Le Milan royal en hiver en Wallonie en 2017-2018

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Le réseau européen "Milan royal" recense les nicheurs mais aussi les hivernants

Depuis douze ans, en complément des nombreux inventaires de nicheurs, un recensement international est organisé en janvier à l’initiative de la LPO Mission Rapaces. Il vise à mieux cerner l’aire d’hivernage et la répartition des effectifs. Cette enquête est centrée sur la recherche et le dénombrement coordonné des dortoirs communautaires que forme ce rapace. Au moins 15 pays ont collaboré à cet inventaire les 6-7 janvier dernier. En Wallonie, l’ensemble des contacts avec des milans en janvier est par contre pris en compte, en raison de la faible présence hivernale.

En hiver, la Belgique se situe sur la frange nord-ouest de la répartition du Milan royal. Les suivis des derniers hivers ont montré que ce rapace est alors rare en Haute-Belgique et très rare plus au nord. Aucun dortoir de quelque importance n’a d’ailleurs été noté depuis des années. Ce fut encore le cas cet hiver.

L’hiver 2017-2018 en Wallonie

La migration postnuptiale s’est à nouveau prolongée en novembre et même en décembre. L’observation de quelques oiseaux apparemment en migration se répète alors le mois durant, à l’image des années précédentes : 3 ex. vers le sud-ouest à Fauvillers et 2 à Breuvanne le 1er, 1 ex. sur place le 2 à Bilstain, le 4 à Stembert, le 6 à Honnelle, le 24 à Elouges, le 26 à Buvrinne et le 28 à Houffalize.

En décembre, le nombre de contacts s’est réduit en cours de mois. Avec un total mensuel de 25 observations, il est néanmoins supérieur à celui de l’hiver-2016-2017 qui avait été particulièrement faible. Début 2018, à peine six observations d’isolés en première décade de janvier (lors du comptage) et 4 en deuxième décade. Aucun dortoir n’a été trouvé mais des hivernages locaux sont vraisemblables, en particulier dans la région de Remagne, en Ardenne luxembourgeoise. La répartition des observations de décembre-janvier (Fig. 1) est à nouveau centrée sur les régions herbagères de la Haute-Belgique, en particulier l’Ardenne.

Figure 1 : Carte des observations de décembre 2017 (bleu) et janvier 2018 (rouge) en Wallonie.

Figure 1 : Carte des observations de décembre 2017 (bleu) et janvier 2018 (rouge) en Wallonie.

Figure 2 : Nombre d’observations en janvier en Wallonie de 2013 à 2018

Figure 2 : Nombre d’observations en janvier en Wallonie de 2013 à 2018

L’amorce de retours est une nouvelle fois précoce. Dès la mi-janvier, certaines mentions peuvent concerner des migrateurs. Cela devient net en fin de mois et jusqu’au 5 février (13 observations). En particulier, le 1er février voit le retour (après une dernière nuit au Grand-duché de Luxembourg) de la femelle adulte « Wallerode » porteuse d’une balise gps. Partie le 1er janvier de sa zone d’hivernage en Extrémadure (Espagne), elle a mis un mois pour effectuer sa migration. Dans le même temps, tous les autres porteurs de balises sauf un, sont restés dans leur quartier d’hiver (J.-Y. Paquet, com. or.).

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Et dans les régions voisines ?

A nouveau, peu de milans hivernent aux alentours de la Wallonie. Ainsi, une dizaine d’isolés en janvier en Flandre et aucun dans la Région Bruxelles-Capitale (source observations.be). Un seul début janvier au Grand-duché de Luxembourg où des retours apparents sont, par contre, enregistrés en fin de mois. Egalement très peu de mentions avant la fin du mois en Sarre, dans les lander de Rhénanie-Westphalie et Rhénanie-Palatinat (source www.ornitho.de ). En France, une donnée dans les Hauts-de-France (Département du Nord le 24 décembre 2017 - www.nordpasdecalais.observation.org) et un petit hivernage classique dans la Région du Grand–Est (Champagne-Ardenne et Alsace-Lorraine). Ici, 82 Milans royaux (87 en janvier 2017) ont été trouvés en dortoirs en janvier : 20 en Alsace, 12 en Lorraine et 52 en Champagne-Ardenne (Leblanc et al., 2018). Parmi les données provenant du département des Ardennes, la présence a à nouveau été notée à la décharge d’Eteignières (près de Rièzes).

