Milans royaux des cantons de l'Est: le printemps est dans l'air !

Après plusieurs semaines d'hivernage en Espagne, l'heure du retour semble avoir sonné pour les Milans belges suivis par balise GPS.

L'alignement d'arbre derrière le village de Santovenia, qui sert de dortoir hivernal à Archimède. L'équipe du projet s'est rendu sur place en Janvier 2016 et a pu récolter des pelotes de réjection (photo: JY Paquet).

L'alignement d'arbre derrière le village de Santovenia, qui sert de dortoir hivernal à Archimède. L'équipe du projet s'est rendu sur place en Janvier 2016 et a pu récolter des pelotes de réjection (photo: JY Paquet).

Archimède coulait des jours tranquilles en Castille au même endroit de villégiature que l'hiver dernièr, dans la région de Zamora. Le 1er février, au petit matin, il a quitté son dortoir proche du village de Santovenia (voir photo ci-contre) pour filer vers l'est-nord-est. Après 6 jours, il a déjà couvert 650 km soit 45 % de son trajet pour revenir dans son territoire à Born (distance couverte: entre 4 et 203 km par jour). C'est passionnant de suivre son voyage pas à pas, car Archimède suit quasiment le même chemin que le voyage de retour de l'année précédente (17 jours de voyage parcourus entre le 18 janvier et le 3 février 2016).

Il a même fait étape au même endroit deux années de suite, à Saint-Girons-en-Béarn... (le 25 janvier 2016 et le 5 février 2017). 

Trajet de retour 2017 d'Archimède (en jaune), jusqu'au 7/02. En bleu, son trajet de 2016. La flèche rouge indique le village de Saint-Girons-en-Béarn, où il a dormi dans le même bosquet à un an d'intervalle.

Trajet de retour 2017 d'Archimède (en jaune), jusqu'au 7/02. En bleu, son trajet de 2016. La flèche rouge indique le village de Saint-Girons-en-Béarn, où il a dormi dans le même bosquet à un an d'intervalle.

Le Mâle Wallerode a lui aussi entamé son voyage de retour, précédé, comme l'hiver dernier d'ailleurs, d'un petit séjour dans la région de Lourdes, une sorte de deuxième site d'hivernage, après lui aussi être allé en Espagne.

Les autres milans suivis par GPS, y compris Tchantchès, sont toujours en Espagne, entre l'Estrémadure et la Castille. Affaire à suivre donc !

 

Situation au 3 février 2017. On voit les trajets d'Archimède et de Mâle Wallerode, et les positions en hivernage des 5 autres individus suivis, depuis Mérida au sud, jusqu'à Zamora.

Situation au 3 février 2017. On voit les trajets d'Archimède et de Mâle Wallerode, et les positions en hivernage des 5 autres individus suivis, depuis Mérida au sud, jusqu'à Zamora.

Le Milan royal en hiver en Wallonie en 2016-2017

En hiver, la Belgique se situe sur la frange nord-ouest de la répartition du Milan royal. Ce rapace est alors rare en Haute-Belgique et très rare plus au nord, même si des variations sensibles peuvent s’observer d’un hiver à l’autre en fonction notamment de l’abondance des micromammifères et de la météo continentale.

© Jean-Marie Poncelet

© Jean-Marie Poncelet

Depuis onze ans, en complément des nombreux inventaires de nicheurs, un recensement international est organisé en janvier à l’initiative de la LPO Mission Rapaces afin de mieux cerner l’aire et les conditions d’hivernage. Cette enquête est centrée sur la recherche et le dénombrement coordonné des dortoirs communautaires que forme ce rapace, principalement dans les régions où il hiverne en nombre. Au moins 15 pays ont collaboré à cet inventaire les 7-8 janvier dernier. En Wallonie, l’ensemble des contacts avec des milans en janvier est par contre pris en compte, en raison de la faible présence hivernale.

