Epizootie

Une infection bactérienne très contagieuse touche les mésanges bleues

Depuis mars de cette année, de nombreux témoignages nous rapportent une mortalité importante de mésanges bleues. Il s’agit le plus souvent d’oiseaux observés à proximité de mangeoires, présentant des symptômes d’apathie, de grande faiblesse et de non réactivité à l’environnement, des problèmes respiratoires, un plumage ébouriffé et parfois des plumes de la tête abîmées ou les paupières collées. Le caractère hautement contagieux est notable car il peut arriver qu’une dizaine de mésanges bleues soient trouvées mourantes dans un même jardin.

Mésange bleue (©Antoine Derouaux)

Mésange bleue (©Antoine Derouaux)

Mésange bleue infectée © Otto Schäffer / NABU

Mésange bleue infectée © Otto Schäffer / NABU

Cette épizootie (épidémie qui frappe les animaux) s’est d’abord manifestée début mars en Allemagne de l’ouest (Rhénanie-Palatinat, Rhénanie du Nord-Westphalie…). L’association allemande de conservation de la nature NABU a lancé un appel à signalement des cas début avril et, à ce jour, 32.000 oiseaux ont été renseignés en ligne. Le pathogène a été identifié par trois laboratoires allemands, il s’agit d’une bactérie, Suttonella ornithocola, décrite pour la première fois en 1996 en Grande-Bretagne. Son génome complet a été publié en 2017. Elle provoque une pneumonie chez l’oiseau atteint. Cette bactérie affecte principalement la Mésange bleue, les autres espèces de petites mésanges (M. nonnette, boréale, huppée et noire) et la mésange à longue queue (récemment rebaptisée « Orite » à longue queue) sont également touchées mais en moins grand nombre. La Mésange charbonnière semble être épargnée. Cependant, l'agent pathogène est inoffensif pour les humains et les animaux domestiques. Selon les informations de NABU, le nombre quotidien de signalement en Allemagne est déjà en train de décroître et l’épizootie pourrait s’éteindre dans le courant du printemps.

Rapports de décès de Mésanges bleues par district pour 100.000 habitants, au 21 avril 2020. © Institut Bernard Nocht de médecin tropicale / Renke Lühken

Rapports de décès de Mésanges bleues par district pour 100.000 habitants, au 21 avril 2020. © Institut Bernard Nocht de médecin tropicale / Renke Lühken

Cette maladie étant hautement contagieuse, il est vivement recommandé d’arrêter de suite le nourrissage si vous trouvez une mésange morte ou mourante dans votre jardin. Retirer la nourriture et vider l’eau (voir plus bas).

Monitoring de la maladie des mésanges bleues.

Que faire si vous trouvez une mésange bleue malade ou morte ?

Encoder, prélever.

Vous pouvez aider d’abord en encodant votre observation sur le portail observations.be. Ensuite, si vous le pouvez, vous prélevez l’oiseau pour analyse.

  1. Site Observations.be.

    Complétez votre observation en remplissant le champ ‘Comportement’ avec les valeurs ‘trouvé mort’ (taper ‘tro’) ou ‘malade ou blessé’ (taper ‘ma’). Vous pouvez donner des informations supplémentaires sur les symptômes de l’oiseau malade, l’état général et le contexte dans le champ ‘commentaires’, et rajouter éventuellement des photos rapprochées.

  2. Collecte de l’oiseau mort.

    Dans le cadre de la convention ‘Réseau de Surveillance sanitaire de la Faune sauvage’, le service de la Professeure Annick Linden de la Faculté de Médecine Vétérinaire, ULiège, est en charge de l’autopsie et de l’analyse des oiseaux atteints de cette nouvelle maladie. Les oiseaux morts doivent être manipulés avec des gants et placés dans des sachets plastiques individuels. Les oiseaux sont à déposer au Dpt. des Maladies Infectieuses et Parasitaires, Bât. B43a, Quartier Vallée 2, avenue de Cureghem, 6 Faculté de Médecine Vétérinaire Université de Liège, 4000 Liège selon les recommandations pratiques faites ici. Si ce n'est pas possible de les acheminer frais, ils peuvent être congelés (-20°C) dans des sachets individuels et transmis ultérieurement.

Mesures hygiéniques générales pour le nourrissage

Même en l’absence de mortalité, l’hygiène du nourrissage des oiseaux au jardin est cruciale. De plus en plus de mises en garde sont émises, la contamination par les mangeoires et abreuvoirs devient un sujet de préoccupation croissante. Quelques règles simples sont à respecter :

  • Nettoyez et rincez abondamment les mangeoires. Changer l’eau des abreuvoirs et les nettoyer tous les jours. Laissez-les sécher avant de les réutiliser.

