Stop à la chasse de la Tourterelle des bois !

Cet été, la France a mis en consultation publique un projet d’arrêté autorisant le prélèvement de près de 18.000 Tourterelle des bois pendant la saison de chasse 2020-2021.

Tourterelles des bois Streptopelia turtur (c) Olivier Colinet

Tourterelles des bois Streptopelia turtur (c) Olivier Colinet

Il est légitime que des voix s’élèvent de chez nous aussi face à ce qui semble être une aberration: la poursuite à tout prix de la chasse à une espèce maintenant classée dans les espèces menacées d’extinction au niveau global par l’UICN. Voici ce que j’ai donc répondu à la consultation publique:

La Tourterelle des bois est en déclin rapide dans toute l'Europe, en particulier en Europe de l'Ouest. Il s'agit même d'un des déclins les plus rapides observés dans l’avifaune européenne. La Belgique ne fait pas exception : le dernier rapport sous l'article 12 de la Directive Oiseaux montre une perte d'environ 90% des effectifs depuis le vote de cette directive en 1979. La population de Tourterelle des bois est maintenant estimée à moins de 3.000 couples en Belgique. Le carte des reprises de 229 Tourterelles des bois baguées en Belgique (consultables sur le site de l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique : https://odnature.naturalsciences.be/bebirds/fr/ring-recoveries) suggère que ces quelques milliers d’oiseaux migrent à travers l’ouest de la France et l’Espagne.

En tant que directeur du Département Études de Natagora, une des principales associations belges de conservation de la nature, forte de 25.000 membres, je voudrais signifier notre plus stricte opposition à votre projet d’arrêté autorisant le prélèvement de 17.460 Tourterelle des bois en France pour la saison 2020-2021. Nous vous demandons de suivre votre propre Comité d’Experts qui vous a recommandé le 13 mai 2019 de fixer le quota de prélèvement à 0. En 2019, une équipe internationale composée notamment d’experts de votre renommé Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage a également démontré que les prélèvements actuels étaient largement non-soutenables étant donné la situation catastrophique de l’espèce (Lormée et al., 2019. Assesing the sustainability of harvest of the European Turtle-dove along the Western European flyway. Bird Conservation International: 1-16. doi:10.1017/S0959270919000479). Nous vous demandons avec insistance de tenir compte de ces éléments scientifiques et de suspendre toute chasse à cette espèce migratrice menacée sur votre territoire. C’est indispensable pour ne pas compromettre les efforts entrepris, au travers du Plan d’Action Européen, pour la sauvegarde de cet oiseau emblématique de nos campagnes.

Évolution de l’indice d’abondance relatif de la Tourterelle des bois en Wallonie, déterminée par la Surveillance des Oiseaux Communs de Wallonie (données AVES-SPW-DEMNA).

Évolution de l’indice d’abondance relatif de la Tourterelle des bois en Wallonie, déterminée par la Surveillance des Oiseaux Communs de Wallonie (données AVES-SPW-DEMNA).

Du bon usage de ObsIdentify

Avertissement : cet article dépasse le cadre strict du monde des oiseaux et s’adresse à tous les naturalistes

Depuis près de trois ans, une application appelée « ObsIdentify » permet l’identification automatique d’espèces sur base de photos. Elle est couplée à notre plateforme Observations.be et à n’importe quelle plateforme de la famille Observation.org. Sur le nouveau portail, ObsIdentify fonctionne automatiquement lorsque vous chargez une photo pour encoder votre observation, il peut aussi être mis en action via les applications ObsMapp (Android) ou iObs (fonctionnant sur iPhone) et enfin, il existe aussi sous forme d’une application mobile pour Android.

Identification directe d’une Fauvette babillarde Sylvia curruca sur base d’une photo à peine recadrée (photo de l’auteur)

Identification directe d’une Fauvette babillarde Sylvia curruca sur base d’une photo à peine recadrée (photo de l’auteur)

Ce printemps 2020, avec le confinement, l’utilisation d’ObsIdentify a explosé car de nombreuses personnes se sont intéressées à la faune et à la flore dans leurs environs immédiats. Des campagnes récentes comme « Naturaliste chez moi » ou le #HOMEsafari ont encouragé un public très large à tenter d’identifier les espèces présentes dans leur jardin. De nombreuses personnes sont époustouflées des capacités de l’algorithme, d’autres sont plus sceptiques et craignent une dévalorisation des observations. Ce post tente donc de faire le point sur ce nouvel outil de la panoplie naturaliste et donne quelques pistes d’une utilisation « idéale » …

Comment ça marche ?

