Le Milan royal en hiver en Wallonie en 2016-2017

En hiver, la Belgique se situe sur la frange nord-ouest de la répartition du Milan royal. Ce rapace est alors rare en Haute-Belgique et très rare plus au nord, même si des variations sensibles peuvent s’observer d’un hiver à l’autre en fonction notamment de l’abondance des micromammifères et de la météo continentale.

© Jean-Marie Poncelet

© Jean-Marie Poncelet

Depuis onze ans, en complément des nombreux inventaires de nicheurs, un recensement international est organisé en janvier à l’initiative de la LPO Mission Rapaces afin de mieux cerner l’aire et les conditions d’hivernage. Cette enquête est centrée sur la recherche et le dénombrement coordonné des dortoirs communautaires que forme ce rapace, principalement dans les régions où il hiverne en nombre. Au moins 15 pays ont collaboré à cet inventaire les 7-8 janvier dernier. En Wallonie, l’ensemble des contacts avec des milans en janvier est par contre pris en compte, en raison de la faible présence hivernale.

L’hiver 2016-2017 en Wallonie

Comme d’habitude, la migration postnuptiale s’est prolongée sur tout le mois de novembre, tout en s’amenuisant après le 10. En décembre, l’observation de quelques oiseaux apparemment en migration s’est répétée à l’image des années précédentes (1 ex. vers le sud-ouest le 1er décembre à Châtillon, le 5 à Woluwe-Saint-Pierre et le 10 à Wéris). Le total mensuel de contacts fut néanmoins très faible, nettement inférieur à celui des deux hivers précédents. En effet, seules 10 localités ont fourni des observations d’isolés et 2 des duos (2 ex. le 24 à Rossignol et le 30 à Waha).

La rareté a persisté en janvier : des observations d’isolés dans 8 localités et une de 2 ex. le 14 à Herbeumont. Un seul milan a été aperçu en Wallonie les 7-8 janvier, à Lamouline (sud Ardenne), et à peine deux autres du 1er au 10 janvier (le 9 à Witry et Clermont-sous-Huy). Aucun dortoir n’a été trouvé. Une seule localité a fourni des observations répétées : Witry du 9 au 13 janvier. Il est toutefois vraisemblable que l’un ou l’autre milan ait hiverné, notamment en Ardenne luxembourgeoise. La répartition des observations de décembre-janvier (Fig. 1) est à nouveau centrée sur les régions herbagères, comme lors des précédents hivers (Fig. 2). Cette distribution recouvre largement celle de l’aire de reproduction.

Figure 1 : Répartition des observations de Milan royal en Wallonie et à Bruxelles décembre 2016 (bleu) et janvier 2017 (rouge). Source : www.observations.be

Figure 1 : Répartition des observations de Milan royal en Wallonie et à Bruxelles décembre 2016 (bleu) et janvier 2017 (rouge). Source : www.observations.be

Figure 2 : Carte des observations de janvier de 2013 à 2017 en Wallonie. Les régions à caractère herbager de Haute-Belgique concentrent la plupart des observations

Figure 2 : Carte des observations de janvier de 2013 à 2017 en Wallonie. Les régions à caractère herbager de Haute-Belgique concentrent la plupart des observations

Comme les années précédentes, l’amorce de retours semble précoce comme l’indique la réapparition en Lorraine fin janvier (1 ex. à Autelbas le 26) – début février (1 ex. à Termes le 3), conjointe à des observations semblables au Grand-duché de Luxembourg. Il ne s’écoule donc guère plus de six semaines entre les derniers passages vers le sud et les premières remontées vers les lieux de nidification.

Dans les régions voisines

Peu de milans hivernent aux alentours de la Wallonie. Ainsi, à peine 6 observations d’isolés en décembre et 4 en janvier en Flandre, aucun au Grand-duché de Luxembourg après le 8 décembre (M. Bastian, com. pers.), très peu de mentions en Sarre, dans les lander de Rhénanie-Westphalie ainsi qu’en Rhénanie-Palatinat (voir www.ornitho.de ) et une donnée dans le Nord-Pas-de-Calais (1 ex. le 16 janvier à Wallers-Trélon). A l’échelle du Grand –Est (fusion de Champagne-Ardenne et Alsace-Lorraine), 87 Milans royaux ont été trouvés en dortoirs en janvier : 49 en Alsace, 10 en Lorraine et 28 en Champagne-Ardenne. Parmi les données provenant du département des Ardennes, la présence de 5 milans à la décharge d’Eteignières, toute proche de Rièzes, attire l’attention sur la possibilité de découvrir des hivernants dans le sud de l’Entre-Sambre-et-Meuse.