Référence citée : G. Leblanc, S. Didier & A. Mionnet (2018) : Synthèse du comptage simultané en période hivernale des Milans royaux dans la Région Grand-Est (06 et 07 janvier 2017). Rapport LPO & LOANA, 4 pages.

Noël pour tous : la conversion de prairies intensives en plantations de sapins de Noël modifie-t-elle les communautés d’oiseaux ?

Les milieux agricoles ont subi, ce dernier demi-siècle, une intensification des pratiques qui a entrainé une diminution sévère des conditions favorables à la biodiversité qui leur est associée. Depuis quelques décennies, un nouveau développement se marque par l’arrivée de cultures dites « non alimentaires » : dans notre région, il s’agit par exemple de plantations de miscanthus (production d’agro-carburants) et surtout des plantations de sapins de Noël (PSN).
En Wallonie, les superficies destinées à la production de sapins de Noël ont fortement augmenté. Elles totalisent environ 5.000 ha et sont majoritairement situées dans les zones agricoles d’Ardenne, où elles remplacent le plus souvent des prairies relativement intensives. Au vu du déclin que connaissent actuellement les populations d’un bon nombre d’oiseaux des milieux agricoles, il est important de se questionner sur les effets de cette conversion. C’était l’objectif principal d’une étude menée en Ardenne par l’ULg – Gembloux Agro-Bio Tech, qui vient d’être publiée récemment dans la revue « Agriculture, Ecosystems & Environment »
 

Parcelles de sapins de Noël et prairies pauvres en haies, en Ardenne. (Photo : Robin Gailly)

Parcelles de sapins de Noël et prairies pauvres en haies, en Ardenne. (Photo : Robin Gailly)

Des relevés ornithologiques par points d’écoute ont été menés dans des PSN et des prairies lors de la saison de nidification 2013, en Ardenne occidentale (principalement à Gedinne et à Bièvre), afin de comparer les communautés d’oiseaux entre ces deux habitats. Il en ressort que l’effet de la conversion de prairies en PSN dépend de la quantité de haies présente dans les environs immédiats. Dans le cas d’une faible densité de haies, l’apparition d’une PSN va augmenter localement le nombre d’espèces d’oiseaux et le nombre d’individus. Par contre, dans un contexte riche en haies (à partir d’environ 70 m de haies par ha), la présence de sapins de Noël n’enrichit plus la communauté d’oiseaux. Ceci est illustré par la figure ci-dessous, sur laquelle on remarque bien deux choses : 

  • la relation positive qui existe entre la quantité d’oiseaux (mesurée par un indicateur qui combine nombre d’espèces et abondances) et la longueur de haies dans les prairies ardennaises
  • La richesse supérieure des PSN par rapport aux prairies, qui s’amenuise avec l’augmentation de la densité en haies.
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Quatre espèces se sont révélées être particulièrement présentes dans les PSN. Il s’agît de la Linotte mélodieuse, du Bruant jaune, de l’Accenteur mouchet et du Tarier pâtre. Par contre, nous n’avons pas identifié d’espèce répandue en prairies qui disparaitrait systématiquement à cause de l’introduction de PSN.

Bruant jaune, Linotte mélodieuse, Tarier pâtre et Accenteur mouchet sont des espèces fréquentes dans les PSN. (Photos : Robin Gailly)

Bruant jaune, Linotte mélodieuse, Tarier pâtre et Accenteur mouchet sont des espèces fréquentes dans les PSN. (Photos : Robin Gailly)

