Ce que vos observations permettent d’apprendre sur les causes du déclin des oiseaux en Europe

Autant l’avouer, c’est par pur plaisir que depuis plus de 30 ans, je parcours chaque printemps plusieurs « chaines de points d’écoute » du programme SOCWAL. C’est mon rendez-vous annuel avec des coins de nature que j’apprécie, que je vois évoluer (ou pas), avec des observations attendues et, à chaque fois, des surprises. Ce plaisir un peu solitaire est augmenté par le fait de contribuer à un des plus grands systèmes de suivis structurés de la biodiversité dans le monde. Imaginez : le jeu de données consolidé comporte 20.000 sites d’échantillonnages suivis dans 28 pays d’Europe, certains depuis 37 ans, par plus de 12.000 ornithologues sur le terrain.

Chaque année, grâce à une grande collaboration internationale appelée le « Pan-European Common Bird Monitoring Scheme (PECBMS pour les intimes), les tendances des populations de 170 espèces d’oiseaux sont mises à jour et rendues disponibles pour la communauté scientifique. Ces robustes statistiques alimentent les connaissances sur l’état de la biodiversité, qui alarment tant de personnes aujourd’hui et qui commence, tant bien que mal et pas autant qu’on le voudrait, à peser dans certaines prises de décision.

Bien entendu, lorsqu’on examine ces tendances de population d’espèces, la première question qui vient à l’esprit, c’est « pourquoi ? ». Quels sont les facteurs qui conduisent à ces évolutions sur le long terme ? Il n’est jamais facile d’établir des relations de cause à effet, en particulier en écologie. Dans la nature, il est très difficile de mettre en place des conditions expérimentales, avec un contrôle de tous les paramètres. On travaille en général avec des corrélations. Par exemple, si les tendances de différentes populations d’oiseaux sont rassemblées en fonction de la spécialisation en habitat des différentes espèces, on remarque tout de suite que les oiseaux liés aux milieux agricoles déclinent en moyenne plus vite que les oiseaux forestiers, par exemple (Lire notre analyse récente pour la Wallonie). Cette évolution négative est d’autant plus marquée que l’agriculture est intensive (si on compare différents pays aux modèles agricoles différents). On a donc là une corrélation qui suggère qu’un des facteurs majeurs agissant sur les populations d’oiseaux est l’intensification agricole. Mais cela reste une corrélation, et nous savons bien que cela ne veut pas toujours dire « cause à effet ».

Une étude à laquelle Natagora est associée va plus loin et vient d’être publiée dans la prestigieuse revue « Proceedings of the National Academy of Sciences – PNAS ». Cette nouvelle analyse utilise les données PECBMS (et donc nos données SOCWAL et SOCBRU !) pour établir l’influence de quatre grands facteurs potentiels sur les populations d’oiseaux en Europe : le changement climatique, l’intensification agricole, la variation de la couverture forestière et l’urbanisation. Pour oser parler de relations de cause à effet, les auteurs principaux (basés à l’Institut des Sciences de l’Évolution à Montpellier) ont utilisé une technique statistique appelée « Convergent Cross Mapping », qui cherche à identifier les relations causales entre des variables. Elle est particulièrement utile dans les cas où de longues séries temporelles sont disponibles pour chacune de ces variables. Si une variable A influence une variable B, alors les changements dans la tendance temporelle de A devraient être reflétés dans la tendance de B avec un certain délai. Une autre méthode, appelée S-Map, permet ensuite de quantifier l’effet de la variable A sur la variable B, une fois que le lien de « quasi-causalité » a été établi.

Bruant proyer (c) Aurélien Audevart

Parmi les quatre grands facteurs étudiés, l’intensification agricole (mesurée ici par l’évolution de la quantité de pesticides et d’engrais utilisés) est la principale pression négative sur les populations d’oiseaux. Tous les groupes sont touchés par cette pression, pas seulement les spécialistes des milieux agricoles, mais en fait toutes les espèces qui dépendent des invertébrés pendant l’élevage des jeunes (et cela représente 143 espèces sur 170 !). L’indice lié aux intrants a augmenté en moyenne de 2,1% entre 2007 et 2016 en Europe, attestant que l’intensification de l’agriculture est toujours bien une réalité.

Le deuxième facteur par ordre d’importance qui influence la tendance des populations de très nombreuses espèces est le changement climatique. Son rôle global sur les populations est cependant moins perceptible, car l’augmentation des températures moyennes provoque à la fois un déclin chez certaines espèces (les espèces à affinité climatique froide) et une augmentation des effectifs d’oiseaux à affinité pour les climats chauds.

