Découvertes

Le nouvel atlas des oiseaux nicheurs du Nord et du Pas-de-Calais

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Paru fin 2019, ce nouvel atlas régional est remarquable et richement illustré par des photographes régionaux. Il s’intègre dans l’histoire déjà longue des grands travaux collectifs d’inventaire des avifaunes en France, comme ailleurs en Europe. Ceci grâce à plus d’un millier de collaborateurs et une organisation efficiente coordonnée par un groupe d’ornithologues expérimentés. Parmi eux, la personnalité et l’œuvre de feu José Godin, bien connu des observateurs hennuyers, méritent d’être saluées.

Le but fondamental de l’atlas était d’actualiser les connaissances une vingtaine d’années après le dernier atlas du Nord – Pas-de-Calais. A ce titre, rappelons que des atlas nationaux des oiseaux nicheurs ont été publiés en France en 1976, 1994 et 2015 (données de 1970-1975, 1985-1989 et 2009-2012). A répétition, ils ont été suivis par nombre de déclinaisons régionales, notamment dans le Nord - Pas-de-Calais. Ici, en 1976 sous l’impulsion de Lucien Kérautret, puis en 1996 par l’atlas régional coordonné par Jean-Charles Tombal (données de 1985-1995). Le présent ouvrage représente l’aboutissement de la troisième « vague » d’atlas (terrain 2009-2015). Dans l’intervalle, l’augmentation de la pression d’observation est spectaculaire, passant ainsi de 42 collaborateurs dans les années 1970 à 1.471 pour le présent atlas. En parallèle, l’évolution de la puissance des techniques de cartographie et d’évaluation des effectifs est considérable.

Dans l’ouvrage, des chapitres introductifs détaillés présentent le Groupe Ornithologique Nord et son action, un aperçu historique de l’ornithologie régionale, la biogéographie du Nord – Pas-de-Calais et la méthodologie mise en œuvre. Ce chapitre crucial analyse en profondeur les méthodes d’estimation des effectifs d’oiseaux nicheurs, les protocoles spécifiques et l’élaboration des cartes de probabilité de présences, comme fait en Wallonie. La démarche présidant à l’établissement de la liste rouge régionale est aussi précisée. Le soin du détail est poussé, par exemple avec une carte en double page des principaux sites mentionnés dans l’atlas ou encore un glossaire détaillé.

Le cœur de l’ouvrage est constitué par les monographies des 176 espèces d’oiseaux nicheurs « réguliers » … dont 42% sont considérées comme menacées. La plupart sont traitées de manière fort précise sur deux pages, certaines sur quatre pages : contexte général de la présence en Europe et en France, répartition des nicheurs durant les années d’inventaire de l’atlas, habitats, effectifs, évolution des populations et conservation ainsi que certains traits de vie des (particuliers aux) nicheurs régionaux (biologie de la reproduction, déplacements, fidélité aux sites ...). C’est une mine d’informations qui peut aussi permettre de relativiser par rapport aux effectifs wallons, comme des raretés partagées (à peine 12-17 cantons de Locustelle luscinioïde et 0-2 de Rousserolle turdoïde) ou des abondances bien supérieures aux nôtres (3.000 à 8.000 Phragmite des joncs) donnant un peu d’optimisme (5.000-10.000 cantons de Bruant proyer). Des extinctions sont hélas enregistrées dans un contexte de large recul en Europe occidentale, comme celles du Tarier des prés ou de la Pie-grièche grise. D’autres sont sur le fil, tels que la Bécassine des marais, le Courlis cendré, l’Alouette lulu ou encore le Traquet motteux.

Phragmite des joncs : plus de 2.000 couples assez largement répartis.

Phragmite des joncs : plus de 2.000 couples assez largement répartis.

