Les Oiseaux du Grand-Duché de Luxembourg (Patric Lorgé et Ed. Melchior, 2018)

L’avifaune du Grand-Duché de Luxembourg (2.586 km², soit 58% de notre province de Luxembourg) est relativement méconnue en Belgique. Ce livre cartonné de 276 pages (format 16,5 x 23,5 cm) tombe donc à point. Destiné à un large public, il apporte une information générale sur l’ensemble des espèces observées dans le pays, visiteurs accidentels et allochtones inclus.

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La structure du livre est un peu particulière dans le sens où les nicheurs, les hivernants et les migrateurs réguliers sont présentés par des textes assez généraux en suivant une ventilation entre neuf grands types d’habitats (eaux, forêts, prés humides, milieux agricoles, friches et milieux anthropiques, cités, vergers, parcs et bosquets, haies). Ce choix est sans doute de nature à simplifier l’usage du livre pour des novices mais de nature à perturber quelque peu l’ornithologue habitué aux listes systématiques.

Pour chaque espèce, l’effectif nicheur, voire hivernal, est indiqué d’après les résultats des programmes d’inventaire et de suivi des espèces ou aussi d’estimations issues de l’analyse de la banque de données de la Centrale ornithologique luxembourgeoise. Par exemple, le pays compte 90-100 couples de Grèbes castagneux, 60-70 de Hérons cendré, 5-7 de Fuligules morillons, une soixantaine de couples de Milans royaux et autant de Milans noirs, 30-40 couples de Pics cendrés, 50-100 de Torcols… mais aussi à peine encore 30-50 couples de Perdrix grises. L’abondance estimée de certaines espèces peut surprendre par comparaison avec la Wallonie : par exemple, il y aurait encore au moins un millier de couples de Serins cini. Parmi les nicheurs récents : le Grand-duc depuis 1982 (15-20 couples actuellement) ou encore la Cigogne blanche depuis 2013.

Des chapitres séparés sont consacrés d’une part aux visiteurs réguliers et migrateurs et, d’autre part, aux espèces exceptionnelles et irrégulières. Pour celles-ci, le statut est précisé et les données sont énumérées en détail.

Cette « avifaune » est complétée par une check-list complète des espèces et la liste rouge des oiseaux nicheurs. Cette dernière est forte de 68 espèces. Parmi celles-ci 13 ont déjà disparu (Tétras lyre, Bécassine des marais, Engoulevent, Huppe fasciée, Pies-grièches à tête rousse et poitrine rose, Cochevis huppé, Gorgebleue, Tarier des prés, Hypolaïs ictérine, Pipit rousseline, Bruants zizi et proyer par exemple), 7 sont en danger critique (Perdrix grise, Râle des genêts, Vanneau huppé, Pie-grièche grise, Traquet motteux, Phragmite des joncs et Pipit farlouse) et 9 sont en danger (Caille, Gélinotte, Petit Gravelot, Chevêche, Tourterelle des bois, Coucou gris, Hirondelle de rivage, Alouette lulu et Bergeronnette printanière). Des oiseaux très rares et forcément menacés comme le Blongios nain (5-7 couples) et la Rousserolle turdoïde (5-8) sont rangés dans une classe un peu particulière d’espèces « à répartition restreinte ».


Comment obtenir le livre ?

Au Grand-duché, disponible au Shop nature de la Maison de la nature à Kockelscheuer et au Biodiversum à Remerschen. Commandes : verser 28 € (inclus 3 € de frais d’envoi) sur le compte CCPL LU50 1111 0511 3112 0000 de Natur&ëmwelt en mentionnant l’adresse postale d’envoi.


Compter les oiseaux… ça compte !

« L’ornithologie collaborative » est un concept énoncé en 2007 par le britannique Jérémy Greenwood dans une synthèse passionnante à lire.

« L’ornithologie collaborative » est un concept énoncé en 2007 par le britannique Jérémy Greenwood dans une synthèse passionnante à lire.

Ce début avril 2019, plus de 200 spécialistes européens de « l’ornithologie collaborative » se sont retrouvés pendant une semaine à Évora, au cœur de la magnifique région portugaise de l’Alentejo. Avec l’arrivée imminente d’un nouvel atlas européen des oiseaux nicheurs et la révélation de ses premières cartes, l’ouverture de la version « live » d’EuroBirdPortal, les sujets de satisfaction ne manquaient pas pour l’assemblée, au cours de cette 21e conférence internationale de l’European Bird Census Council.

