pinson des arbres

Bilan de la migration 2020 : zoom sur le Pinson !

Photo : Jean-Marie Winants

Photo : Jean-Marie Winants

En octobre dernier, je vous parlais de la migration qui semblait très importante cette année en Wallonie. Le phénomène avait été particulièrement remarqué chez le Pinson des arbres, dont des flux impressionnants avaient été observés sur la frange ouest de l’Ardenne. La migration n’était alors pas terminée, il était donc trop tôt pour conclure quant au caractère éventuellement exceptionnel du cru 2020.

Il est maintenant l’heure de faire le bilan ! Les courageux « compteurs » du site de Xhoris, présents tous les jours ou presque sur leur poste de suivi, ont dénombré 203 229 pinsons des arbres cette année, leur record ! J’ai utilisé les fonctions d’analyse du site trektellen.nl pour voir si de tels chiffres sont courants dans notre pays, en regardant 10 ans en arrière.

En Belgique, depuis 10 ans, entre 103 et 148 sites de suivi migratoires sont actifs chaque année durant l’automne. Ces sites sont suivis avec une fréquence variable, certains totalisant plus de 250 heures de présence sur l’automne, tandis que d’autre ne cumulant que quelques heures. Sur ces sites, un total de plus de 200 000 pinsons n’a été dépassé qu’à 4 reprises :

  • En 2012 sur le site de Kristallijn Maatheide, en Campine (211 000 individus)

  • En 2014 sur les sites de Kristallijn Maatheide de nouveau et Opstalvallei, dans le port d’Anvers (209 000 et 247 000 individus, respectivement)

  • En 2020 à Xhoris, avec 203 000 individus.

C’était donc la première fois en Wallonie, depuis au moins 10 ans, qu’un tel flux de pinsons a pu être comptabilisé.

Bien-sur il faut garder en tête que la pression d’observation de la migration des oiseaux, en tout cas pour les observations encodées sur la plateforme www.trektellen.nl, a tendance à augmenter année après année, comme le montre le graphique suivant pour trois sites bien suivis ces dernières années.

Pression d’observation sur deux sites de suivi migratoires wallons (Xhoris, Honnay) et un site flamand proche de la Wallonie (Tienen). Source des données : http://www.trektellen.nl .

Ces sites ont attirés mon attention pour le caractère régulier des observations qui y sont menées (surtout Xhoris et Tienen) et pour les observations remarquables qui y sont souvent réalisées (Honnay). Tienen n’est pas situé en Wallonie, mais il n’en est pas bien éloigné, et permet d’avoir une idée des flux survolant la partie centrale de la Wallonie, où peu de données standardisées sur la migration active sont disponibles.

Si l’on normalise les observations du Pinson des arbres réalisées sur ces 3 sites depuis 10 ans par la pression d’observation, on obtient des flux moyens illustrés au graphique suivant.

Nombre d'individus de Pinsons des arbres en passage par heure

Flux du Pinson des arbres durant la migration postnuptiale notés sur les sites de Xhoris, Honnay et Tienen (du 15/09 au 15/11). Source des données : http://www.trektellen.nl .

Les données des premières années semblent assez peu cohérentes entre les 3 sites, ce qui est probablement lié aux fortes différences de pression d’observation entre les sites (les sites moins suivis ne capturent pas complètement le phénomène). A partir de 2015, les trois courbes se rapprochent. Elles indiquent alors vraisemblablement des variations interannuelles du flux à l’échelle de la région entière, voir même du nord de l’Europe. La saison 2019 semble déjà avoir été très bonne selon ces courbes, en particulier pour Xhoris avec un flux moyen de près de 700 individus par heure. Enfin, 2020 se démarque encore plus à Xhoris: le flux mesuré sur ce site (822 individus par heure) est le double des flux mesurés à Honnay et Tienen.

Pour terminer cette analyse de la migration des pinsons, jetons un œil à la longue série temporelle disponible pour le site de Falsterbo, goulot d’étranglement des oiseaux migrateurs situé au sud de la Scandinavie (figure suivante).

