Les inondations catastrophiques de juillet 2021 ont-elles aussi impacté les espèces de grand intérêt biologique ?

Les crues catastrophiques de juillet 2021 ont fortement impacté les bassins versants de plusieurs rivières de l’est de la Wallonie. Comme ce type d’évènement extrême sera malheureusement de plus en plus fréquent dans le futur, il est nécessaire de se poser la question de leur impact sur la biodiversité et singulièrement sur leurs conséquences sur plusieurs espèces de grand intérêt patrimonial inféodées aux eaux courantes. C’est cette question qui a incité le Service Public de Wallonie à commander une étude attribuée à Natagora. De nombreux naturalistes ont été activés sur le sujet par notre Département Études et ce post est l’occasion de partager avec vous les résultats de ces travaux, même s’il dépasse le cadre strict des oiseaux !

Un Cincle plongeur (photo: Karl Gillebert)

Les espèces concernées sont parmi les plus emblématiques de l’écosystème rivière en Wallonie : le Cincle plongeur (Cinclus cinclus), le Martin-pêcheur (Alcedo atthis), l’Hirondelle de rivage (Riparia riparia), la Salamandre tachetée (Salamandra salamandra), la Cordulie à corps fin (Oxygastra curtisii), le Gomphe vulgaire (Gomphus vulgatissimus) et le Gomphe à pinces (Onychogomphus forcipatus), le Caloptéryx splendide (Calopteryx splendens) et le Caloptéryx vierge (Calopteryx virgo).

Aucun impact fort et durable de la crue de 2021 sur les espèces considérées n’a pu être mis en évidence, même si pour certaines espèces, des impacts négatifs significatifs se sont probablement produits, au moins localement, dans des secteurs fortement impactés par les crues ou les travaux de remise en état. C’est le cas, par exemple, pour la Salamandre tachetée, dont les larves sont susceptibles d’être emportées par le courant. Néanmoins, pour pouvoir mettre en évidence ce type d’impact, il aurait été nécessaire de disposer de comptages permettant de caractériser l’état initial et de réaliser de nouveaux comptages immédiatement après les crues.

À côté de cela, des impacts positifs peuvent aussi être attendus pour les espèces dépendant d’habitats générés par la dynamique érosive, à l’instar du Martin-pêcheur qui installe ses terriers dans les berges verticales. Le Gomphe à pince a pu être observé pour la première fois dans la vallée de la Vesdre en 2022 ; nos inventaires ciblés ont pu documenter sa présence en de nombreux endroits de cette vallée en 2023. Vu le déficit de prospections relatif aux odonates pendant la période précédant les crues, il n’est pas possible de conclure s’il s’agit bien là d’une apparition récente résultant de la modification des habitats causée par les crues dans un contexte d’évolution positive de l’espèce, ou si l’espèce était déjà présente auparavant, sans être détectée par un naturaliste.

À l’échelle de la Région wallonne ou des principaux bassins versants de l’est du territoire, l’abondance des espèces emblématiques considérées n’est pas figée. Voici les tendances qui semblent se dessiner pour les trois espèces d’oiseaux ciblées par l’étude:

  • 251 à 284 couples d’hirondelles de rivage étaient installés dans les berges de rivières en 2023. Ce nombre est similaire ou en légère hausse par rapport aux 208 à 262 couples recensés en 2001 à l’occasion de l’atlas des oiseaux nicheurs de Wallonie; mais il reste toutefois plus bas que les 402 couples dénombrés pour la période 1972-1973 car de nombreuses colonies ont disparu à la suite de travaux hydrauliques.

  • Pour le Cincle plongeur, des déclins et des augmentations localisés ont été mis en évidence par les travaux de terrain et la compilation des données provenant des enquêtes spécifiques passées. À l’échelle de la population wallonne, il se pourrait qu’un léger déclin commence à se faire ressentir également. Une attention particulière devrait être portée à cette espèce dans les années à venir en renforçant son suivi, afin de percevoir plus précisément son évolution, tant globalement que localement.

  • La population de Martin-pêcheur d’Europe semble en progression significative, tirant probablement profit des changements climatiques en cours (succession d’hivers doux, mois de mai chauds et secs).

La mise en place de monitorings ciblés et standardisés apparaît donc nécessaire afin de pouvoir appréhender correctement, ou du moins plus finement, l’évolution des populations des espèces liées aux rivières. Plusieurs protocoles de suivi ont été établis ou testés dans le cadre de ce marché public. Des conseils pratiques et des recommandations relatives à leur mise en œuvre et à la stratégie d’échantillonnage visée sont fournis dans ce rapport.

Nous tenons à remercier l’ensemble des naturalistes qui ont participé aux inventaires ciblés sur les rivières, et aussi tous ceux qui partagent régulièrement leurs observations sur Observations.be !

Le rapport complet est accessible au téléchargement via ce lien.