ObsMapp

Du bon usage de ObsIdentify

Avertissement : cet article dépasse le cadre strict du monde des oiseaux et s’adresse à tous les naturalistes

Depuis près de trois ans, une application appelée « ObsIdentify » permet l’identification automatique d’espèces sur base de photos. Elle est couplée à notre plateforme Observations.be et à n’importe quelle plateforme de la famille Observation.org. Sur le nouveau portail, ObsIdentify fonctionne automatiquement lorsque vous chargez une photo pour encoder votre observation, il peut aussi être mis en action via les applications ObsMapp (Android) ou iObs (fonctionnant sur iPhone) et enfin, il existe aussi sous forme d’une application mobile pour Android.

Identification directe d’une Fauvette babillarde Sylvia curruca sur base d’une photo à peine recadrée (photo de l’auteur)

Identification directe d’une Fauvette babillarde Sylvia curruca sur base d’une photo à peine recadrée (photo de l’auteur)

Ce printemps 2020, avec le confinement, l’utilisation d’ObsIdentify a explosé car de nombreuses personnes se sont intéressées à la faune et à la flore dans leurs environs immédiats. Des campagnes récentes comme « Naturaliste chez moi » ou le #HOMEsafari ont encouragé un public très large à tenter d’identifier les espèces présentes dans leur jardin. De nombreuses personnes sont époustouflées des capacités de l’algorithme, d’autres sont plus sceptiques et craignent une dévalorisation des observations. Ce post tente donc de faire le point sur ce nouvel outil de la panoplie naturaliste et donne quelques pistes d’une utilisation « idéale » …

Comment ça marche ?

ObsIdentify a été créé par Laurens Hogeweg, un néerlandais passionné qui s’est rapidement associé à notre plateforme favorite d’observations naturalistes. Avec le soutien de Naturalis, l’Institut National de Recherche sur la Biodiversité aux Pays-Bas, le produit sort en 2017 d’abord pour quelques groupes d’insectes et maintenant pour la plupart des groupes taxonomiques présents sur le portail, y compris les oiseaux. ObsIdentify est un algorithme d’intelligence artificielle utilisant « l’apprentissage profond » (ou « deep learning ») pour la reconnaissance d’image.

Cela vaut vraiment la peine de s’arrêter un moment pour comprendre cette technologie qui révolutionne non seulement notre pratique de naturaliste mais… notre vie quotidienne. Prenez le temps de visionner cette excellente séquence de vulgarisation de David Louapre:

ObsIdentify est entrainé à partir des photos d’espèces dont la détermination a été validée par les experts sur notre plateforme et sur waarneming.nl. Cela signifie donc qu’il ne « connait » que les espèces présentes dans le Benelux et que les groupes taxonomiques pour lesquelles il existe environ 10 à 30 bonnes photos validées par espèces. Ce que la vidéo de David Louapre vous permettra de bien comprendre, c’est que l’algorithme ne va pas nécessairement chercher les critères de détermination habituels, mais qu’il se base simplement sur les particularités qu’il a pu détecter dans l’ensemble des photos et l’association qu’il est capable d’élaborer entre ces images et le nom du taxon, et que nous ne connaissons pas nécessairement. Ce fonctionnement en « boite noire » peut paraître déroutant mais… force est de constater que ça marche plutôt bien ! Cela peut cependant conduire à certaines erreurs et, bien sûr, certaines espèces ne peuvent jamais être identifiées avec certitude sur base de la seule photographie. Il convient donc d’utiliser cette technologie avec précaution. En particulier, comme les photos pré-identifiées par ObsIdentify que vous postez sont examinées ensuite par l’équipe de validateurs qui assure la qualité d’Observations.be et qui a déjà énormément de travail, il est important de ne pas leur compliquer la tâche et de suivre quelques petits conseils. N’hésitez pas à ajouter d’autres idées en commentaires.

Quelques bonnes pratiques avec ObsIdentify

  1. N’ajoutez que des images de qualité suffisante, avec de préférence un seul individu en plein cadre, et pas trop floues. Souvent, une image prise avec le téléphone (en digiscopie par exemple) peut suffire, n’hésitez pas à recentrer (« croper »). N’oubliez pas que les photos sur lesquelles l’algorithme se base, même si elles ne sont pas toutes d’une grande qualité artistique, sont néanmoins suffisamment bonnes que pour avoir été publiées et validées sur Observations.be. N’attendez donc pas de miracle si vous postez une photo où l’oiseau apparaît comme un petit point brun flou au centre de l’image, et comptez alors plutôt sur vos propres capacités de détermination et ce que vous avez observé sur le terrain ! Certains utilisateurs s’amusent aussi à lui faire identifier des photos qui n’ont rien à voir avec ce qu’on publie habituellement sur Observations.be : un selfie, un ours en peluche, une paire de lunettes… C’est peut-être amusant d’essayer mais, s’il vous plait, ne publiez pas ensuite ces « identifications » sur la plateforme, cela ne fait qu’ajouter du travail inutile aux validateurs.