L’hiver 2016-2017 en Wallonie

Comme d’habitude, la migration postnuptiale s’est prolongée sur tout le mois de novembre, tout en s’amenuisant après le 10. En décembre, l’observation de quelques oiseaux apparemment en migration s’est répétée à l’image des années précédentes (1 ex. vers le sud-ouest le 1er décembre à Châtillon, le 5 à Woluwe-Saint-Pierre et le 10 à Wéris). Le total mensuel de contacts fut néanmoins très faible, nettement inférieur à celui des deux hivers précédents. En effet, seules 10 localités ont fourni des observations d’isolés et 2 des duos (2 ex. le 24 à Rossignol et le 30 à Waha).

La rareté a persisté en janvier : des observations d’isolés dans 8 localités et une de 2 ex. le 14 à Herbeumont. Un seul milan a été aperçu en Wallonie les 7-8 janvier, à Lamouline (sud Ardenne), et à peine deux autres du 1er au 10 janvier (le 9 à Witry et Clermont-sous-Huy). Aucun dortoir n’a été trouvé. Une seule localité a fourni des observations répétées : Witry du 9 au 13 janvier. Il est toutefois vraisemblable que l’un ou l’autre milan ait hiverné, notamment en Ardenne luxembourgeoise. La répartition des observations de décembre-janvier (Fig. 1) est à nouveau centrée sur les régions herbagères, comme lors des précédents hivers (Fig. 2). Cette distribution recouvre largement celle de l’aire de reproduction.

Figure 1 : Répartition des observations de Milan royal en Wallonie et à Bruxelles décembre 2016 (bleu) et janvier 2017 (rouge). Source : www.observations.be

Figure 1 : Répartition des observations de Milan royal en Wallonie et à Bruxelles décembre 2016 (bleu) et janvier 2017 (rouge). Source : www.observations.be

Figure 2 : Carte des observations de janvier de 2013 à 2017 en Wallonie. Les régions à caractère herbager de Haute-Belgique concentrent la plupart des observations

Figure 2 : Carte des observations de janvier de 2013 à 2017 en Wallonie. Les régions à caractère herbager de Haute-Belgique concentrent la plupart des observations

Comme les années précédentes, l’amorce de retours semble précoce comme l’indique la réapparition en Lorraine fin janvier (1 ex. à Autelbas le 26) – début février (1 ex. à Termes le 3), conjointe à des observations semblables au Grand-duché de Luxembourg. Il ne s’écoule donc guère plus de six semaines entre les derniers passages vers le sud et les premières remontées vers les lieux de nidification.

Dans les régions voisines

Peu de milans hivernent aux alentours de la Wallonie. Ainsi, à peine 6 observations d’isolés en décembre et 4 en janvier en Flandre, aucun au Grand-duché de Luxembourg après le 8 décembre (M. Bastian, com. pers.), très peu de mentions en Sarre, dans les lander de Rhénanie-Westphalie ainsi qu’en Rhénanie-Palatinat (voir www.ornitho.de ) et une donnée dans le Nord-Pas-de-Calais (1 ex. le 16 janvier à Wallers-Trélon). A l’échelle du Grand –Est (fusion de Champagne-Ardenne et Alsace-Lorraine), 87 Milans royaux ont été trouvés en dortoirs en janvier : 49 en Alsace, 10 en Lorraine et 28 en Champagne-Ardenne. Parmi les données provenant du département des Ardennes, la présence de 5 milans à la décharge d’Eteignières, toute proche de Rièzes, attire l’attention sur la possibilité de découvrir des hivernants dans le sud de l’Entre-Sambre-et-Meuse.

Référence citée : G. Leblanc, D. Etienne & A. Mionnet (2017) : Synthèse du comptage simultané en période hivernale des Milans royaux dans le Grand-Est - 07 et 08 janvier 2017. Rapport LPO & LOANA.

Un automne silencieux? L'absence remarquée des oiseaux de jardins

En octobre et en novembre dernier, Natagora a reçu de nombreux appels de personnes qui signalent l’absence d’oiseaux dans leur jardin. Ce constat semble se généraliser à tout le pays: les mangeoires se vident beaucoup moins rapidement que de coutume... Les observations ornithologiques saisies sur les portails comme Observations.be permettent-elles de confirmer le phénomène et/ou de mieux le comprendre ? Examinons ce que la fonction "Statistiques" d'Observations.be, que l'on peut obtenir dans le box "En savoir plus sur cette espèce", permet de montrer...