  • Désinfectez régulièrement les mangeoires et les abreuvoirs. Un désinfectant approprié est, par exemple, l’eau de Javel diluée à 5%. Bien rincer à l'eau et bien laisser sécher.

  • Ne pas donner de nourriture en excès afin d’éviter les accumulations et la putréfaction (surtout par température tiède et temps humide)

  • Déplacez régulièrement les distributeurs de graines et les tables mangeoires pour empêcher les agents pathogènes de se développer dans les débris de graines recouvrant le sol.

  • En cas de mortalité des oiseaux de jardin, il est conseillé d'arrêter de nourrir pendant 2 à 4 semaines.

Les pathologies aviaires sont un des domaines de l’ornithologie où le réseau des observateurs Aves peut aider à une meilleure compréhension des événements en cours.

Merci pour votre bonne collaboration !

Sources :

  • NABU (2020). Bakterium Suttonella ornithocola verursacht Blaumeisensterben. Date : 22/04. www.nabu.de

  • Birdguides. Cause of Blue Tit deaths identified. Date : 23/04. www.birdguides.com

  • Becki Lawson, HenryMalnick, Tom W.Pennycott, Shaheed K.Macgregor, Shinto K.John, Gwen Duncan, Laura A.Hughes, JulianChantrey, Andrew A.Cunningham (2011). The Veterinary Journal. Volume : 188. Numéro : 1. Pages : 96-100. Avril. www.sciencedirect.com

  • Geoffrey Foster, Henry Malnick, Paul A. Lawson, James Kirkwood, Shaheed K. MacGregor et Matthew D. Collins (2005). Suttonella ornithocola sp. nov., from birds of the tit families, and emended description of the genus Suttonella. International Journal of Systematic and Evolutionary Microiology. Volume : 55. Numéro : 6. www.microbiologyresearch.org

Faut-il craindre le virus USUTU ?

Moins de merles en été ? C'est normal, ils muent.

L’été est LA période de l’année où l’on observe le moins de merles. En effet, les adultes sont en mue complète ; ils renouvellent l’entièreté de leur plumage. Ce processus provoque la perte simultanée de plusieurs paires (symétriques) de rémiges et de plusieurs rectrices ce qui limite drastiquement, pour quelques semaines, leurs capacités de vol. Ils restent donc cachés dans les buissons afin d’éviter les prédateurs et de trouver de la nourriture et sont en conséquence très peu visibles.

Photo : Rudi Dujardin

Photo : Rudi Dujardin

Qu'est-ce que le virus USUTU ?

Usutu est un arbovirus (= arthropod-born = qui se propage via les arthropodes, en l’occurrence les moustiques) ; il provoque des encéphalites potentiellement mortelles chez les oiseaux. Il est tout à fait exceptionnel chez les mammifères et n’est pas du tout considéré comme présentant une menace pour la santé humaine. Il est originaire d’Afrique australe (Usutu = nom d’un fleuve). La colonisation de l’Europe par le virus USUTU est une réalité depuis 2001.

Plusieurs espèces d’oiseaux nichant dans nos régions le « rencontrent » certainement en hivernage depuis la nuit des temps. Ces fauvettes, hirondelles et autres cigognes ont très probablement développé une immunité qui limite la mortalité aux individus les plus faibles (immunodéprimés par exemple) dans un classique équilibre maladie-hôte. 

Il y a une petite vingtaine d’années donc, la maladie a été détectée pour la première fois chez des oiseaux sauvages en Europe et singulièrement en Autriche. Il semble que les Merles noirs ont été les plus touchés, mais rien n’indique que ce ne soit pas la conséquence d’un biais lié au fait que les merles vivent particulièrement proches des hommes et que la possibilité de trouver des individus malades ou morts est donc bien supérieure à celle d’autres espèces. Jusqu’à présent, une petite centaine d’espèces différentes d’oiseaux ont été diagnostiquées Usutu positif en Europe. Y compris de nombreux individus élevés en captivité. Ici aussi, il y a probablement un biais lié au fait que les éleveurs/zoos ont nettement plus tendance à faire autopsier les oiseaux morts que les naturalistes trouvant une dépouille (parfois pourrie) sur le terrain.

Les études conduites en Autriche ont démontré que l’épidémie trouvait son origine dans l’établissement du virus dans le pays. Qui dit établissement dit hivernage des moustiques infectés. Conséquence du réchauffement climatique qui permet à de plus grandes populations de moustiques (larves) qu’auparavant de survivre à l’hiver européen et donc de permettre la persistance du virus ? Très probable. Mais d’autres (mauvaises) habitudes humaines, comme la constitution de dépôts de dizaines de milliers de pneus formant autant de mini mares où peuvent hiverner les larves jouent probablement également un rôle. Le suivi en Autriche a ensuite démontré que les mortalités diminuaient drastiquement. Pourquoi ? Simplement car une immunité commençait à se développer (comme en Afrique). Pareil phénomène a été observé sur le continent nord-américain avec le très proche virus du West Nile.