  2. Soyez attentif à « l’indice de certitude » donné par le système à chaque tentative d’identification (exprimé en pourcentage). C’est un bon indicateur, en tout cas vers le bas : méfiez-vous absolument des indices inférieurs à 50 % et même en dessous de 80 %. Dans ce cas, essayez éventuellement avec une autre photo et un autre cadrage. N’oubliez pas que, sauf exception, ObsIdentify va vous proposer un nom coûte que coûte mais si l’indice de certitude est faible, n’en tenez compte que pour chercher vous-même dans des références classiques (clés, livres d’identification, collections de photos…), en partant de la famille ou du genre donné par l’algorithme. Un indice supérieur à 90 % (il peut même être de 100 % dans certains cas) correspond dans la plupart des cas à une identification correcte mais des erreurs flagrantes ont déjà été détectées (voir exemple ci-dessous). L’application vous donne aussi parfois d’autres indications utiles comme « espèce uniquement identifiable sur base d’une dissection ».

  3. Utilisez votre sens critique ! Allez voir les photos validées de l’espèce proposée sur Observations.be ou ailleurs, mais aussi les cartes de répartition, les statistiques de l’espèce pour voir si la date correspond à la période habituelle d’observation. Consultez vos guides de terrain. C’est en fait la grande force d’ObsIdentify : vous ouvrir la porte à un apprentissage, vous offrir le premier indice qu’il faut pour ensuite creuser par vous-même. Ne laissez pas les validateurs faire ensuite tout le boulot à votre place. Acceptez aussi que l’identification n’est parfois tout simplement pas possible.

ObsIdentify n’est en aucun cas un outil dévalorisant pour le naturaliste expérimenté. C’est un outil de première approche d’un monde qui, si on n’a pas la chance de pouvoir se balader en compagnie d’un expert, vous reste souvent inaccessible. Soyez curieux et bonnes découvertes !

Un exemple frappant : identification d’une nymphe de coccinelle.

Un étrange être vivant au fond du jardin…

Un étrange être vivant au fond du jardin…

En jardinant, je découvre dans l’herbe une drôle de forme très colorée dont l’aspect me fait penser à une nymphe d’insecte. ObsIdentify m’indique « Phalacrotophora sp. » avec plus de 90 % de certitude. Il s’agit d’une petite mouche semblable à la drosophile qui ne ressemble en rien à cette larve, d’ailleurs beaucoup plus grande. Un expert (humain, cette fois !) me confirme que mon étrange découverte est en réalité une nymphe de Coccinelle à 7 points Coccinella septempunctata. Comment ObsIdentify a-t-il pu se tromper aussi lourdement tout en étant aussi sûr de son coup ? En creusant un peu, j’apprends que les Phalacrotophora sont des mouches parasitoïdes des nymphes de coccinelles, c’est-à-dire qu’elles pondent dans les nymphes de ces coléoptères. Et plusieurs photos validées de Phalacrotophora montrent des femelles de la mouche en train de pondre dans une nymphe. ObsIdentify s’est donc fourvoyé au cours de son apprentissage entre le parasité et le parasite, mais cela ne fait que confirmer son incroyable capacité de discrimination… et le fait qu’on peut apprendre énormément de chose en l’utilisant de manière critique et attentive !


Merci aux validateurs d’Observations.be, au groupe Facebook “Naturalistes de Natagora”, à Jean-Yves Baugnée et à Véronique Bouquelle pour les échanges à la base de ce post

Le suivi de l’avifaune hivernante ... ou la nécessité d’encoder des listes complètes

Au printemps l’avifaune nidificatrice fait l’objet de programmes bien connus de monitorings permanents (p. ex. Suivi des Oiseaux Communs par points d’écoute) ou d’inventaires ponctuels et récurrents (p. ex. Atlas des Oiseaux nicheurs) auxquels participent de plus en plus de volontaires motivés, qu’ils en soient remerciés.

Mais qu’en est-il de l’avifaune hivernante chez nous ?