Ces résultats pourront paraître inattendus aux naturalistes qui s’inquiètent de l’extension des cultures de sapins de noël ; il est toutefois important de garder à l’esprit le contexte dans lequel cette étude a été menée. En effet, la majorité des prairies ardennaises connaissent une gestion relativement intensive : deux ou trois fauches par an pour les prairies de fauche et une densité en bétail souvent élevée dans les pâtures. A cela s’ajoute une pauvreté en éléments semi-naturels et en haies, si bien que les espèces plus exigeantes, comme la Pie-grièche grise, le Tarier des prés ou le Pipit farlouse, se sont d’ores et déjà fortement raréfiés ou ont disparu. Dans un tel contexte, les PSN recréent de l’hétérogénéité structurelle là où les haies font défaut et créent ainsi des habitats de substitution pour plusieurs espèces.
Dans les PSN, la disponibilité en ressources alimentaires (graines et/ou insectes) dont les oiseaux ont besoin pour eux-mêmes et pour leurs jeunes est largement dépendante de la gestion des plantes adventices. Dans le cas d’une gestion intensive de ces adventices par herbicide ou fauches fréquentes, les oiseaux devraient alors aller se nourrir à l’extérieur des parcelles, et dès lors des PSN de grande taille deviendraient défavorables, de même qu’une saturation des paysages agricoles par des PSN.
Les PSN, de préférence de taille raisonnable et avec une gestion des adventices la plus extensive possible, devraient donc préférentiellement être introduites dans des zones de prairies intensives où les densités de haies sont faibles, de manière à ce qu’elles constituent une opportunité pour augmenter l’hétérogénéité structurelle des paysages agricoles appauvris et puissent ainsi bénéficier aux oiseaux de ces milieux.
N’oublions pas cependant que ce n’est pas le tout qu’un oiseau s’installe dans un milieu de substitution parce que la structure est favorable : il faut encore qu’il puisse y élever ses nichées avec succès. Nous poursuivons donc l’étude actuellement en comparant le succès reproducteur d’une espèce modèle, le tarier pâtre, dans différents types de milieux, dont les sapins de Noël.


Référence complète de l’article : GAILLY, R., PAQUET, J.-Y., TITEUX, N., CLAESSENS, H. & DUFRÊNE, M. (2017): Effects of the conversion of intensive grasslands into Christmas tree plantations on bird assemblages. Agriculture, Ecosystems & Environment, 247: 91-97. 
 

Natura 2000 : quels impacts sur les oiseaux nicheurs ?

Depuis la  « Loi sur la Conservation de la Nature » de 2001, la désignation des sites Natura 2000 en Wallonie a connu de nombreuses péripéties. Ce système de protection d’habitats rares et d’espèces patrimoniales est ambitieux et son implémentation n’est pas terminée. Le "bon état de conservation" est encore loin d’être atteint pour de nombreux habitats et espèces. Les pages sur la "Biodiversité en Wallonie" vous permettent de vous faire une idée de l’état d’avancement du dossier Natura 2000.

Sarcelle d'hiver (photo : Dominique Duyck)

Sarcelle d'hiver (photo : Dominique Duyck)

Pendant ce temps, animés par leur passion et leur volonté de voir se ralentir l’érosion de la biodiversité, les ornithologues ont continué à suivre l’évolution de l’avifaune en Wallonie. Dès la désignation des sites, leur expertise a été mise à contribution pour identifier les zones-noyaux pour les populations d’espèces Natura 2000. L’atlas des oiseaux nicheurs de Wallonie a ensuite permis d’affiner la connaissance sur les sites et des espèces qui les fréquentent. Aujourd’hui, les enquêtes menées sur le terrain et les nombreuses observations rassemblées par les portails d’encodage  permettent d’obtenir des informations cruciales sur l’avifaune. Une analyse récente de notre banque de données, publiée dans la revue Bird Census News , montre qu’entre 2010 et 2015, plus de 3.400 ornithologues ont réalisé ensemble plus de 76.000 "visites" dans le réseau Natura 2000 en Wallonie (une "visite" étant une journée avec au moins une observation dans un site par un ornithologue donné). Même si ces données concernent surtout les sites très fréquentés par les naturalistes, elles constituent néanmoins une base très utile pour comprendre comment évolue notre avifaune !

Figure extraite de l’article de Bird Census News : comment les données d’Observations.be sont mises à profit pour estimer l’effectif nicheur d’une espèce  Natura 2000, la Pie-grièche écorcheur, dans un site ardennais. La localisation précise de…

Figure extraite de l’article de Bird Census News : comment les données d’Observations.be sont mises à profit pour estimer l’effectif nicheur d’une espèce  Natura 2000, la Pie-grièche écorcheur, dans un site ardennais. La localisation précise de vos observations sur Observations.be est fondamentale !

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Les données des ornithologues amateurs sont donc rassemblées, synthétisées et complétées depuis 2006 par des inventaires spécifiques menés par une équipe d’ornithologues professionnels chez Aves, en collaboration avec le Département de l’Étude du Milieu Naturel et Agricole (DEMNA) de la Région wallonne. Un article publié dans le dernier numéro du Bulletin  fait la synthèse de ces travaux et nous permet aujourd’hui de faire le point sur l’évolution du statut des espèces pour lesquelles on s’est donné tant de mal à créer le réseau Natura 2000.