Le virus USUTU est bien présent chez nous

La présence du virus Usutu a été pour la première fois diagnostiquée en Belgique en 2012 par la Faculté de Médecine Vétérinaire de Liège, sur un oiseau de captivité (Bouvreuil pivoine) et un Pic épeiche. Cela faisait suite à la détection de premiers cas dans l’Ouest de l’Allemagne au cours de l’été précédent. 

Une première véritable épidémie a été observée en Belgique en 2016, particulièrement en Flandre et singulièrement en Limbourg où elle a fait l’objet d’une étude systématique par la CERVA (Centre expertise vétérinaire SPF Santé publique) en collaboration avec Vogelbescherming et l’IRSNB à la demande de l’Agentschap voor Natuur en Bos (la DNF flamande). Des oiseaux ont été diagnostiqués positifs essentiellement dans le Nord-Est du pays, jusqu’à Bruxelles cependant. La situation observée a été fort identique à ce qui a prévalu en Autriche et dans les autres Etats-membres concernés depuis (une grande partie en fait). 

Une nouvelle épidémie semble se développer cet été, ce qui n’a rien d’étonnant. Les autorités flamandes ont d’ailleurs décidé de ne pas poursuivre le programme de suivi dirigé vers les merles considérant que la situation est claire au niveau de cette espèce. Par contre, il a été convenu  d’étudier la prévalence chez les autres espèces à partir du 21 août. Le but étant d’évaluer dans quelle mesure des souches d’infection se développent selon les espèces. 

Carte des merles morts encodés depuis le 01/08/2017 dans le portail www.observations.be

Carte des merles morts encodés depuis le 01/08/2017 dans le portail www.observations.be

En Wallonie, le virus se répand également. Le service de Pathologie Animale de l'Université de Liège a déjà diagnostiqué 17 cas de merles positifs sur 19 apportés pour analyse. Le problème semble moins important qu'en Flandre, mais la pression d'observation est également plus faible.
 
Une étude conduite aux Pays-Bas l’année passée a permis de constater que des oiseaux sauvages diagnostiqués positifs étaient négatifs quelques semaines plus tard. Ils avaient survécus et étaient donc guéris et très probablement immunisés. 

On peut donc conclure, dans l’état actuel des connaissances, que :

  1. le virus Usutu est devenu endémique en Europe depuis une petite vingtaine d’année et qu’il risque d’y persister vu son expansion géographique à la plupart des régions du continent,

  2. qu’il provoque des mortalités localement importantes d’oiseaux sauvages sans que des conséquences sur la dynamique des populations/espèces concernées soient avérées; l’étude des taux de mortalité des Merles noirs basée sur les reprises de bague est prévue et devrait permettre de progresser dans l’évaluation des conséquences,

  3. que la maladie n’est pas systématiquement mortelle chez les oiseaux sauvages et qu’une immunité dite de troupeau se développe aboutissant à terme à la chute du taux de mortalité,

  4. qu’il s’agit d’une maladie qui ne représente pas de risque réel pour la santé humaine et qu’à ce titre elle est incomparable à l’influenza aviaire qui combine une quadruple problématique : santé humaine/santé animale (conséquences économiques)/transport d’animaux de rente/conservation de la nature.

  5. qu’il s’agit d’un phénomène qui évolue naturellement (pas d’implication des oiseaux de rente par exemple comme avec l’influenza), après s'être établi en Europe probablement suite au réchauffement climatique,

  6. qu’il n’y a a priori aucune action à mener afin de faire chuter les mortalités si ce n’est éviter la persistance des larves de moustiques durant l’hiver. Mais la limite est ténue entre pareille action et les campagnes d’éradication des moustiques que l’on a connu par exemple en Camargue et en Grèce dans les années cinquante et qui ont abouti à l’assèchement des zones humides et au déversement de quantités inimaginables de pesticides dans la nature.

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Une vidéo d'un oiseau atteint du virus se trouve sur ce lien.

Si vous trouvez un oiseau qui a ces symptômes, plusieurs merles morts ou des cas suspects de la maladie, vous pouvez contacter la Faculté de Médecine Vétérinaire de l'ULg au 04/366.40.75 (8h30 à 18h00). N'oubliez pas d'encoder l'information sur www.observations.be en choisissant le comprtement "Trouvé mort" et en indiquant "USUTU" dans les commentaires. Si l'oiseau est bagué, contactez le centre belge de baguage en complétant le formulaire sur leur site web.