ObsIdentify a été créé par Laurens Hogeweg, un néerlandais passionné qui s’est rapidement associé à notre plateforme favorite d’observations naturalistes. Avec le soutien de Naturalis, l’Institut National de Recherche sur la Biodiversité aux Pays-Bas, le produit sort en 2017 d’abord pour quelques groupes d’insectes et maintenant pour la plupart des groupes taxonomiques présents sur le portail, y compris les oiseaux. ObsIdentify est un algorithme d’intelligence artificielle utilisant « l’apprentissage profond » (ou « deep learning ») pour la reconnaissance d’image.

Cela vaut vraiment la peine de s’arrêter un moment pour comprendre cette technologie qui révolutionne non seulement notre pratique de naturaliste mais… notre vie quotidienne. Prenez le temps de visionner cette excellente séquence de vulgarisation de David Louapre:

ObsIdentify est entrainé à partir des photos d’espèces dont la détermination a été validée par les experts sur notre plateforme et sur waarneming.nl. Cela signifie donc qu’il ne « connait » que les espèces présentes dans le Benelux et que les groupes taxonomiques pour lesquelles il existe environ 10 à 30 bonnes photos validées par espèces. Ce que la vidéo de David Louapre vous permettra de bien comprendre, c’est que l’algorithme ne va pas nécessairement chercher les critères de détermination habituels, mais qu’il se base simplement sur les particularités qu’il a pu détecter dans l’ensemble des photos et l’association qu’il est capable d’élaborer entre ces images et le nom du taxon, et que nous ne connaissons pas nécessairement. Ce fonctionnement en « boite noire » peut paraître déroutant mais… force est de constater que ça marche plutôt bien ! Cela peut cependant conduire à certaines erreurs et, bien sûr, certaines espèces ne peuvent jamais être identifiées avec certitude sur base de la seule photographie. Il convient donc d’utiliser cette technologie avec précaution. En particulier, comme les photos pré-identifiées par ObsIdentify que vous postez sont examinées ensuite par l’équipe de validateurs qui assure la qualité d’Observations.be et qui a déjà énormément de travail, il est important de ne pas leur compliquer la tâche et de suivre quelques petits conseils. N’hésitez pas à ajouter d’autres idées en commentaires.

Quelques bonnes pratiques avec ObsIdentify

  1. N’ajoutez que des images de qualité suffisante, avec de préférence un seul individu en plein cadre, et pas trop floues. Souvent, une image prise avec le téléphone (en digiscopie par exemple) peut suffire, n’hésitez pas à recentrer (« croper »). N’oubliez pas que les photos sur lesquelles l’algorithme se base, même si elles ne sont pas toutes d’une grande qualité artistique, sont néanmoins suffisamment bonnes que pour avoir été publiées et validées sur Observations.be. N’attendez donc pas de miracle si vous postez une photo où l’oiseau apparaît comme un petit point brun flou au centre de l’image, et comptez alors plutôt sur vos propres capacités de détermination et ce que vous avez observé sur le terrain ! Certains utilisateurs s’amusent aussi à lui faire identifier des photos qui n’ont rien à voir avec ce qu’on publie habituellement sur Observations.be : un selfie, un ours en peluche, une paire de lunettes… C’est peut-être amusant d’essayer mais, s’il vous plait, ne publiez pas ensuite ces « identifications » sur la plateforme, cela ne fait qu’ajouter du travail inutile aux validateurs.

  2. Soyez attentif à « l’indice de certitude » donné par le système à chaque tentative d’identification (exprimé en pourcentage). C’est un bon indicateur, en tout cas vers le bas : méfiez-vous absolument des indices inférieurs à 50 % et même en dessous de 80 %. Dans ce cas, essayez éventuellement avec une autre photo et un autre cadrage. N’oubliez pas que, sauf exception, ObsIdentify va vous proposer un nom coûte que coûte mais si l’indice de certitude est faible, n’en tenez compte que pour chercher vous-même dans des références classiques (clés, livres d’identification, collections de photos…), en partant de la famille ou du genre donné par l’algorithme. Un indice supérieur à 90 % (il peut même être de 100 % dans certains cas) correspond dans la plupart des cas à une identification correcte mais des erreurs flagrantes ont déjà été détectées (voir exemple ci-dessous). L’application vous donne aussi parfois d’autres indications utiles comme « espèce uniquement identifiable sur base d’une dissection ».