L’urbanisation joue également un rôle négatif, mais d’une manière variable suivant les espèces ; ce facteur semble surtout impacter les espèces granivores et celles liées aux milieux agricoles, grignotés par l’artificialisation des sols, justement. Le rôle de l’augmentation presque généralisée des surfaces dédiées à la forêt en Europe (+2,1% en 10 ans) semble moins clair, et légèrement positif.

En fin de compte, ce travail pointe donc sans surprise vers des causes multifactorielles responsables du déclin des oiseaux communs en Europe, mais l’avancée réelle réside dans la hiérarchisation de ces causes suivant leur ordre d’importance. Même si le changement climatique inflige une double peine à de nombreuses espèces, le rôle fondamental de l’augmentation de l’usage des pesticides et des fertilisants dans la crise de la biodiversité en Europe est une nouvelle fois mis en lumière. L’urgence des réformes aussi. Et certainement aussi, la nécessité de poursuivre les programmes de monitoring à long terme.

Un tout grand merci à tous les participants aux programmes SOCWAL et SOCBRU ! N’hésitez pas à les rejoindre.

Infographie présentant les résultats principaux de l’article de PNAS

Comment bien recenser une colonie du Héron cendré ?

La deuxième quinzaine d’avril, juste avant la pleine feuillaison, est la meilleure période pour recenser les nids de Héron cendré Ardea cinerea dans les colonies dont vous auriez connaissance. Cela demande juste un peu de patience et une bonne séance d’observation, de préférence à la longue-vue. Si vous encodez de la “bonne” façon sur Observations.be, ces données seront très utiles pour le suivi de la population nicheuse de cette espèce coloniale, qui semble avoir perdu du terrain depuis l’atlas 2001-2007.
Alors, comment faire ?

Héron cendré adulte construisant un nid dans un épicéa - remarquez le bec bien orangé. Les colonies dans des épicéas sont difficiles à recenser si les arbres sont en bonne santé. Il faut parfois passer sous la colonie pour repérer les coquilles d’œufs ou trouver une situation éloignée mais surplombante (photo R. Dujardin).

Le Héron peut commencer à s’installer pour nicher très tôt, dès janvier parfois, mais c’est en avril qu’un maximum de nids actifs peuvent être observés dans les colonies. Sauf dérangement ou modification de l’habitat, ces colonies sont utilisées pendant de nombreuses années; contrairement au Grand Cormoran, le Héron ne tue pas les arbres qu’il occupe. Les nids isolés sont rares, mais les colonies dépassent rarement quelques dizaines de nids dans notre région, toujours dans des arbres et le plus souvent en feuillus. Elles sont assez facilement repérées car, sauf dans les zones marécageuses, les nids sont généralement placés assez haut et les adultes sont bien visibles.

La première chose à faire est de repérer le meilleur angle de vue d’où examiner les nids. Parfois, plusieurs points de vue sont nécessaires pour ne manquer aucun nid, mais on veillera alors à bien éviter les doubles-comptages. Les colonies situées sur des îles de Meuse doivent souvent être examinées depuis les deux rives. Il n’y a pas vraiment d’heure idéale, mais évitons si possible les situations de contre-jour. Parfois, il vaut mieux s’éloigner pour obtenir un meilleur angle de vision et en tout cas, il faut éviter de se trouver à distance d’envol des adultes. Un comptage rapide peut être réalisé aux jumelles mais un examen minutieux à la longue-vue apportera un meilleur résultat.

L’unité de base à recenser est le “Nid Apparemment Occupé” (NAO). Au moins un adulte est généralement visible sur le NAO, sauf si les poussins sont déjà grands. Un nid abandonné récemment (avec par exemple des traces de fientes ou de branches fraiches) est normalement aussi à compter comme NAO. Un nid en construction est à considérer comme NAO. La longue-vue est particulièrement utile pour repérer les adultes en train de couver car ils sont parfois couchés très bas dans le nid, à peine visible: parfois, quelques plumes grises seulement émergent des branches, parfois un bout de bec orange. Dans cette situation, un souffle de vent peut faire bouger ses plumes légères et ainsi révéler le Héron tapis dans les branchages ! Il existe de plus en plus de colonies mixtes avec le Grand Cormoran et ceux-ci doivent être bien entendu renseignés à part. Juste après l’éclosion, les petits poussins, parfois invisibles au creux du nid, sont généralement en permanence assistés d’un adulte. Sur le terrain, n’hésitez pas à prendre un maximum de notes, ou à détailler un maximum l’observation en direct sur ObsMapp/iObs.

Aspect typique d’une colonie, ici seulement 6 nids au sommet d’aulnes à Yvoir (photo JY Paquet)

Comment encoder un comptage d’une colonie (sur Observations.be) ?

