Compter les oiseaux… ça compte !

« L’ornithologie collaborative » est un concept énoncé en 2007 par le britannique Jérémy Greenwood dans une synthèse passionnante à lire.

« L’ornithologie collaborative » est un concept énoncé en 2007 par le britannique Jérémy Greenwood dans une synthèse passionnante à lire.

Ce début avril 2019, plus de 200 spécialistes européens de « l’ornithologie collaborative » se sont retrouvés pendant une semaine à Évora, au cœur de la magnifique région portugaise de l’Alentejo. Avec l’arrivée imminente d’un nouvel atlas européen des oiseaux nicheurs et la révélation de ses premières cartes, l’ouverture de la version « live » d’EuroBirdPortal, les sujets de satisfaction ne manquaient pas pour l’assemblée, au cours de cette 21e conférence internationale de l’European Bird Census Council.

« Compter les oiseaux, ça compte ! » : tel était le slogan du colloque. Tout au long de la semaine, nous avons pu appréhender combien le fait d’inventorier les oiseaux dans la nature permet d’améliorer la connaissance, mais aussi de peser sur les politiques de conservation de la nature, comme nous l’a rappelé Frank Vassen (DG Environnement de la Commission Européenne). Et, pour l’essentiel, ce suivi est mené par les ornithologues amateurs, de l’Algarve à l’Oural, des falaises islandaises aux plages chypriotes.

Ruud Foppen, le président de l’EBCC depuis 2010, a passé la relève cette semaine et électrisé l’assemblée avec son exposé de conclusion. Il estime à plus de 70.000 les ornithologues amateurs et à plus d’un million les observateurs occasionnels en Europe.

La semaine a aussi été l’occasion de réaliser combien les observations et les suivis menés par les observateurs en Wallonie et à Bruxelles ont une place en Europe. Pas moins de 15 communications (soit plus de 10 % de l’entièreté des études présentées !) utilisaient directement un ou plusieurs jeux de données gérées par Aves: points d’écoute, dénombrement hivernaux des oiseaux d’eau, échantillonnages d’une heure pour l’atlas européen...

Voici le tableau résumé des communications basées, en tout ou en partie, sur les données des ornithologues en Wallonie ou à Bruxelles (cliquer sur le tableau pour mieux pouvoir le lire):

Pour plus d’information:

Un tout grand bravo à tous les observateurs sur le terrain en Belgique, qui participent à nos programmes de suivis ou qui, tout simplement, encodent leurs données de terrain sur Observations.be !

Et un chaleureux remerciement aux organisateurs, l’Université d’Évora et en particulier son Laboratoire d’Ornithologie et l’équipe de volontaires, pour cette magnifique semaine au cœur de leur cité historique (qui vaut le détour si vous passez au Portugal !).

La magnifique université d’Évora, décor prestigieux de la conférence

La magnifique université d’Évora, décor prestigieux de la conférence

Antoine Derouaux, Jean-Yves Paquet et Anne Weiserbs, nos représentants à Évora, parmi une dizaine de compatriotes !

Antoine Derouaux, Jean-Yves Paquet et Anne Weiserbs, nos représentants à Évora, parmi une dizaine de compatriotes !

Le Milan royal en Wallonie : hiver 2018-2019

Depuis treize ans, le réseau européen "Milan royal" recense les nicheurs mais aussi les hivernants. Le recensement hivernal international est organisé en janvier à l’initiative de la LPO Mission Rapaces. L’enquête à laquelle collaborent une quinzaine de pays est centrée sur la recherche et le dénombrement coordonné des dortoirs communautaires que forme ce rapace. Cet hiver, le weekend des 5-6 janvier 2019 a concentré les efforts.

En Belgique, l’ensemble des contacts au cours de la semaine incluant le weekend de comptage est pris en compte en raison de la très faible présence hivernale. Le pays se situe en fait sur la frange nord-ouest de la répartition hivernale. Les suivis des derniers hivers y ont montré que ce rapace est alors rare en Haute-Belgique et très rare, voire absent, plus au nord. Aucun dortoir de quelque importance n’a d’ailleurs été noté depuis des années. Ce fut encore le cas cet hiver.

Milan royal 20111115@Jules Fouarge.jpg

Cet hiver en Belgique

Au cours d’un automne assez doux, la migration postnuptiale s’est à nouveau prolongée en novembre - décembre (Fig. 1 et 2). L’espèce est devenue rare après la mi-décembre et aucun séjour manifeste n’a été identifié.

Figure 1 : Carte des observations de décembre 2018 (rouge) et janvier 2019 (bleu) en Wallonie.

Figure 1 : Carte des observations de décembre 2018 (rouge) et janvier 2019 (bleu) en Wallonie.