  3. Utilisez votre sens critique ! Allez voir les photos validées de l’espèce proposée sur Observations.be ou ailleurs, mais aussi les cartes de répartition, les statistiques de l’espèce pour voir si la date correspond à la période habituelle d’observation. Consultez vos guides de terrain. C’est en fait la grande force d’ObsIdentify : vous ouvrir la porte à un apprentissage, vous offrir le premier indice qu’il faut pour ensuite creuser par vous-même. Ne laissez pas les validateurs faire ensuite tout le boulot à votre place. Acceptez aussi que l’identification n’est parfois tout simplement pas possible.

ObsIdentify n’est en aucun cas un outil dévalorisant pour le naturaliste expérimenté. C’est un outil de première approche d’un monde qui, si on n’a pas la chance de pouvoir se balader en compagnie d’un expert, vous reste souvent inaccessible. Soyez curieux et bonnes découvertes !

Un exemple frappant : identification d’une nymphe de coccinelle.

Un étrange être vivant au fond du jardin…

Un étrange être vivant au fond du jardin…

En jardinant, je découvre dans l’herbe une drôle de forme très colorée dont l’aspect me fait penser à une nymphe d’insecte. ObsIdentify m’indique « Phalacrotophora sp. » avec plus de 90 % de certitude. Il s’agit d’une petite mouche semblable à la drosophile qui ne ressemble en rien à cette larve, d’ailleurs beaucoup plus grande. Un expert (humain, cette fois !) me confirme que mon étrange découverte est en réalité une nymphe de Coccinelle à 7 points Coccinella septempunctata. Comment ObsIdentify a-t-il pu se tromper aussi lourdement tout en étant aussi sûr de son coup ? En creusant un peu, j’apprends que les Phalacrotophora sont des mouches parasitoïdes des nymphes de coccinelles, c’est-à-dire qu’elles pondent dans les nymphes de ces coléoptères. Et plusieurs photos validées de Phalacrotophora montrent des femelles de la mouche en train de pondre dans une nymphe. ObsIdentify s’est donc fourvoyé au cours de son apprentissage entre le parasité et le parasite, mais cela ne fait que confirmer son incroyable capacité de discrimination… et le fait qu’on peut apprendre énormément de chose en l’utilisant de manière critique et attentive !


Merci aux validateurs d’Observations.be, au groupe Facebook “Naturalistes de Natagora”, à Jean-Yves Baugnée et à Véronique Bouquelle pour les échanges à la base de ce post

Une infection bactérienne très contagieuse touche les mésanges bleues

Depuis mars de cette année, de nombreux témoignages nous rapportent une mortalité importante de mésanges bleues. Il s’agit le plus souvent d’oiseaux observés à proximité de mangeoires, présentant des symptômes d’apathie, de grande faiblesse et de non réactivité à l’environnement, des problèmes respiratoires, un plumage ébouriffé et parfois des plumes de la tête abîmées ou les paupières collées. Le caractère hautement contagieux est notable car il peut arriver qu’une dizaine de mésanges bleues soient trouvées mourantes dans un même jardin.

Mésange bleue (©Antoine Derouaux)

Mésange bleue (©Antoine Derouaux)

Mésange bleue infectée © Otto Schäffer / NABU

Mésange bleue infectée © Otto Schäffer / NABU

Cette épizootie (épidémie qui frappe les animaux) s’est d’abord manifestée début mars en Allemagne de l’ouest (Rhénanie-Palatinat, Rhénanie du Nord-Westphalie…). L’association allemande de conservation de la nature NABU a lancé un appel à signalement des cas début avril et, à ce jour, 32.000 oiseaux ont été renseignés en ligne. Le pathogène a été identifié par trois laboratoires allemands, il s’agit d’une bactérie, Suttonella ornithocola, décrite pour la première fois en 1996 en Grande-Bretagne. Son génome complet a été publié en 2017. Elle provoque une pneumonie chez l’oiseau atteint. Cette bactérie affecte principalement la Mésange bleue, les autres espèces de petites mésanges (M. nonnette, boréale, huppée et noire) et la mésange à longue queue (récemment rebaptisée « Orite » à longue queue) sont également touchées mais en moins grand nombre. La Mésange charbonnière semble être épargnée. Cependant, l'agent pathogène est inoffensif pour les humains et les animaux domestiques. Selon les informations de NABU, le nombre quotidien de signalement en Allemagne est déjà en train de décroître et l’épizootie pourrait s’éteindre dans le courant du printemps.

