Milans royaux des cantons de l'Est: le point en octobre

Depuis 2014, avec d’autres partenaires, Aves participe à un projet visant à étudier l’écologie des milans royaux en Haute Ardenne belge (cantons de l’Est). Plusieurs individus sont équipés d’une balise GPS qui permet de suivre leurs déplacements en détail et de comprendre l’utilisation de leur espace vital. Le projet est présenté ici et peut être suivi sur Facebook. Sur ce blog, nous vous proposons un résumé mensuel des dernières aventures de « nos » milans royaux.

Le mois d’octobre a été synonyme de migration vers le sud pour les milans royaux des cantons de l’Est. C'est étonnant, dans la mesure où depuis deux ans, les départs s'échelonnaient plutôt en novembre.

Le mâle Tchantchès, sponsorisé par la section Aves-Liège et équipé depuis le printemps 2016, a été le premier a quitté son territoire près d’Heppenbach, le 27 septembre déjà. Parti plus tôt que tous les autres individus suivis, il a aussi voyagé plus loin puisqu'il a parcouru 1675 km depuis Heppenbach pour rejoindre, le 11 octobre dernier, une zone d'hivernage dans le sud de l'Espagne. La traversée des Pyrénées n’a pas été un problème : il lui a suffi d’une matinée, le 8 octobre, pour parcourir les 120 km qui séparent Saint-Jean-Pied-de-Port de la région de La Rioja, en franchissant la chaîne par le Col de Roncevaux/Ibañeta (1057 m). Depuis le 11 octobre, il séjourne à proximité d’un village nommé Barcarrota, à 40 km de la frontière portugaise. Son dortoir quotidien se situe au cœur d’une Dehesa (pâturages parsemés de chênes verts ou de chênes-lièges) mais il se déplace assez bien (parfois à 40 km de là) vers une plaine agricole couvertes de cultures d’oliviers.

Trajet parcouru par Tchantchès, de Heppenback (B) à Barcarrota (E), en octobre 2016

Trajet parcouru par Tchantchès, de Heppenback (B) à Barcarrota (E), en octobre 2016

Le mâle Archimède, sponsorisé par la Formation Ornitho du CRIE d’Harchies et suivi depuis 2015, a quitté son village de Born le 23 octobre (soit un mois plutôt qu’à l’automne 2015). Comme l’année dernière, il ne semble pas pressé de voler vers le sud, puisqu’il est arrêté depuis le 26/10 près de Troyes, dans la région des lacs de la Forêt d’Orient. Il lui reste plus de 1200 km à parcourir, s’il retourne comme l’hiver dernier dans l’ouest de la Castille (région de Zamora).

Départ en migration d'Archimède, qui semble peu pressé malgré qu'il soit parti un mois plus tôt qu'en 2015

Départ en migration d'Archimède, qui semble peu pressé malgré qu'il soit parti un mois plus tôt qu'en 2015

Et les autres individus ? Trois autres sont aussi déjà en route: le Mâle Amel et le Mâle Wallerode sont dans le Limousin, la Femelle Wallerode est déjà en Espagne. Le Mâle Saint-Vith, suivi depuis 2014, a démarré sa migration le 26/10 au matin (les années précédentes, son départ étaient daté du 24 novembre 2014 et 22 novembre 2015). Seul le Mâle Montenau semble encore fixé sur son territoire.

Le mois d'octobre a également été marqué par la découverte du premier cas de mortalité d'un des milans que nous suivons: par un heureux hasard, sa balise GPS partiellement défectueuse a pu être relocalisée et son destin reconstitué. Ce milan, le Mâle Honsfeldervenn, dont la mort remonte à juin 2016, a en réalité été prédaté par le Grand-Duc local !

À bientôt pour de nouvelles aventures...

Nos oiseaux nicheurs communs... plus si communs que cela !

Le projet d'atlas des oiseaux nicheurs d'Europe (European Breeding Bird Atlas 2, EBBA2) est en cours depuis 2013. Aves participe activement à ce projet. Pour les observateurs wallons, le défi actuel est de re-parcourir des carrés kilométriques répartis à travers toute la région. Cet échantillonnage avait été mis en place lors de la campagne de terrain pour l'atlas des oiseaux nicheurs de Wallonie entre 2001 et 2007. L'EBBA2 est donc une bonne opportunité pour mesurer l'évolution de l'avifaune wallonne sur un pas de temps d'un peu plus de 10 ans. Après la saison 2016, où plus de 130 observateurs ont déjà permis d'obtenir des informations pour plus de 550 carrés, c'est l'heure des premiers verdicts (provisoires).