Comme en janvier 2018, à peine six observations d’isolés ont été collectées durant la première décade de janvier. Toutes proviennent de Haute-Belgique entre le 3 et le 9 janvier : Hollange et Bovigny le 3, Sovet le 4, Grandmenil le 8, Witry et Stavelot le 9. A l’instar de la plupart des milans vus en novembre - décembre, plusieurs de ces oiseaux étaient en déplacement apparent, peut-être poussés vers le sud par le renforcement des conditions hivernales. Du 10 au 18 janvier, aucune observation n’a été faite en Belgique. Depuis lors, à nouveau quelques isolés en déplacement ou en chasse en Wallonie (le 19 à Stambruges, le 22 à Limbourg, le 26 à Miécret, le 31 à Montignies-sur Sambre et le 4 février à Couthuin) et 4 observations ponctuelles en Flandre. Les premiers migrateurs manifeste sont notés à partir du 9 février.

Figure 2 : Evolution hebdomadaire de novembre 2018 à janvier 2019 (nombre d’observations (gris clair) et nombre d’exemplaires).

Et dans les régions voisines ?

Très peu de milans hivernent aux alentours immédiats de la Wallonie, comme les années précédentes. Seulement 2 ex. observés début janvier 2019 au Grand-duché de Luxembourg (www.ornitho/lu et P. Lorgé). Peu de mentions en Sarre, dans les lander de Rhénanie-Westphalie et Rhénanie-Palatinat (www.ornitho.de).

En France, aucun milan n’a été noté dans les Hauts de France et ils furent très rares dans d’autres Départements français proches de la Wallonie : 1 ex. dans le Département des Ardennes (1 ex. à la décharge d’Eteignières le 3 janvier – obs. V. Leirens) et 2 ex. dans celui de la Meuse. L’aire d’hivernage s’étend en fait essentiellement dans une large bande qui s’étend à l’est d’une ligne allant du Département des Ardennes à celui des Basses Pyrénées, comme le montre la carte ci-contre.

Figure 3 : Localisation des concentrations et dortoirs de Milans royaux en janvier 2018 en France (source LPO, mission rapaces – htttp://rapaces.lpo.fr/milan-royal)

Figure 3 : Localisation des concentrations et dortoirs de Milans royaux en janvier 2018 en France (source LPO, mission rapaces – htttp://rapaces.lpo.fr/milan-royal)

Près de la Wallonie, un petit hivernage se maintient dans une partie de la Région du Grand Est comme le montre la carte ci-dessous (G. Leblanc et al., 2019 – rapport LPO & LOANA). Le total de 169 Milans royaux en janvier 2019 est bien supérieur aux 87 en janvier 2017 et 82 en 2018. La relative douceur qui a persisté en fin d’année peut avoir joué. Dans le Grand Est, les milans trouvent en fait encore se nourrir sur des CET avec versage de fractions alimentaires et sur des placettes d’alimentation. Dans leur rapport, G. Leblanc et al. pointent le fait que des dortoirs se situent au sein des noyaux de couples nicheurs en Alsace - Lorraine. Il reste selon eux « à savoir si la présence de ces oiseaux hivernant est liée à un phénomène de sédentarité d’oiseaux reproducteurs ».

Figure 4 : Répartition départementale des Milans royaux observés en janvier 2019 dans le Grand Est (Leblanc et al., 2019).

Figure 4 : Répartition départementale des Milans royaux observés en janvier 2019 dans le Grand Est (Leblanc et al., 2019).

La migration prénuptiale s’amorce déjà

Un premier milan adulte, suivi depuis 2014, a entamé sa migration de retour dès le 30 janvier, avec deux semaines d’avance sur les années précédentes. Le mâle Saint-Vith (Niederemmels) a quitté ses quartiers d'hiver espagnols. Durant les cinq derniers hivers, il a séjourné dans le sud de la Castille et Léon, dans le Parc Naturel de Las Batuecas (Sierra de Francia) où il a utilisé deux dortoirs principaux dans les environs de La Alberca. Depuis son départ, il progresse assez vite. Il était déjà le 31 janvier au soir au sud-ouest de la ville de Burgos, à environ 275 km de La Alberca, et le 6 février au nord d’Agen. Les autres milans sont toujours sur leur aire d'hivernage. Pour des nouvelles voir la page du suivi des milans par balise Argos.

Référence citée : G. Leblanc, S. Didier & A. Mionnet (2019) : Synthèse du comptage simultané en période hivernale des Milans royaux dans la Région Grand-Est (05 et 06 Janvier 2019). Rapport LPO & LOANA, 4 pages.

Le suivi de l’avifaune hivernante ... ou la nécessité d’encoder des listes complètes

Au printemps l’avifaune nidificatrice fait l’objet de programmes bien connus de monitorings permanents (p. ex. Suivi des Oiseaux Communs par points d’écoute) ou d’inventaires ponctuels et récurrents (p. ex. Atlas des Oiseaux nicheurs) auxquels participent de plus en plus de volontaires motivés, qu’ils en soient remerciés.

