Faut-il craindre le virus USUTU ?

Moins de merles en été ? C'est normal, ils muent.

L’été est LA période de l’année où l’on observe le moins de merles. En effet, les adultes sont en mue complète ; ils renouvellent l’entièreté de leur plumage. Ce processus provoque la perte simultanée de plusieurs paires (symétriques) de rémiges et de plusieurs rectrices ce qui limite drastiquement, pour quelques semaines, leurs capacités de vol. Ils restent donc cachés dans les buissons afin d’éviter les prédateurs et de trouver de la nourriture et sont en conséquence très peu visibles.

Photo : Rudi Dujardin

Photo : Rudi Dujardin

Qu'est-ce que le virus USUTU ?

Usutu est un arbovirus (= arthropod-born = qui se propage via les arthropodes, en l’occurrence les moustiques) ; il provoque des encéphalites potentiellement mortelles chez les oiseaux. Il est tout à fait exceptionnel chez les mammifères et n’est pas du tout considéré comme présentant une menace pour la santé humaine. Il est originaire d’Afrique australe (Usutu = nom d’un fleuve). La colonisation de l’Europe par le virus USUTU est une réalité depuis 2001.

Plusieurs espèces d’oiseaux nichant dans nos régions le « rencontrent » certainement en hivernage depuis la nuit des temps. Ces fauvettes, hirondelles et autres cigognes ont très probablement développé une immunité qui limite la mortalité aux individus les plus faibles (immunodéprimés par exemple) dans un classique équilibre maladie-hôte. 

Il y a une petite vingtaine d’années donc, la maladie a été détectée pour la première fois chez des oiseaux sauvages en Europe et singulièrement en Autriche. Il semble que les Merles noirs ont été les plus touchés, mais rien n’indique que ce ne soit pas la conséquence d’un biais lié au fait que les merles vivent particulièrement proches des hommes et que la possibilité de trouver des individus malades ou morts est donc bien supérieure à celle d’autres espèces. Jusqu’à présent, une petite centaine d’espèces différentes d’oiseaux ont été diagnostiquées Usutu positif en Europe. Y compris de nombreux individus élevés en captivité. Ici aussi, il y a probablement un biais lié au fait que les éleveurs/zoos ont nettement plus tendance à faire autopsier les oiseaux morts que les naturalistes trouvant une dépouille (parfois pourrie) sur le terrain.

Les études conduites en Autriche ont démontré que l’épidémie trouvait son origine dans l’établissement du virus dans le pays. Qui dit établissement dit hivernage des moustiques infectés. Conséquence du réchauffement climatique qui permet à de plus grandes populations de moustiques (larves) qu’auparavant de survivre à l’hiver européen et donc de permettre la persistance du virus ? Très probable. Mais d’autres (mauvaises) habitudes humaines, comme la constitution de dépôts de dizaines de milliers de pneus formant autant de mini mares où peuvent hiverner les larves jouent probablement également un rôle. Le suivi en Autriche a ensuite démontré que les mortalités diminuaient drastiquement. Pourquoi ? Simplement car une immunité commençait à se développer (comme en Afrique). Pareil phénomène a été observé sur le continent nord-américain avec le très proche virus du West Nile.

Le virus USUTU est bien présent chez nous

La présence du virus Usutu a été pour la première fois diagnostiquée en Belgique en 2012 par la Faculté de Médecine Vétérinaire de Liège, sur un oiseau de captivité (Bouvreuil pivoine) et un Pic épeiche. Cela faisait suite à la détection de premiers cas dans l’Ouest de l’Allemagne au cours de l’été précédent. 

Une première véritable épidémie a été observée en Belgique en 2016, particulièrement en Flandre et singulièrement en Limbourg où elle a fait l’objet d’une étude systématique par la CERVA (Centre expertise vétérinaire SPF Santé publique) en collaboration avec Vogelbescherming et l’IRSNB à la demande de l’Agentschap voor Natuur en Bos (la DNF flamande). Des oiseaux ont été diagnostiqués positifs essentiellement dans le Nord-Est du pays, jusqu’à Bruxelles cependant. La situation observée a été fort identique à ce qui a prévalu en Autriche et dans les autres Etats-membres concernés depuis (une grande partie en fait). 

Une nouvelle épidémie semble se développer cet été, ce qui n’a rien d’étonnant. Les autorités flamandes ont d’ailleurs décidé de ne pas poursuivre le programme de suivi dirigé vers les merles considérant que la situation est claire au niveau de cette espèce. Par contre, il a été convenu  d’étudier la prévalence chez les autres espèces à partir du 21 août. Le but étant d’évaluer dans quelle mesure des souches d’infection se développent selon les espèces. 

Carte des merles morts encodés depuis le 01/08/2017 dans le portail www.observations.be

Carte des merles morts encodés depuis le 01/08/2017 dans le portail www.observations.be

En Wallonie, le virus se répand également. Le service de Pathologie Animale de l'Université de Liège a déjà diagnostiqué 17 cas de merles positifs sur 19 apportés pour analyse. Le problème semble moins important qu'en Flandre, mais la pression d'observation est également plus faible.
 
Une étude conduite aux Pays-Bas l’année passée a permis de constater que des oiseaux sauvages diagnostiqués positifs étaient négatifs quelques semaines plus tard. Ils avaient survécus et étaient donc guéris et très probablement immunisés. 

On peut donc conclure, dans l’état actuel des connaissances, que :

  1. le virus Usutu est devenu endémique en Europe depuis une petite vingtaine d’année et qu’il risque d’y persister vu son expansion géographique à la plupart des régions du continent,

  2. qu’il provoque des mortalités localement importantes d’oiseaux sauvages sans que des conséquences sur la dynamique des populations/espèces concernées soient avérées; l’étude des taux de mortalité des Merles noirs basée sur les reprises de bague est prévue et devrait permettre de progresser dans l’évaluation des conséquences,

  3. que la maladie n’est pas systématiquement mortelle chez les oiseaux sauvages et qu’une immunité dite de troupeau se développe aboutissant à terme à la chute du taux de mortalité,

  4. qu’il s’agit d’une maladie qui ne représente pas de risque réel pour la santé humaine et qu’à ce titre elle est incomparable à l’influenza aviaire qui combine une quadruple problématique : santé humaine/santé animale (conséquences économiques)/transport d’animaux de rente/conservation de la nature.

  5. qu’il s’agit d’un phénomène qui évolue naturellement (pas d’implication des oiseaux de rente par exemple comme avec l’influenza), après s'être établi en Europe probablement suite au réchauffement climatique,

  6. qu’il n’y a a priori aucune action à mener afin de faire chuter les mortalités si ce n’est éviter la persistance des larves de moustiques durant l’hiver. Mais la limite est ténue entre pareille action et les campagnes d’éradication des moustiques que l’on a connu par exemple en Camargue et en Grèce dans les années cinquante et qui ont abouti à l’assèchement des zones humides et au déversement de quantités inimaginables de pesticides dans la nature.

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Une vidéo d'un oiseau atteint du virus se trouve sur ce lien.

Si vous trouvez un oiseau qui a ces symptômes, plusieurs merles morts ou des cas suspects de la maladie, vous pouvez contacter la Faculté de Médecine Vétérinaire de l'ULg au 04/366.40.75 (8h30 à 18h00). N'oubliez pas d'encoder l'information sur www.observations.be en choisissant le comprtement "Trouvé mort" et en indiquant "USUTU" dans les commentaires. Si l'oiseau est bagué, contactez le centre belge de baguage en complétant le formulaire sur leur site web.