Pinson du Nord N20389@Jules Fouarge.jpg

Hormis les oiseaux d’eau qui font l’objet d’un Dénombrement Hivernal régulier (DHOE), l’avifaune hivernante n’est pas suivie de façon systématique et structurée. Chaque hiver les ornithologues se posent des questions pertinentes sur l’absence locale de telle espèce aux mangeoires, sur la présence anormalement abondante de telle autre ou sur les mouvements hivernaux de passereaux grégaires comme les turdidés, les fringilles.... Et force est de constater que nous manquons de données exploitables, notamment celles liées à l’effort de prospection au niveau local. Il est par conséquent difficile de dégager des tendances d’évolution de l’avifaune hivernante et encore plus difficile de proposer des explications.

Ça va changer !

Avec la croissance continue du nombre d’observateurs et la mise à disposition de nouveaux outils d’encodage performants (site web et applications pour Smartphone) il devient tout à fait possible de passer à la vitesse supérieure et d’en savoir plus sur les tendances de l’avifaune hivernante. Enfin !

Comment faire ? Les listes complètes !

La façon de procéder est très simple : pour obtenir des résultats comparables d’année en année et statistiquement exploitables, il faut remplir des Listes Complètes d’observations. Ces listes complètes sont un des plus puissants outils que les observateurs volontaires peuvent utiliser dans le domaine des sciences participatives. Cette pratique est déjà dominante dans les pays anglo-saxons et particulièrement aux USA. Au lieu d’encoder uniquement les 3 ou 4 espèces intéressantes (à vos yeux) que vous avez observées lors de votre sortie, vous complétez rapidement la liste de toutes les espèces que vous avez croisées. Cette liste donne une indication indirecte (mais néanmoins précise!) de l’effort de détection que vous avez exercé sur le terrain. Si votre liste est longue mais qu’une espèce X n’en fait pas partie, cela permet d’en déduire une “absence probable” de l’espèce X sur votre lieu d’observation, malgré une observation attentive. Les listes permettent aussi de tenir compte des biais dus aux différences géographiques ou temporelles dans l’intensité des prospections ornithologiques. Ceci est d’autant plus vrai qu’une liste sur Observations.be doit toujours comprendre une heure de début et une heure de fin !

L’objectif du Département Études de Natagora est de mettre en place un suivi des populations d’oiseaux en hiver, en se basant sur ces listes, à partir de l’hiver 2019-2020. Les détails du protocole de recensement sont en cours de préparation mais faire des listes complètes est d’ors-et-déjà précieux !

En pratique :

Ces listes complètes peuvent très facilement être réalisées avec la fonction ‘parcours/point ‘de l’application ObsMapp de votre smartphone (s’il tourne sous Androïd), ces listes sont ensuite chargées sur le portail d’encodage Observations.be.

route_ObsMapp.png

Une autre manière de compléter sa liste est de l’encoder directement sur Observations.be lorsque vous êtes rentrés chez vous. ‘Ajouter’ / ‘Liste d’observations’.

liste_obsbe.png

Les résultats collectés permettent de tirer foule d’analyses différentes, l’arrivée et le départ d’hivernants chez nous. Sont-ils plus fréquents ou non cette année?

Phénologie du Pinson du Nord (Fringilla montifringilla) au Royaume Uni. La courbe rouge représente le pourcentage de listes complètes mentionnant l’espèce pour l’ensemble des années. La courbe bleue donne les résultats de 2019 (Graphe issu de BirdTr…

Phénologie du Pinson du Nord (Fringilla montifringilla) au Royaume Uni. La courbe rouge représente le pourcentage de listes complètes mentionnant l’espèce pour l’ensemble des années. La courbe bleue donne les résultats de 2019 (Graphe issu de BirdTrack). Ce genre de graphe sera bientôt disponible pour la Wallonie et Bruxelles.

Intéressés ? Bientôt des formations pour vous !

Vous pouvez télécharger le manuel explicatif pour la création de listes complètes sur ce lien.

Nous allons bientôt proposer des formations aux observateurs, notamment sur l’encodage de listes complètes. Les différents types de listes seront présentés. La manipulation de ObsMapp sur smartphone, l’encodage sur le web, la manière d’exploiter vos données personnelles... le programme est en cours d’élaboration.

Et en attendant le suivi systématique de l’hiver prochain... ?

Pourquoi ne pas déjà s’exercer à faire des listes complètes, avec votre smartphone ou en ligne sur le portail observations.be, pour les endroits que vous prospectez habituellement ? Vos listes de l’hiver en cours nous seront très utiles et permettront de dégager des premiers enseignements sur l’avifaune hivernante wallonne. N’attendez pas !