyenne des groupes signalés". Là aussi, comme le montre le graphe ci-joint, l'automne 2016 se démarque par une moindre "taille apparente des groupes". Et à nouveau, octobre 2012 sort du lot, avec ses groupes de migrateurs dopant la moyenne au-delà de 7. Par contre, 2013 semble plus "dans la norme" qu'avec les graphes précédents.

 

Le constat est donc implacable : il y a nettement moins de Mésanges bleues autour de nous en cet automne 2016 que les années précédentes. Faites l'exercice avec d'autres espèces, comme la Charbonnière, et vous obtiendrez une image similaire.

Comment expliquer ce phénomène ? Doit-on s'en inquiéter ? Apparemment, 2016 n'a pas vu d'afflux de migrateurs (les mésanges du nord de l'Europe, comme beaucoup d'oiseaux forestiers, ne sont pas régulières dans leur migration vers nos régions, certaines années étant marquées par des afflux et d'autres par des absences...). Mais à ceci semble se greffer une saison de reproduction catastrophique, causée par les conditions météorologiques froides et pluvieuses ce printemps dans notre pays. Certains bagueurs scientifiques inspectent chaque année un grand nombre de nichoirs pour y baguer les poussins e mésanges; ils ont donc un certain recul sur la question. Certains d'entre eux considèrent déjà 2016 comme leur pire printemps !

Pour mieux comprendre ce genre de phénomène, il serait d'ailleurs intéressant de compiler systématiquement en Belgique les observations sur le succès des nichées, afin d'en établir des statistiques à long terme. Nos collègues de l'association SOVON (études ornithologiques aux Pays-Bas) publient des séries de données très intéressantes à ce sujet, espèce par espèce, sur leur site web - nous verrons plus tard si un taux d'échec élevé des nichées est confirmé en 2016 chez les mésanges néerlandaises.

L'hiver qui arrive et les comptages des oiseaux aux jardins organisés le premier week-end de février 2017 par Aves-Natagora permettront aussi de compléter ce tour d'horizon: "Devine qui est attendu dans nos Jardins ?"

À suivre, sur le terrain ou à vos fenêtres !

Milans royaux des cantons de l'Est: le point en octobre

Depuis 2014, avec d’autres partenaires, Aves participe à un projet visant à étudier l’écologie des milans royaux en Haute Ardenne belge (cantons de l’Est). Plusieurs individus sont équipés d’une balise GPS qui permet de suivre leurs déplacements en détail et de comprendre l’utilisation de leur espace vital. Le projet est présenté ici et peut être suivi sur Facebook. Sur ce blog, nous vous proposons un résumé mensuel des dernières aventures de « nos » milans royaux.

Le mois d’octobre a été synonyme de migration vers le sud pour les milans royaux des cantons de l’Est. C'est étonnant, dans la mesure où depuis deux ans, les départs s'échelonnaient plutôt en novembre.

Le mâle Tchantchès, sponsorisé par la section Aves-Liège et équipé depuis le printemps 2016, a été le premier a quitté son territoire près d’Heppenbach, le 27 septembre déjà. Parti plus tôt que tous les autres individus suivis, il a aussi voyagé plus loin puisqu'il a parcouru 1675 km depuis Heppenbach pour rejoindre, le 11 octobre dernier, une zone d'hivernage dans le sud de l'Espagne. La traversée des Pyrénées n’a pas été un problème : il lui a suffi d’une matinée, le 8 octobre, pour parcourir les 120 km qui séparent Saint-Jean-Pied-de-Port de la région de La Rioja, en franchissant la chaîne par le Col de Roncevaux/Ibañeta (1057 m). Depuis le 11 octobre, il séjourne à proximité d’un village nommé Barcarrota, à 40 km de la frontière portugaise. Son dortoir quotidien se situe au cœur d’une Dehesa (pâturages parsemés de chênes verts ou de chênes-lièges) mais il se déplace assez bien (parfois à 40 km de là) vers une plaine agricole couvertes de cultures d’oliviers.