  • Localiser l’endroit du centre approximatif de la colonie, plutôt que le lieu d’où vous observez (mais n’hésitez pas à mentionner en commentaire où vous vous trouviez, si c’était un bon endroit d’où regarder, etc.)

  • Noter dans le champ “nombre d’individus” le nombre de nids, pas celui des oiseaux présents (malgré le nom du champ !). N’hésitez pas à “détailler la composition du groupe” pour renseigner les différents types de nids ci-dessous.

  • Utiliser le champ “comportement” au minimum en indiquant “nid occupé” pour un nid avec occupation claire ou présence d’individus ou de traces au nid. Facultativement, vous pouvez éventuellement détailler “nid occupé avec poussins” si vous voyez au minimum un poussin et “nid occupé avec œufs” si un adulte est couché en position de couvaison sur le nid. “Site de nid probable” est à utiliser pour un nid possible de Héron cendré ne présentant aucune trace d’activité récente - il peut s’agir d’un nid abandonné des années antérieures.

  • Très important: ajouter un commentaire dans le champ “remarque, pour confirmer votre comptage et ses conditions. Cela ne prend pas beaucoup de temps et c’est super utile, parfois crucial, pour l’analyste qui est chargé de compiler les données. Eventuellement préciser si vous pensez que le comptage est complet ou non, et n’hésitez pas à ajouter un maximum de détails comme les arbres occupés.

Quelques exemples d’encodage-type de colonies: Virelles, Saint-Mard, Viesville et Yvoir.

N’hésitez pas non plus à pointer les “observations négatives”, c’est-à-dire des endroits visités où une colonie est plausible (île de Meuse par exemple) ou active une autre année, mais où aucun nid n’est visible ou actif. Pour cela, pointer le site, mettre 0 en nombre et nid occupé en comportement, comme ici.

Même si vous passez par hasard sur un site fréquenté où vous pensez que la colonie sera bien renseigné par un autre observateur, n’hésitez pas à la recenser vous-même et à “bien” l’encoder. De nombreuses colonies vues ou photographiées de nombreuses fois ne sont en fait jamais examinées en détail.

Un grand merci pour votre collaboration !

NB: Si vous voulez aller plus loin et suivre la colonie au cours de la saison, il vaut mieux utiliser une image qui localise les nids afin de les suivre d’une visite à l’autre. Ce type d’information est difficilement saisie dans Observations.be, il vaut mieux tenir à jour votre propre tableau, n’hésitez pas à nous contacter pour plus de conseils !

Intimité chez les Bouvreuils

Vous trouverez ci-dessous le suivi d’une nidification d’un couple de Bouvreuils pivoines. Jules Fouarge a passé de nombreuses heures à observer et photographier les bouvreuils dans son jardin. Il nous décrit ici ses observations réalisées tout au long de la période de reproduction.

Texte et photos de Jules Fouarge.


En 2015 nous avons eu l’opportunité de suivre la nidification d’une famille de BOUVREUILS (Pyrrhula pyrrhula) dans notre jardin. Certains que le nid était proche et soucieux de ne pas mettre en péril son évolution, nous n’avons pas cherché son emplacement.

Présent au jardin dès l’hiver précédent ce couple a commencé des parades dès mars et surtout en avril.

Début mai, plus de parades mais visites désormais quotidiennes et davantage au distributeur de grains de tournesol. Notons aussi que la femelle vient moins souvent sans doute occupée par la couvaison et les éclosions. Toutefois dès le 26 mai le retour en duo est à nouveau quotidien ; les jeunes doivent être grands et qui sait déjà volant ? A mi-mai les chicorées mâturent leurs graines et les Bouvreuils se goinfrent sans retenue.

Fin mai et début juin les récoltes continuent à aller bon train mais toujours pas de jeunes en vue et cela va durer jusqu’à mi-juin quand nous verrons enfin un jeune nourri dans un grand buisson.

A présent les jeunes accompagnent les adultes sans retenue ; il semble qu’ils sont au moins trois (nous n’en verrons jamais davantage), curieusement nous les verrons le plus souvent sous la conduite du mâle ; la femelle pouvait éventuellement s’occuper d’autres jeunes ? Nous ne le saurons pas.

Les photos suivantes montrent ce que les jeunes sont devenus, ou auraient pu devenir ; nous ne verrons ce stade qu’en 2017 avec d’autres jeunes nés eux aussi non loin du jardin ; ils seront présents tout l’hiver.

Et enfin revoici l’hiver, avec parfois la neige et la recherche de graines plus ardue…