« Compter les oiseaux, ça compte ! » : tel était le slogan du colloque. Tout au long de la semaine, nous avons pu appréhender combien le fait d’inventorier les oiseaux dans la nature permet d’améliorer la connaissance, mais aussi de peser sur les politiques de conservation de la nature, comme nous l’a rappelé Frank Vassen (DG Environnement de la Commission Européenne). Et, pour l’essentiel, ce suivi est mené par les ornithologues amateurs, de l’Algarve à l’Oural, des falaises islandaises aux plages chypriotes.

Ruud Foppen, le président de l’EBCC depuis 2010, a passé la relève cette semaine et électrisé l’assemblée avec son exposé de conclusion. Il estime à plus de 70.000 les ornithologues amateurs et à plus d’un million les observateurs occasionnels en Europe.

La semaine a aussi été l’occasion de réaliser combien les observations et les suivis menés par les observateurs en Wallonie et à Bruxelles ont une place en Europe. Pas moins de 15 communications (soit plus de 10 % de l’entièreté des études présentées !) utilisaient directement un ou plusieurs jeux de données gérées par Aves: points d’écoute, dénombrement hivernaux des oiseaux d’eau, échantillonnages d’une heure pour l’atlas européen...

Voici le tableau résumé des communications basées, en tout ou en partie, sur les données des ornithologues en Wallonie ou à Bruxelles (cliquer sur le tableau pour mieux pouvoir le lire):

Pour plus d’information:

Un tout grand bravo à tous les observateurs sur le terrain en Belgique, qui participent à nos programmes de suivis ou qui, tout simplement, encodent leurs données de terrain sur Observations.be !

Et un chaleureux remerciement aux organisateurs, l’Université d’Évora et en particulier son Laboratoire d’Ornithologie et l’équipe de volontaires, pour cette magnifique semaine au cœur de leur cité historique (qui vaut le détour si vous passez au Portugal !).

La magnifique université d’Évora, décor prestigieux de la conférence

La magnifique université d’Évora, décor prestigieux de la conférence

Antoine Derouaux, Jean-Yves Paquet et Anne Weiserbs, nos représentants à Évora, parmi une dizaine de compatriotes !

Antoine Derouaux, Jean-Yves Paquet et Anne Weiserbs, nos représentants à Évora, parmi une dizaine de compatriotes !

Le Milan royal en Wallonie : hiver 2018-2019

Depuis treize ans, le réseau européen "Milan royal" recense les nicheurs mais aussi les hivernants. Le recensement hivernal international est organisé en janvier à l’initiative de la LPO Mission Rapaces. L’enquête à laquelle collaborent une quinzaine de pays est centrée sur la recherche et le dénombrement coordonné des dortoirs communautaires que forme ce rapace. Cet hiver, le weekend des 5-6 janvier 2019 a concentré les efforts.

En Belgique, l’ensemble des contacts au cours de la semaine incluant le weekend de comptage est pris en compte en raison de la très faible présence hivernale. Le pays se situe en fait sur la frange nord-ouest de la répartition hivernale. Les suivis des derniers hivers y ont montré que ce rapace est alors rare en Haute-Belgique et très rare, voire absent, plus au nord. Aucun dortoir de quelque importance n’a d’ailleurs été noté depuis des années. Ce fut encore le cas cet hiver.

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Cet hiver en Belgique

Au cours d’un automne assez doux, la migration postnuptiale s’est à nouveau prolongée en novembre - décembre (Fig. 1 et 2). L’espèce est devenue rare après la mi-décembre et aucun séjour manifeste n’a été identifié.

Figure 1 : Carte des observations de décembre 2018 (rouge) et janvier 2019 (bleu) en Wallonie.

Figure 1 : Carte des observations de décembre 2018 (rouge) et janvier 2019 (bleu) en Wallonie.