Flux du Pinson des arbres et Pinsons du Nord durant la migration postnuptiale notés à Falsterbro (sud de la Suède) de 1976 à 2020. Source : https://www.falsterbofagelstation.se/arkiv/strack/migr_frame.htm

Flux du Pinson des arbres et Pinsons du Nord durant la migration postnuptiale notés à Falsterbro (sud de la Suède) de 1976 à 2020. Source : https://www.falsterbofagelstation.se/arkiv/strack/migr_frame.htm

Les Pinsons des arbres ne sont pas différenciés de ceux du Nord sur ce site. On peut les comprendre vu la quantité d’oiseaux à compter ! On y voit d’abord que les effectifs varient très fort d’une année à l’autre. Ensuite, la fin de la courbe correspond remarquablement bien avec les fluctiations notées en Wallonie à la figure précédente. On y voit très bien le pic de 2017, celui de 2019, puis la valeur élevée en 2020, néanmoins inférieure à 2019.

Qu’en conclure ? Le passage du Pinson des arbres à l’échelle de la Wallonie semble avoir été important cet automne, mais pas particulièrement exceptionnel. Par contre, le flux qui a survolé la bordure ouest de l’Ardenne, notamment le site de Xhoris, fut tout-à-fait exceptionnel pour la Wallonie.

A qu’en est-il des autres espèces ? Sans refaire une analyse détaillée, je vous propose le commentaire de Michaël Vandeput, l’ornithologue qui suit a migration sur le site de Tienen, où la pression d’observation est élevée et assez régulière depuis 10 ans :

« […] les totaux de cette année sont parmi les plus élevés enregistrés sur ce site, grâce à un bon passage des ramiers (266 070 individus), des pinsons des arbres (59 638 individus) et des étourneaux (21 670 individus). »

Il note aussi que 2020 fut la meilleures année depuis 17 ans pour les espèces suivantes : Grive mauvis (18 165 individus, passage qualifié d’exceptionnel), Alouette lulu (940 individus), Serin cini (11 individus), Chardonneret (564 individus), Sizerin cabaret (104 individus) et Bruant des roseaux (8 023 individus). Il note enfin que la météo a certainement joué un rôle aussi : cet automne a été marqué par un nombre élevé de jours de vent « contraire » pour les oiseaux (vent de sud-ouest), qui les oblige à voler bas et facilite ainsi leur détection pour les observateurs au sol.

Il est aussi possible de visualiser la migration du Pinson des arbres en Europe grâce à EuroBirdPortal.

Avant le retour des migrateurs en février (on y sera vite !), bon hiver à tous !

Une migration 2020 exceptionnelle ?

Alouette lulu en migration à Xhoris. Photo : Jean-Marie Poncelet

Alouette lulu en migration à Xhoris. Photo : Jean-Marie Poncelet

La migration bat son plein, et depuis une dizaine de jours une partie de la Wallonie est survolée par un flux impressionnant d’oiseaux. Ce sont surtout les pinsons des arbres et les pigeons ramiers qui assurent le spectacle. C’est assez habituel en cette saison, et c’est un vrai plaisir à observer ! Mais en regardant les chiffres, il me semble que la quantité d’oiseaux cette année soit exceptionnelle, notamment chez le pinson des arbres ! Les données du portail trektellen.org montrent que ce flux important concerne surtout la frange ouest de l’Ardenne. Les ornithos fidèles au poste à Xhoris (province de Liège) ont ainsi compté 247 000 oiseaux migrateurs ces deux dernières semaines, dont 158 000 pinsons ! En utilisant les outils d’analyse du site trektellen, on voit que le passage de cette espèce, ainsi que celui de l’alouette lulu par exemple, sont nettement supérieurs à la moyenne des 10 dernières années.

PINARB_Xhoris.jpg
Migration du Pinson des arbres et de l’Alouette lulu sur le site de suivi de la migration de Xhoris (bordure ouest de l’Ardenne). Les observations de cet automne jusqu’au 14 octobre 2020 sont en rouge tandis que les bâtonnets bleus indiquent le flux…

Migration du Pinson des arbres et de l’Alouette lulu sur le site de suivi de la migration de Xhoris (bordure ouest de l’Ardenne). Les observations de cet automne jusqu’au 14 octobre 2020 sont en rouge tandis que les bâtonnets bleus indiquent le flux moyen pour les dix années précédentes (2009-2019).

Quelle est l’ampleur géographique de ce flux exceptionnel ? La carte suivante, toujours issue du site trektellen.nl, montre le nombre de pinsons des arbres comptés sur les sites de suivi belges et néerlandais durant les deux premières semaines d’octobre. On voit assez clairement que le passage exceptionnel détecté à Xhoris a concerné un couloir relativement étroit, comprenant aussi les sites de suivi de Ninane, près de Liège, et de Karstraat (Wittem), au sud-est des Pays-Bas. Les limites de ce couloir ne sont pas faciles à dessiner précisément, mais les passages un peu ou nettement plus faibles notés sur certains sites bien suivis comme Flémalle, Honnay, ou Cielle permettent d’avancer que ce couloir s’étalait sur une douzaine de kilomètres de large.