Prenons comme exemple la Mésange bleue. Sa page "Statistiques" permet de visualiser la répartition des observations (et des nombres d'individus renseignés) de l'espèce par mois, soit pour l'ensemble du jeu de donnée, soit pour une année en particulier. Le graphe présenté ici permet de voir le nombre total mensuel d'individus sur l'ensemble du jeu de données.

Pour un oiseau présent toute l'année dans notre pays et facile à observer, la Mésange bleue présente un pattern plutôt inattendu. Une période d'afflux de migrateurs (signalés comme "en vol") est nettement perceptible en octobre. Les mentions de l'espèce décroissent fortement au cours du printemps jusqu'à l'été, où l'espèce se fait apparemment beaucoup plus rare. Après la nidification, les mésanges sont en effet assez discrètes, circulant en" rondes" dans les feuillages, et sont peu loquaces, sauf par de petits cris indistincts à la plupart des oreilles. Avec le début des nourrissages dans les jardins, la Mésange bleue redevient familière après l'été.

Comparons à présent ce "pattern annuel" entre 2012 et 2016, via le petit montage ci-dessous. Comme vous le constaterez par vous même, les années se suivent et ne se ressemblent pas pour notre Mésange bleue !

L'automne 2016 se caractérise effectivement par une faible quantité d'individus (à comparer en particulier: la hauteur relative des colonnes septembre à novembre versus janvier à mars) et très peu de migrateurs sont signalés en octobre (en bleu plus pâle). 2015 et 2014 sont plutôt des années "normales", alors que 2013 rappelle quelque peu 2016 (moindre abondance à l'automne). 2012 est exceptionnelle par le grand nombre de migrateurs actifs renseignées en octobre (attention, l'échelle de l'axe vertical peut varier d'un graphe à l'autre !).

Cliquez pour agrandir le graphe...

En divisant le total d'individus par le nombre d'observations, on obtient une sorte de "taille moyenne des groupes signalés". Là aussi, comme le montre le graphe ci-joint, l'automne 2016 se démarque par une moindre "taille apparente des groupes". Et à nouveau, octobre 2012 sort du lot, avec ses groupes de migrateurs dopant la moyenne au-delà de 7. Par contre, 2013 semble plus "dans la norme" qu'avec les graphes précédents.

 

Le constat est donc implacable : il y a nettement moins de Mésanges bleues autour de nous en cet automne 2016 que les années précédentes. Faites l'exercice avec d'autres espèces, comme la Charbonnière, et vous obtiendrez une image similaire.

Comment expliquer ce phénomène ? Doit-on s'en inquiéter ? Apparemment, 2016 n'a pas vu d'afflux de migrateurs (les mésanges du nord de l'Europe, comme beaucoup d'oiseaux forestiers, ne sont pas régulières dans leur migration vers nos régions, certaines années étant marquées par des afflux et d'autres par des absences...). Mais à ceci semble se greffer une saison de reproduction catastrophique, causée par les conditions météorologiques froides et pluvieuses ce printemps dans notre pays. Certains bagueurs scientifiques inspectent chaque année un grand nombre de nichoirs pour y baguer les poussins e mésanges; ils ont donc un certain recul sur la question. Certains d'entre eux considèrent déjà 2016 comme leur pire printemps !

Pour mieux comprendre ce genre de phénomène, il serait d'ailleurs intéressant de compiler systématiquement en Belgique les observations sur le succès des nichées, afin d'en établir des statistiques à long terme. Nos collègues de l'association SOVON (études ornithologiques aux Pays-Bas) publient des séries de données très intéressantes à ce sujet, espèce par espèce, sur leur site web - nous verrons plus tard si un taux d'échec élevé des nichées est confirmé en 2016 chez les mésanges néerlandaises.

L'hiver qui arrive et les comptages des oiseaux aux jardins organisés le premier week-end de février 2017 par Aves-Natagora permettront aussi de compléter ce tour d'horizon: "Devine qui est attendu dans nos Jardins ?"

À suivre, sur le terrain ou à vos fenêtres !