Les premiers résultats de comparaison 2001-2007 versus 2016 sont assez inquiétants pour notre avifaune, et pas seulement pour les oiseaux des champs, dont le déclin est malheureusement une rengaine déjà bien connue. Une majorité de nos espèces "répandues" sont en régression. Ainsi, en 10 ans, la Tourterelle des bois aurait perdu 70% de son effectif moyen (nombre d'individus par carré) et 70% de son aire (nombre de carrés occupés). Ce n'est pas une surprise: le déclin généralisé de cette espèce préoccupe tellement les conservationnistes qu'un plan d'action européen est en préparation. Ce qui tout aussi interpellant, c'est que même sa cousine plus familière, la Tourterelle turque, est également en régression récente d'après nos premières analyses (-30% de l'effectif depuis 2007).

Tourterelle turque (au-dessus) et Tourterelle des bois (en dessous)

 

Ces premières constatations, détaillée dans un rapport téléchargeable sur notre site, bien qu'inquiétantes, ne sont que préliminaires. L'échantillonnage devra encore s'élargir l'année qui vient, pour obtenir une meilleure représentativité du territoire (notamment: l'Ardenne et les zones forestières ont été sous-échantillonnées jusqu'ici). 

Deux saisons de terrain sont encore prévue. Contactez-nous si vous désirez y participer.

Nous tenons à remercier les dizaines de bénévoles qui participent à ce projet ainsi que Gilles San Martin qui nous a bien aidé pour les analyses statistiques.

2016: un automne mémorable pour les amateurs d'oiseaux rares!

Cela n'arrive pas tous les jours: ce 24 octobre, des bagueurs ont capturé à Ingooigem (Flandre Occ.) une espèce d'oiseau qui n'avait encore jamais été observée en Belgique (et seulement 10 fois auparavant dans tout le Paléarctique occidental), le Pouillot de Temminck (Phylloscopus coronatus). Le post ci-dessous (extrait des pages Facebook "Birding Belgium") dévoile les photos de l'événement. Cet insectivore niche dans l'extrême est de la Russie, au Japon et dans le NE de la Chine...

Cette découverte n'est pas un événement isolé. En effet, l'automne 2016 restera dans les annales ornithologiques comme une saison exceptionnelle pour les oiseaux rares venus de l'est. Les conditions météorologiques en septembre et début octobre (voir l'animation ci-dessous) ont été caractérisées par de puissants anticyclones, bloqués sur le nord de la Russie, envoyant vers l'Europe des courants d'est continus. Ce phénomène s'est produit au moment de la migration de nombreux passereaux sibériens qui, normalement, migrent alors vers le sud, voire le sud-est, du continent asiatique. Certains individus ont ainsi été déviés et sont peu à peu découverts en Europe occidentale, pour le plus grand plaisir des "twitchers".

Parmi les autre stars de l'automne figure aussi l'Accenteur montanelle Prunella montanella, une magnifique espèce extrêmement rare en Europe occidentale... et pour cause: Nicheur de la limite nord des forêts de l'Oural à l'est de la Sibérie, cet accenteur hiverne en Chine et en Corée. Les courants d'est, sans doute alliés à une bonne saison de reproduction, ont donc poussé - jusqu'à présent - plus de 80 individus différents jusque nos régions. Enfin... presque, car à l'heure d'écrire ces lignes, l'espèce n'a pas encore été trouvée en Belgique (la plupart des observations ont lieu en Fennoscandie). La photo ci-dessous illustre l'individu découvert près de Rotterdam le 21 octobre

© Jurrien van Deijk (cc:by-nc-nd)

© Jurrien van Deijk (cc:by-nc-nd)

C'est donc le moment d'être particulièrement attentif aux accenteurs; notre "cible" présente un comportement discret semblable à notre Accenteur mouchet, se nourrit principalement au sol et fréquente les buissons bas et les fourrés, particulièrement près des cours d'eau  (d'après del Hoyo et al., 2005, Handbook of the Birds of the World, vol. 10).

Outre le Pouillot de Temminck, et même si l'Accenteur montanelle est pour l'instant introuvable en Belgique, notre pays n'est donc pas en reste avec les espèces sibériennes: un Bruant à calotte blanche découvert le 21/10 à Zeebruges, plusieurs Bruants nains signalés, un Pouillot brun observé à Wenduine, un Pouillot de Schwarz capturé non loin de Bruges, un Pouillot de Hume se montrant à Blankenberge depuis le 21/10. Le Belgian Rare Bird Committee aura donc du pain sur la planche pour examiner toutes ces données!

Et n'oublions pas le Pouillot à grands sourcils, une espèce sibérienne régulière en automne en Europe occidentale, mais dont l'afflux observé cette année est sans précédent! À ce jour, l'espèce a été signalée dans plus de 141 carrés kilométriques en Belgique depuis le 1er septembre... À consulter également: les mouvements du Pouillot à grands sourcils à travers toute l'Europe, au travers de l'ensemble des portails d'observations en Europe, visibles sur EuroBirdPortal.

L'automne est loin d'être fini: à vos jumelles pour découvrir le reste des surprises qui nous attendent!