Référence citée : G. Leblanc, D. Etienne & A. Mionnet (2017) : Synthèse du comptage simultané en période hivernale des Milans royaux dans le Grand-Est - 07 et 08 janvier 2017. Rapport LPO & LOANA.

Un automne silencieux? L'absence remarquée des oiseaux de jardins

En octobre et en novembre dernier, Natagora a reçu de nombreux appels de personnes qui signalent l’absence d’oiseaux dans leur jardin. Ce constat semble se généraliser à tout le pays: les mangeoires se vident beaucoup moins rapidement que de coutume... Les observations ornithologiques saisies sur les portails comme Observations.be permettent-elles de confirmer le phénomène et/ou de mieux le comprendre ? Examinons ce que la fonction "Statistiques" d'Observations.be, que l'on peut obtenir dans le box "En savoir plus sur cette espèce", permet de montrer...

Prenons comme exemple la Mésange bleue. Sa page "Statistiques" permet de visualiser la répartition des observations (et des nombres d'individus renseignés) de l'espèce par mois, soit pour l'ensemble du jeu de donnée, soit pour une année en particulier. Le graphe présenté ici permet de voir le nombre total mensuel d'individus sur l'ensemble du jeu de données.

Pour un oiseau présent toute l'année dans notre pays et facile à observer, la Mésange bleue présente un pattern plutôt inattendu. Une période d'afflux de migrateurs (signalés comme "en vol") est nettement perceptible en octobre. Les mentions de l'espèce décroissent fortement au cours du printemps jusqu'à l'été, où l'espèce se fait apparemment beaucoup plus rare. Après la nidification, les mésanges sont en effet assez discrètes, circulant en" rondes" dans les feuillages, et sont peu loquaces, sauf par de petits cris indistincts à la plupart des oreilles. Avec le début des nourrissages dans les jardins, la Mésange bleue redevient familière après l'été.

Comparons à présent ce "pattern annuel" entre 2012 et 2016, via le petit montage ci-dessous. Comme vous le constaterez par vous même, les années se suivent et ne se ressemblent pas pour notre Mésange bleue !

L'automne 2016 se caractérise effectivement par une faible quantité d'individus (à comparer en particulier: la hauteur relative des colonnes septembre à novembre versus janvier à mars) et très peu de migrateurs sont signalés en octobre (en bleu plus pâle). 2015 et 2014 sont plutôt des années "normales", alors que 2013 rappelle quelque peu 2016 (moindre abondance à l'automne). 2012 est exceptionnelle par le grand nombre de migrateurs actifs renseignées en octobre (attention, l'échelle de l'axe vertical peut varier d'un graphe à l'autre !).

Cliquez pour agrandir le graphe...

En divisant le total d'individus par le nombre d'observations, on obtient une sorte de "taille moyenne des groupes signalés". Là aussi, comme le montre le graphe ci-joint, l'automne 2016 se démarque par une moindre "taille apparente des groupes". Et à nouveau, octobre 2012 sort du lot, avec ses groupes de migrateurs dopant la moyenne au-delà de 7. Par contre, 2013 semble plus "dans la norme" qu'avec les graphes précédents.

 

Le constat est donc implacable : il y a nettement moins de Mésanges bleues autour de nous en cet automne 2016 que les années précédentes. Faites l'exercice avec d'autres espèces, comme la Charbonnière, et vous obtiendrez une image similaire.

Comment expliquer ce phénomène ? Doit-on s'en inquiéter ? Apparemment, 2016 n'a pas vu d'afflux de migrateurs (les mésanges du nord de l'Europe, comme beaucoup d'oiseaux forestiers, ne sont pas régulières dans leur migration vers nos régions, certaines années étant marquées par des afflux et d'autres par des absences...). Mais à ceci semble se greffer une saison de reproduction catastrophique, causée par les conditions météorologiques froides et pluvieuses ce printemps dans notre pays. Certains bagueurs scientifiques inspectent chaque année un grand nombre de nichoirs pour y baguer les poussins e mésanges; ils ont donc un certain recul sur la question. Certains d'entre eux considèrent déjà 2016 comme leur pire printemps !