Comme en janvier 2018, à peine six observations d’isolés ont été collectées durant la première décade de janvier. Toutes proviennent de Haute-Belgique entre le 3 et le 9 janvier : Hollange et Bovigny le 3, Sovet le 4, Grandmenil le 8, Witry et Stavelot le 9. A l’instar de la plupart des milans vus en novembre - décembre, plusieurs de ces oiseaux étaient en déplacement apparent, peut-être poussés vers le sud par le renforcement des conditions hivernales. Du 10 au 18 janvier, aucune observation n’a été faite en Belgique. Depuis lors, à nouveau quelques isolés en déplacement ou en chasse en Wallonie (le 19 à Stambruges, le 22 à Limbourg, le 26 à Miécret, le 31 à Montignies-sur Sambre et le 4 février à Couthuin) et 4 observations ponctuelles en Flandre. Les premiers migrateurs manifeste sont notés à partir du 9 février.

Figure 2 : Evolution hebdomadaire de novembre 2018 à janvier 2019 (nombre d’observations (gris clair) et nombre d’exemplaires).

Et dans les régions voisines ?

Très peu de milans hivernent aux alentours immédiats de la Wallonie, comme les années précédentes. Seulement 2 ex. observés début janvier 2019 au Grand-duché de Luxembourg (www.ornitho/lu et P. Lorgé). Peu de mentions en Sarre, dans les lander de Rhénanie-Westphalie et Rhénanie-Palatinat (www.ornitho.de).

En France, aucun milan n’a été noté dans les Hauts de France et ils furent très rares dans d’autres Départements français proches de la Wallonie : 1 ex. dans le Département des Ardennes (1 ex. à la décharge d’Eteignières le 3 janvier – obs. V. Leirens) et 2 ex. dans celui de la Meuse. L’aire d’hivernage s’étend en fait essentiellement dans une large bande qui s’étend à l’est d’une ligne allant du Département des Ardennes à celui des Basses Pyrénées, comme le montre la carte ci-contre.

Figure 3 : Localisation des concentrations et dortoirs de Milans royaux en janvier 2018 en France (source LPO, mission rapaces – htttp://rapaces.lpo.fr/milan-royal)

Figure 3 : Localisation des concentrations et dortoirs de Milans royaux en janvier 2018 en France (source LPO, mission rapaces – htttp://rapaces.lpo.fr/milan-royal)

Près de la Wallonie, un petit hivernage se maintient dans une partie de la Région du Grand Est comme le montre la carte ci-dessous (G. Leblanc et al., 2019 – rapport LPO & LOANA). Le total de 169 Milans royaux en janvier 2019 est bien supérieur aux 87 en janvier 2017 et 82 en 2018. La relative douceur qui a persisté en fin d’année peut avoir joué. Dans le Grand Est, les milans trouvent en fait encore se nourrir sur des CET avec versage de fractions alimentaires et sur des placettes d’alimentation. Dans leur rapport, G. Leblanc et al. pointent le fait que des dortoirs se situent au sein des noyaux de couples nicheurs en Alsace - Lorraine. Il reste selon eux « à savoir si la présence de ces oiseaux hivernant est liée à un phénomène de sédentarité d’oiseaux reproducteurs ».

Figure 4 : Répartition départementale des Milans royaux observés en janvier 2019 dans le Grand Est (Leblanc et al., 2019).

Figure 4 : Répartition départementale des Milans royaux observés en janvier 2019 dans le Grand Est (Leblanc et al., 2019).

La migration prénuptiale s’amorce déjà

Un premier milan adulte, suivi depuis 2014, a entamé sa migration de retour dès le 30 janvier, avec deux semaines d’avance sur les années précédentes. Le mâle Saint-Vith (Niederemmels) a quitté ses quartiers d'hiver espagnols. Durant les cinq derniers hivers, il a séjourné dans le sud de la Castille et Léon, dans le Parc Naturel de Las Batuecas (Sierra de Francia) où il a utilisé deux dortoirs principaux dans les environs de La Alberca. Depuis son départ, il progresse assez vite. Il était déjà le 31 janvier au soir au sud-ouest de la ville de Burgos, à environ 275 km de La Alberca, et le 6 février au nord d’Agen. Les autres milans sont toujours sur leur aire d'hivernage. Pour des nouvelles voir la page du suivi des milans par balise Argos.

Référence citée : G. Leblanc, S. Didier & A. Mionnet (2019) : Synthèse du comptage simultané en période hivernale des Milans royaux dans la Région Grand-Est (05 et 06 Janvier 2019). Rapport LPO & LOANA, 4 pages.