A ces espèces, s’ajoute un petit cortège de 14 nicheurs occasionnels. Plusieurs sont en limite d’aire (Milan royal, Guifette moustac), invasives (Beccroisé des sapins, Tarin des aulnes), difficiles à déceler (marouettes) ou n’ont connu, comme en Belgique, qu’une expansion temporaire (Roselin cramoisi). Peu après la fin normale des inventaires, la reproduction réussie de l’Elanion dans l’Avesnois mérite mention car elle a constitué le cas le plus septentrional en France de ce rapace en expansion. Le caractère sauvage de certains oiseaux peut néanmoins poser question (Canard siffleur et pilet par exemple). En fin de traitement, quelques cantonnements occasionnels, onze nicheurs occasionnels disparus et six espèces introduites non naturalisées sont évoqués (parmi elles, la Bernache nonnette peine à s’installer).

Busard Saint-Martin (ca 30 couples) : les efforts de conservation en Wallonie permettent de prolonger le peuplement de l’aire occupée en Artois.

Busard Saint-Martin (ca 30 couples) : les efforts de conservation en Wallonie permettent de prolonger le peuplement de l’aire occupée en Artois.

Busard cendré (ca 20 couples)

Busard cendré (ca 20 couples)

Les oiseaux n’ayant pas un sens aigu des frontières politiques, on ne peut que chaudement conseiller la lecture de cet atlas. Elle permettra à tout un chacun de mieux comprendre les similitudes et différences de l’avifaune nicheuse de régions naturelles traversées par une frontière franco-belge longue de plus de 300 km en allant des plaines de la Lys et de l’Escaut aux collines des plateaux hennuyers, à l’Avesnois et à la Thiérache.


Référence :

Beaudouin C., Boutrouille C., Camberlein P., Godin J., Luczak C., Pischiutta R. & Sueur F., coordinateurs (2019) : Les oiseaux nicheurs du Nord et du Pas-de-Calais. Editions Biotope, Mèze, 488 pages.


Pour se procurer l’Atlas :

La revue AVES vient de paraître : un numéro spécial migration (éditorial) !

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Beaucoup d’entre nous ont des souvenirs lumineux de grandes journées de migration, où la quantité d’oiseaux qui défilent dans nos cieux impressionne autant que leur diversité… De nombreux passionnés attendent le spectacle annuel du ballet des espèces en transhumance. Avant même que la saison de reproduction soit totalement terminée, dès le cœur de l’été, les migrateurs les plus hâtifs font route vers le sud. Peu à peu, avec l’automne, les vols deviennent de plus en plus visibles et les espèces se succèdent, au moins jusqu’en novembre, où les énormes groupes des Pigeons ramiers et les passages concentrés des Grues cendrées constituent un véritable cadeau pour les yeux avant le calme relatif de l’hiver.

Pour spectaculaire qu’elle soit, la migration automnale n’est pas un phénomène qui s’observe aisément par tout un chacun. Il n’est pas si simple d’identifier les oiseaux qui passent en trombe vers leurs quartiers d’hiver. Les plumages ne peuvent que rarement être détaillés et il faut se fier à des critères spécifiques : allure en vol, silhouette, cris de contact... C’est pour faciliter l’accès du plus grand nombre à ce spectacle éternellement renouvelé que nous avons décidé de publier le numéro double exceptionnel que vous tenez entre les mains, différent des volumes habituels à plusieurs égards.

Il s’agit de l’aboutissement d’un projet de longue haleine, né d’une heureuse initiative de quatre ornithos passionnés d’observation de la migration. Les auteurs de ce numéro spécial observent le passage automnal depuis des années, postés sur les collines hennuyères, les cols pyrénéens ou les crêtes ardennaises. Ils ont voulu rassembler l’expérience acquise sur le terrain pour en faire profiter le plus grand nombre.

Ainsi, le contenu traditionnel d’articles présentant des résultats originaux fait place à un guide d’identification spécialisé sur les oiseaux observables en migration active, dans nos régions.