Trajet parcouru par Tchantchès, de Heppenback (B) à Barcarrota (E), en octobre 2016

Trajet parcouru par Tchantchès, de Heppenback (B) à Barcarrota (E), en octobre 2016

Le mâle Archimède, sponsorisé par la Formation Ornitho du CRIE d’Harchies et suivi depuis 2015, a quitté son village de Born le 23 octobre (soit un mois plutôt qu’à l’automne 2015). Comme l’année dernière, il ne semble pas pressé de voler vers le sud, puisqu’il est arrêté depuis le 26/10 près de Troyes, dans la région des lacs de la Forêt d’Orient. Il lui reste plus de 1200 km à parcourir, s’il retourne comme l’hiver dernier dans l’ouest de la Castille (région de Zamora).

Départ en migration d'Archimède, qui semble peu pressé malgré qu'il soit parti un mois plus tôt qu'en 2015

Départ en migration d'Archimède, qui semble peu pressé malgré qu'il soit parti un mois plus tôt qu'en 2015

Et les autres individus ? Trois autres sont aussi déjà en route: le Mâle Amel et le Mâle Wallerode sont dans le Limousin, la Femelle Wallerode est déjà en Espagne. Le Mâle Saint-Vith, suivi depuis 2014, a démarré sa migration le 26/10 au matin (les années précédentes, son départ étaient daté du 24 novembre 2014 et 22 novembre 2015). Seul le Mâle Montenau semble encore fixé sur son territoire.

Le mois d'octobre a également été marqué par la découverte du premier cas de mortalité d'un des milans que nous suivons: par un heureux hasard, sa balise GPS partiellement défectueuse a pu être relocalisée et son destin reconstitué. Ce milan, le Mâle Honsfeldervenn, dont la mort remonte à juin 2016, a en réalité été prédaté par le Grand-Duc local !

À bientôt pour de nouvelles aventures...

Nos oiseaux nicheurs communs... plus si communs que cela !

Le projet d'atlas des oiseaux nicheurs d'Europe (European Breeding Bird Atlas 2, EBBA2) est en cours depuis 2013. Aves participe activement à ce projet. Pour les observateurs wallons, le défi actuel est de re-parcourir des carrés kilométriques répartis à travers toute la région. Cet échantillonnage avait été mis en place lors de la campagne de terrain pour l'atlas des oiseaux nicheurs de Wallonie entre 2001 et 2007. L'EBBA2 est donc une bonne opportunité pour mesurer l'évolution de l'avifaune wallonne sur un pas de temps d'un peu plus de 10 ans. Après la saison 2016, où plus de 130 observateurs ont déjà permis d'obtenir des informations pour plus de 550 carrés, c'est l'heure des premiers verdicts (provisoires).

Les premiers résultats de comparaison 2001-2007 versus 2016 sont assez inquiétants pour notre avifaune, et pas seulement pour les oiseaux des champs, dont le déclin est malheureusement une rengaine déjà bien connue. Une majorité de nos espèces "répandues" sont en régression. Ainsi, en 10 ans, la Tourterelle des bois aurait perdu 70% de son effectif moyen (nombre d'individus par carré) et 70% de son aire (nombre de carrés occupés). Ce n'est pas une surprise: le déclin généralisé de cette espèce préoccupe tellement les conservationnistes qu'un plan d'action européen est en préparation. Ce qui tout aussi interpellant, c'est que même sa cousine plus familière, la Tourterelle turque, est également en régression récente d'après nos premières analyses (-30% de l'effectif depuis 2007).

Tourterelle turque (au-dessus) et Tourterelle des bois (en dessous)

 

Ces premières constatations, détaillée dans un rapport téléchargeable sur notre site, bien qu'inquiétantes, ne sont que préliminaires. L'échantillonnage devra encore s'élargir l'année qui vient, pour obtenir une meilleure représentativité du territoire (notamment: l'Ardenne et les zones forestières ont été sous-échantillonnées jusqu'ici). 

Deux saisons de terrain sont encore prévue. Contactez-nous si vous désirez y participer.

Nous tenons à remercier les dizaines de bénévoles qui participent à ce projet ainsi que Gilles San Martin qui nous a bien aidé pour les analyses statistiques.