Photo : Vincent Leirens (à gauche) et Alain De Broyer, deux des ornithologues de l’équipe d’Aves, cherchant à localiser un nid de Milan royal en bordure d’un site Natura 2000 de la Province de Namur (photo : Rudi Dujardin).

Photo : Vincent Leirens (à gauche) et Alain De Broyer, deux des ornithologues de l’équipe d’Aves, cherchant à localiser un nid de Milan royal en bordure d’un site Natura 2000 de la Province de Namur (photo : Rudi Dujardin).

En bref, quels sont ces résultats ? Il y a bien sûr des situations qui ne s’arrangent guère : pensons à la Gélinotte, au bord de l’extinction, comme l’indique un autre article du Bulletin. Mais, globalement, les résultats pourraient se résumer comme ceci : sur 45 espèces Natura 2000 nicheuses dans les sites Natura 2000 wallons, 19 (42 %) s’y portent mieux, contre seulement 7 (16 %) qui ont évolué à la baisse.

C’est une bonne nouvelle, même si peu d’éléments nous permettent de l’associer aux mesures actives prises dans le réseau lui-même. En effet, ce qu’on observe en Wallonie est sans doute lié à la santé générale en Europe des populations d’espèces visées par Natura 2000. Une étude récente  montre en effet que les oiseaux ayant la bonne fortune de figurer sur la liste des espèces Natura 2000 (= annexe I de la directive oiseaux) présentent en moyenne des tendances de populations plus positives que celles qui n’y figurent pas. Et cela est d’autant plus vrai dans les états membres de l’Union Européenne de longue date, comme le sont les pays voisins du nôtre. Dès 2007, une équipe de la RSPB montrait l’existence d’une relation entre la proportion d’un pays couvert par Natura 2000 et la tendance plus positive des populations d’espèces dans ce pays. Pour chaque pourcent de surface supplémentaire protégé par Natura 2000, les chances de voir une population mieux se porter augmentent de 4 % pour une espèce non-Natura et jusque +7 % pour une espèce Natura (rappelons à ce propos que la Wallonie, avec ses 13 % de surface protégée par Natura 2000, se trouve en-dessous la moyenne européenne, qui s’élève à 18 %). Les mécanismes sous-jacents sont cependant encore mal compris.

Pour la Wallonie, notre synthèse met aussi en évidence des effets plus "régionaux". Les efforts importants fournis pour restaurer les fagnes, tourbières et landes de Haute Ardenne (dans le cadre de plusieurs projets LIFE  organisés en un "méta-projet") commencent à être récompensés par de bonnes surprises ornithologiques. Citons ici l’installation d’une population reproductrice de Sarcelle d’hiver dans les petites zones humides restaurées des plus hauts plateaux du pays. Les résultats sont parfois plus mitigés pour d’autres opérations de restauration ; ainsi, malgré un projet dédié au début des années 2000, les spécialistes des roselières (butor et autres blongios) ne sont pas en meilleure forme aujourd’hui.

Pie-grièche écorcheur mâle (Photo : René Dumoulin)

Pie-grièche écorcheur mâle (Photo : René Dumoulin)

Que retenir globalement de tout cela ?

  • Les espèces Natura 2000 vont globalement mieux, mais pas particulièrement mieux dans les sites Natura 2000 wallons qu’ailleurs. Certaines espèces conservent un statut précaire, voire en détérioration (l’Engoulevent d’Europe par exemple).
  • La restauration à grande échelle de milieux patrimoniaux commence à porter ses fruits et permet d’améliorer le statut des plusieurs espèces visées, y compris celui d’oiseaux en déclin global. Il est donc vraiment important de renforcer les programmes ambitieux de restauration des habitats d’espèces.
  • Pour mettre tout cela en évidence, le travail des ornithologues de terrain, avec une complémentarité évidente entre les professionnels et les volontaires, est fondamental. Continuons donc à observer, à participer aux enquêtes de terrain et à encoder nos observations de la manière la plus précise possible…

“[…] Simple yet robust population monitoring can play a significant role in assessing the success of supra-governmental conservation policies, […]. Much biodiversity monitoring is undertaken by volunteers, making it inexpensive relative to the costs of developing and implementing international policy.”   (Donald et al. (2007) Science, 317:810-813).