Mais qu’en est-il de l’avifaune hivernante chez nous ?

Pinson du Nord N20389@Jules Fouarge.jpg

Hormis les oiseaux d’eau qui font l’objet d’un Dénombrement Hivernal régulier (DHOE), l’avifaune hivernante n’est pas suivie de façon systématique et structurée. Chaque hiver les ornithologues se posent des questions pertinentes sur l’absence locale de telle espèce aux mangeoires, sur la présence anormalement abondante de telle autre ou sur les mouvements hivernaux de passereaux grégaires comme les turdidés, les fringilles.... Et force est de constater que nous manquons de données exploitables, notamment celles liées à l’effort de prospection au niveau local. Il est par conséquent difficile de dégager des tendances d’évolution de l’avifaune hivernante et encore plus difficile de proposer des explications.

Ça va changer !

Avec la croissance continue du nombre d’observateurs et la mise à disposition de nouveaux outils d’encodage performants (site web et applications pour Smartphone) il devient tout à fait possible de passer à la vitesse supérieure et d’en savoir plus sur les tendances de l’avifaune hivernante. Enfin !

Comment faire ? Les listes complètes !

La façon de procéder est très simple : pour obtenir des résultats comparables d’année en année et statistiquement exploitables, il faut remplir des Listes Complètes d’observations. Ces listes complètes sont un des plus puissants outils que les observateurs volontaires peuvent utiliser dans le domaine des sciences participatives. Cette pratique est déjà dominante dans les pays anglo-saxons et particulièrement aux USA. Au lieu d’encoder uniquement les 3 ou 4 espèces intéressantes (à vos yeux) que vous avez observées lors de votre sortie, vous complétez rapidement la liste de toutes les espèces que vous avez croisées. Cette liste donne une indication indirecte (mais néanmoins précise!) de l’effort de détection que vous avez exercé sur le terrain. Si votre liste est longue mais qu’une espèce X n’en fait pas partie, cela permet d’en déduire une “absence probable” de l’espèce X sur votre lieu d’observation, malgré une observation attentive. Les listes permettent aussi de tenir compte des biais dus aux différences géographiques ou temporelles dans l’intensité des prospections ornithologiques. Ceci est d’autant plus vrai qu’une liste sur Observations.be doit toujours comprendre une heure de début et une heure de fin !

L’objectif du Département Études de Natagora est de mettre en place un suivi des populations d’oiseaux en hiver, en se basant sur ces listes, à partir de l’hiver 2019-2020. Les détails du protocole de recensement sont en cours de préparation mais faire des listes complètes est d’ors-et-déjà précieux !

En pratique :

Ces listes complètes peuvent très facilement être réalisées avec la fonction ‘parcours/point ‘de l’application ObsMapp de votre smartphone (s’il tourne sous Androïd), ces listes sont ensuite chargées sur le portail d’encodage Observations.be.

route_ObsMapp.png

Une autre manière de compléter sa liste est de l’encoder directement sur Observations.be lorsque vous êtes rentrés chez vous. ‘Ajouter’ / ‘Liste d’observations’.

liste_obsbe.png

Les résultats collectés permettent de tirer foule d’analyses différentes, l’arrivée et le départ d’hivernants chez nous. Sont-ils plus fréquents ou non cette année?

Phénologie du Pinson du Nord (Fringilla montifringilla) au Royaume Uni. La courbe rouge représente le pourcentage de listes complètes mentionnant l’espèce pour l’ensemble des années. La courbe bleue donne les résultats de 2019 (Graphe issu de BirdTr…

Phénologie du Pinson du Nord (Fringilla montifringilla) au Royaume Uni. La courbe rouge représente le pourcentage de listes complètes mentionnant l’espèce pour l’ensemble des années. La courbe bleue donne les résultats de 2019 (Graphe issu de BirdTrack). Ce genre de graphe sera bientôt disponible pour la Wallonie et Bruxelles.

Intéressés ? Bientôt des formations pour vous !

Vous pouvez télécharger le manuel explicatif pour la création de listes complètes sur ce lien.

Nous allons bientôt proposer des formations aux observateurs, notamment sur l’encodage de listes complètes. Les différents types de listes seront présentés. La manipulation de ObsMapp sur smartphone, l’encodage sur le web, la manière d’exploiter vos données personnelles... le programme est en cours d’élaboration.

Et en attendant le suivi systématique de l’hiver prochain... ?

Pourquoi ne pas déjà s’exercer à faire des listes complètes, avec votre smartphone ou en ligne sur le portail observations.be, pour les endroits que vous prospectez habituellement ? Vos listes de l’hiver en cours nous seront très utiles et permettront de dégager des premiers enseignements sur l’avifaune hivernante wallonne. N’attendez pas !