Rapports de décès de Mésanges bleues par district pour 100.000 habitants, au 21 avril 2020. © Institut Bernard Nocht de médecin tropicale / Renke Lühken

Rapports de décès de Mésanges bleues par district pour 100.000 habitants, au 21 avril 2020. © Institut Bernard Nocht de médecin tropicale / Renke Lühken

Cette maladie étant hautement contagieuse, il est vivement recommandé d’arrêter de suite le nourrissage si vous trouvez une mésange morte ou mourante dans votre jardin. Retirer la nourriture et vider l’eau (voir plus bas).

Monitoring de la maladie des mésanges bleues.

Que faire si vous trouvez une mésange bleue malade ou morte ?

Encoder, prélever.

Vous pouvez aider d’abord en encodant votre observation sur le portail observations.be. Ensuite, si vous le pouvez, vous prélevez l’oiseau pour analyse.

  1. Site Observations.be.

    Complétez votre observation en remplissant le champ ‘Comportement’ avec les valeurs ‘trouvé mort’ (taper ‘tro’) ou ‘malade ou blessé’ (taper ‘ma’). Vous pouvez donner des informations supplémentaires sur les symptômes de l’oiseau malade, l’état général et le contexte dans le champ ‘commentaires’, et rajouter éventuellement des photos rapprochées.

  2. Collecte de l’oiseau mort.

    Dans le cadre de la convention ‘Réseau de Surveillance sanitaire de la Faune sauvage’, le service de la Professeure Annick Linden de la Faculté de Médecine Vétérinaire, ULiège, est en charge de l’autopsie et de l’analyse des oiseaux atteints de cette nouvelle maladie. Les oiseaux morts doivent être manipulés avec des gants et placés dans des sachets plastiques individuels. Les oiseaux sont à déposer au Dpt. des Maladies Infectieuses et Parasitaires, Bât. B43a, Quartier Vallée 2, avenue de Cureghem, 6 Faculté de Médecine Vétérinaire Université de Liège, 4000 Liège selon les recommandations pratiques faites ici. Si ce n'est pas possible de les acheminer frais, ils peuvent être congelés (-20°C) dans des sachets individuels et transmis ultérieurement.

Mesures hygiéniques générales pour le nourrissage

Même en l’absence de mortalité, l’hygiène du nourrissage des oiseaux au jardin est cruciale. De plus en plus de mises en garde sont émises, la contamination par les mangeoires et abreuvoirs devient un sujet de préoccupation croissante. Quelques règles simples sont à respecter :

  • Nettoyez et rincez abondamment les mangeoires. Changer l’eau des abreuvoirs et les nettoyer tous les jours. Laissez-les sécher avant de les réutiliser.

  • Désinfectez régulièrement les mangeoires et les abreuvoirs. Un désinfectant approprié est, par exemple, l’eau de Javel diluée à 5%. Bien rincer à l'eau et bien laisser sécher.

  • Ne pas donner de nourriture en excès afin d’éviter les accumulations et la putréfaction (surtout par température tiède et temps humide)

  • Déplacez régulièrement les distributeurs de graines et les tables mangeoires pour empêcher les agents pathogènes de se développer dans les débris de graines recouvrant le sol.

  • En cas de mortalité des oiseaux de jardin, il est conseillé d'arrêter de nourrir pendant 2 à 4 semaines.

Les pathologies aviaires sont un des domaines de l’ornithologie où le réseau des observateurs Aves peut aider à une meilleure compréhension des événements en cours.

Merci pour votre bonne collaboration !

Sources :

  • NABU (2020). Bakterium Suttonella ornithocola verursacht Blaumeisensterben. Date : 22/04. www.nabu.de

  • Birdguides. Cause of Blue Tit deaths identified. Date : 23/04. www.birdguides.com

  • Becki Lawson, HenryMalnick, Tom W.Pennycott, Shaheed K.Macgregor, Shinto K.John, Gwen Duncan, Laura A.Hughes, JulianChantrey, Andrew A.Cunningham (2011). The Veterinary Journal. Volume : 188. Numéro : 1. Pages : 96-100. Avril. www.sciencedirect.com

  • Geoffrey Foster, Henry Malnick, Paul A. Lawson, James Kirkwood, Shaheed K. MacGregor et Matthew D. Collins (2005). Suttonella ornithocola sp. nov., from birds of the tit families, and emended description of the genus Suttonella. International Journal of Systematic and Evolutionary Microiology. Volume : 55. Numéro : 6. www.microbiologyresearch.org