Le point sur la grippe aviaire en Belgique

Après le premier cas identifié le 31 janvier 2017 chez un éleveur amateur de volailles d’ornement de la région de Lebekke (à 20 km au nord-ouest de Bruxelles), un Cygne tuberculé adulte a été confirmé positif au virus H5N8 hautement pathogène à Oud-Heverlee (20 km à l'est de Bruxelles), le 21 février. L’oiseau a été trouvé mort, flottant sur l’étang d’une réserve naturelle gérée par l’ANB (= DNF en Flandre). Dans les deux cas, il n’a pas été constaté de contamination "secondaire" (= d'autres oiseaux), malgré la mise en place d’une surveillance ad hoc dans les environs. Les deux virus ont été isolés au CERVA (centre d’expertise vétérinaire des SPF Santé publique et SPF Agriculture – laboratoire de référence pour la grippe aviaire) et leur génotypage est en cours afin notamment d’évaluer dans quelle mesure les deux cas sont liés. Il s’agit donc des deux premiers cas de détection d’un virus d’influenza aviaire hautement pathogène chez des oiseaux en Belgique. En réalité, il s’agit du deuxième et du troisième cas, car le premier cas pour l’Europe du fameux H5N1 hautement pathogène a été isolé en Belgique le 18 octobre 2004 par le CERVA; l'échantillon avait été prélevé sur un Aigle montagnard Spizaetus nipalensis, saisi à la douane de l'aéroport de Bruxelles National, dans les baguages à main d’un passager en provenance de Bangkok. 

Cygnes chanteurs à Roly (photo Alain De Broyer)

Cygnes chanteurs à Roly (photo Alain De Broyer)

Ces deux cas de H5N8 hautement pathogène ne sont évidemment pas étonnants: inutile de rappeler que les oiseaux se déplacent au-delà des frontières et que l’épizootie ( = épidémie chez les animaux) touche quasi toutes les régions d’Europe, depuis le premier cas constaté en Hongrie en octobre passé.
 
Ce qui commence par contre à être un sujet de préoccupation est l’ampleur des mortalités chez les oiseaux sauvages. On peut l’estimer à des dizaines de milliers d’oiseaux appartenant à une trentaine d’espèces. La plupart sont des anatidés, mais pas uniquement. De surcroît, et dans une certaine (malheureuse) logique, on compte des espèces rares, fragiles, voire sévèrement menacées. Une dizaine de Faucons pèlerins, autant de Pygargues à queue blanche, des Autours des Palombes, au moins un Grand-duc d’Europe, tous trouvé morts, ont été testés positifs. Encore plus grave, au moins deux Oies naines ont été trouvées mortes en Hongrie. Ces deux individus appartiennent plus que probablement à la population nicheuse relictuelle de Norvège – la dernière d’Europe - qui compte seulement… 130 individus, qui hivernent jusque dans le Delta de l’Evros en Grèce. 

Que faire ? Pas grande chose dans l’état actuel des connaissances, si ce n’est empêcher que les foyers dans les élevages ne se propagent, en contaminent d’autres élevages ou des oiseaux sauvages. Et bien évidemment, participer à l’augmentation de la connaissance sur ce virus et son écologie.
 
Rester vigilant est ce que nous pouvons faire de mieux. Cela a parfaitement fonctionné dans le cas du cygne d’Oud-Heverlée puisque c’est une birdwatcheuse assidue de la vallée de la Dyle qui a repéré le cadavre, a alerté l’ANB qui a immédiatement envoyé une équipe récupérer le cygne pour l’envoyer au CERVA pour analyse. Dès les premiers résultats d’analyse connus, des bagueurs-collaborateurs de l’IRSNB ont capturé-bagué-relâché et réalisé des prélèvements sur des Cygnes tuberculés dans les étangs avoisinants et ont cherché l’éventuelle présence d’autres cadavres afin d’évaluer la possibilité de cas secondaires. La chaîne de collaboration a donc parfaitement fonctionné. Les consignes de vigilance sont spécifiées sur le site de l’AFSCA et du CERVA et ont été communiquées notamment aux 589 bourgmestres du pays.

En deux mots : si vous découvrez un Cygne ou un Grèbe mort, ou cinq oiseaux morts appartenant à une même famille et en un même lieu, avertissez s’il vous plait sans délai le DNF en Wallonie, l’IBGE à Bruxelles ou l’ANB en Flandre. Ce sont ces instances qui sont responsables de la collecte des cadavres découverts dans la Nature et de leur transport vers le labo du CERVA. Un grand merci d’avance !
 
Par ailleurs, afin que le dispositif soit le plus complet possible,  le Centre belge du Baguage organise tout au cours de l’année, à la demande et selon les prescriptions de l’AFSCA et du CERVA, la collecte des cadavres dans les CREAVES, CROH et autres VOC ainsi que la prise d’échantillons de liquide cloaqual sur des oiseaux des espèces sensibles au cours d’opération de baguage.