Il offre aussi une restitution des suivis déjà menés en Wallonie par les passionnés de migration. Vous trouverez ainsi des graphes et des indications basés sur les séances de migration encodées dans le portail trektellen.org, qui permettront de connaître, pour chaque espèce, la période préférentielle de passage, les effectifs observés et leur fréquence.

Devant la masse d’informations à traiter, il a fallu faire des choix : ce numéro spécial se focalise sur les espèces visibles chez nous en migration active diurne, pendant la période postnuptiale, la plus spectaculaire dans nos régions.

Le Comité de la revue Aves tient à remercier toutes les personnes impliquées dans ce travail : les observateurs encodant leurs données de suivis migratoires, les photographes, les relecteurs et bien entendu notre quatuor « de choc » sans lequel ce volume n’existerait pas !

Bonne lecture et surtout… excellentes observations !

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Lecture planante pour l'été: le numéro 56/1 de la revue AVES est paru (éditorial)

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Les enquêtes de terrain, qui rassemblent les forces vives naturalistes autour d’un projet commun (comme le recensement d’une ou plusieurs espèces), sont au cœur de « l’ornithologie citoyenne » telle que l’applique notre association depuis sa création. Ce numéro 56/1 d’Aves s’ouvre avec la synthèse attendue des résultats de l’une de ces grandes enquêtes, qui concernait l’évaluation des populations nicheuses du Milan royal et du Milan noir en Wallonie en 2015 et 2016. Il s’agissait d’un véritable challenge, étant donné l’importante surface à couvrir (pratiquement toute la Haute Belgique) et la difficulté à localiser les territoires de ces deux espèces. Nous avons pu compter sur plusieurs dizaines d’observateurs qui n’ont pas ménagé leurs efforts, complétés par un appui professionnel. L’enquête a aussi bénéficié de l’expertise de plusieurs ornithologues amateurs qui mènent des recherches détaillées sur la démographie du Milan royal dans l’importante zone noyau d’Ardenne orientale.

C’est aussi grâce à l’un de ces suivis de longue haleine, basé sur la collecte systématique de pelotes de réjection et de restes de proies autour des nids depuis près de 20 ans, et à une collaboration avec deux universités et divers experts, que le régime alimentaire du Milan royal a pu être analysé. C’est l’objet du deuxième article de ce numéro, grâce auquel vous pourrez mieux comprendre les tenants et aboutissants du lien fort entre le statut favorable du Milan royal et une certaine forme d’agriculture. En pleine crise existentielle, l’élevage bovin de dimension familiale a modelé depuis des décennies les paysages d’une grande partie de la Wallonie. La manière dont il va évoluer détermine le futur d’une partie de notre avifaune.

Ces deux articles démontrent l’importance de dépasser la simple description du statut des populations. Une meilleure compréhension de l’écologie des espèces est nécessaire pour pouvoir développer des politiques de conservation adéquates. Saviez-vous que le Milan royal est en fait la seule espèce d’oiseaux nicheurs pour laquelle la Belgique abrite plus de 1 % de la population mondiale ? Nous avons donc une responsabilité particulière dans la compréhension des facteurs qui définissent la bonne santé locale de leur population : c’est la raison pour laquelle nous faisons appel à votre générosité pour poursuivre nos analyses à partir des données détaillées récoltées sur des individus équipés de balises GPS (pour contribuer, cliquez ici).

Enfin, cette fois encore, nous avons la chance d’avoir reçu de nos collègues suisses une magnifique étude combinant baguage scientifique, bioacoustique et photographie nature, pour suivre la population de l’une de nos espèces les plus mystérieuses, la Bécasse des bois. Les photos de l’espèce publiées dans ce numéro, en plus d’être magnifiques, ont une valeur scientifique remarquable : ne les manquez pas.

Avec tout le comité de la revue, nous vous souhaitons une excellente lecture… et de belles observations sur le terrain cet été !

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