Pour mieux comprendre ce genre de phénomène, il serait d'ailleurs intéressant de compiler systématiquement en Belgique les observations sur le succès des nichées, afin d'en établir des statistiques à long terme. Nos collègues de l'association SOVON (études ornithologiques aux Pays-Bas) publient des séries de données très intéressantes à ce sujet, espèce par espèce, sur leur site web - nous verrons plus tard si un taux d'échec élevé des nichées est confirmé en 2016 chez les mésanges néerlandaises.

L'hiver qui arrive et les comptages des oiseaux aux jardins organisés le premier week-end de février 2017 par Aves-Natagora permettront aussi de compléter ce tour d'horizon: "Devine qui est attendu dans nos Jardins ?"

À suivre, sur le terrain ou à vos fenêtres !

Milans royaux des cantons de l'Est: le point en octobre

Depuis 2014, avec d’autres partenaires, Aves participe à un projet visant à étudier l’écologie des milans royaux en Haute Ardenne belge (cantons de l’Est). Plusieurs individus sont équipés d’une balise GPS qui permet de suivre leurs déplacements en détail et de comprendre l’utilisation de leur espace vital. Le projet est présenté ici et peut être suivi sur Facebook. Sur ce blog, nous vous proposons un résumé mensuel des dernières aventures de « nos » milans royaux.

Le mois d’octobre a été synonyme de migration vers le sud pour les milans royaux des cantons de l’Est. C'est étonnant, dans la mesure où depuis deux ans, les départs s'échelonnaient plutôt en novembre.

Le mâle Tchantchès, sponsorisé par la section Aves-Liège et équipé depuis le printemps 2016, a été le premier a quitté son territoire près d’Heppenbach, le 27 septembre déjà. Parti plus tôt que tous les autres individus suivis, il a aussi voyagé plus loin puisqu'il a parcouru 1675 km depuis Heppenbach pour rejoindre, le 11 octobre dernier, une zone d'hivernage dans le sud de l'Espagne. La traversée des Pyrénées n’a pas été un problème : il lui a suffi d’une matinée, le 8 octobre, pour parcourir les 120 km qui séparent Saint-Jean-Pied-de-Port de la région de La Rioja, en franchissant la chaîne par le Col de Roncevaux/Ibañeta (1057 m). Depuis le 11 octobre, il séjourne à proximité d’un village nommé Barcarrota, à 40 km de la frontière portugaise. Son dortoir quotidien se situe au cœur d’une Dehesa (pâturages parsemés de chênes verts ou de chênes-lièges) mais il se déplace assez bien (parfois à 40 km de là) vers une plaine agricole couvertes de cultures d’oliviers.

Trajet parcouru par Tchantchès, de Heppenback (B) à Barcarrota (E), en octobre 2016

Trajet parcouru par Tchantchès, de Heppenback (B) à Barcarrota (E), en octobre 2016

Le mâle Archimède, sponsorisé par la Formation Ornitho du CRIE d’Harchies et suivi depuis 2015, a quitté son village de Born le 23 octobre (soit un mois plutôt qu’à l’automne 2015). Comme l’année dernière, il ne semble pas pressé de voler vers le sud, puisqu’il est arrêté depuis le 26/10 près de Troyes, dans la région des lacs de la Forêt d’Orient. Il lui reste plus de 1200 km à parcourir, s’il retourne comme l’hiver dernier dans l’ouest de la Castille (région de Zamora).

Départ en migration d'Archimède, qui semble peu pressé malgré qu'il soit parti un mois plus tôt qu'en 2015

Départ en migration d'Archimède, qui semble peu pressé malgré qu'il soit parti un mois plus tôt qu'en 2015

Et les autres individus ? Trois autres sont aussi déjà en route: le Mâle Amel et le Mâle Wallerode sont dans le Limousin, la Femelle Wallerode est déjà en Espagne. Le Mâle Saint-Vith, suivi depuis 2014, a démarré sa migration le 26/10 au matin (les années précédentes, son départ étaient daté du 24 novembre 2014 et 22 novembre 2015). Seul le Mâle Montenau semble encore fixé sur son territoire.

Le mois d'octobre a également été marqué par la découverte du premier cas de mortalité d'un des milans que nous suivons: par un heureux hasard, sa balise GPS partiellement défectueuse a pu être relocalisée et son destin reconstitué. Ce milan, le Mâle Honsfeldervenn, dont la mort remonte à juin 2016, a en réalité été prédaté par le Grand-Duc local !

À bientôt pour de nouvelles aventures...