Observations de pinsons des arbres sur les sites de suivi migratoires de la plateforme www.trektellen.org entre le 01/10/2020 et le 14/10/2020 (source : www.trektellen.org).

Observations de pinsons des arbres sur les sites de suivi migratoires de la plateforme www.trektellen.org entre le 01/10/2020 et le 14/10/2020 (source : www.trektellen.org).

Peut-on identifier l’origine géographique de ces pinsons ? Le caractère étroit du couloir et son orientation suggèrent fortement que ces oiseaux proviennent de Scandinavie et ont été concentrés au niveau du goulot d’étranglement de Falsterbo, au sud de la Suède. Les passages très importants comptés sur ce site début octobre correspondent très bien à la « vague » observée ensuite en Wallonie (voir les résultats des comptages au jour le jour sur ce lien). Le ciel wallon n’a donc rien n’a envier aux cols pyrénéens ces derniers jours, profitons-en ! Cette belle migration semble indiquer que la reproduction de plusieurs espèces a été très bonne cette année dans le nord de l’Europe au moins. Il faudra faire le bilan en fin de saison !

La phénologie des oiseaux en Wallonie: ce que nous apprennent les listes complètes d'observations

Depuis quelques années, nous vous invitons à prendre l’habitude de faire le plus souvent possible une liste de toutes les espèces que vous pouviez observer au cours d’une sortie ornitho. C’est ce que nous appelons le “suivi permanent de l’avifaune”. Prendre l’habitude d’encoder toutes les espèces, et pas seulement les observations les plus remarquables est une vieille habitude dans certains pays. Observations.be (et ses applications mobiles associées) permettent de faire cela très facilement. Alain Paquet a réalisé plusieurs tutoriels pour vous permettre de vous familiariser avec cette approche (voir en fin de page).

Dans cet article, nous allons détailler les premiers enseignements offerts par ces listes complètes, que de plus en plus d’ornithologues collectent en Wallonie. Nous pouvons en effet commencer à analyser la “phénologie” des espèces, c’est-à-dire les variations des phénomènes périodiques de la vie des oiseaux au cours d’une année (retour de migration, nidification, mue, départ en migration…). Pour cela, à partir des listes, nous réalisons des graphes montrant la variation au cours de l’année de la fréquence de détection d’une espèce parmi toutes les listes faites. En gros, vous pouvez voir cette fréquence (% des listes complètes) comme la probabilité d’observer l’espèce au cours d’une sortie ornitho classique (une heure ou deux), réalisée au hasard en Wallonie, à ce moment de l'année. L’image suivante vous donne une explication détaillée d’un de ces graphes phénologiques, basée sur l’Hirondelle rustique et les trois dernières années (2020 n’est pas encore terminée au moment d’écrire ce billet).

interpretation_graphe_frequence_annuel.jpg

Maintenant que vous avez compris le principe, examinons la phénologie de quelques espèces communes. Ici, nous allons montrer chaque fois des paires d’espèces proches, mais à la phénologie bien différente. Nous espérons que ces exemples vous donneront vous aussi l’envie de contribuer à ce suivi permanent de l’avifaune, c’est d’ailleurs très addictif sur le terrain !

Commençons par les deux petites grives de nos régions :

grivemusicienne.jpg
grivemauvis.jpg

Instructifs comme différences n’est-ce pas ? Ces graphes posent aussi des questions, comme les explications (météorologiques ?) qui se cachent derrière les variations interannuelles, comme le retour tardif des grives musiciennes en 2018 comparé à 2019 et 2020… Continuons avec un autre couple de nicheurs/hivernants, nos deux pinsons.

pinsonsdesarbres.jpg
pinsondunord.jpg

Avec ces quelques exemples que nous complèterons bientôt par d’autres sur ce blog, nous espérons que vous percevez mieux l’intérêt de faire des listes lors de vos sorties ornithos! Pour le faire correctement, voici les tutoriels réalisés pour faciliter vos “premières fois”.

Tout d’abord, une explication sur ce qu’on entend par liste complète et “suivi permanent de l’avifaune”

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Ensuite une explication sur comment faire une liste complète sur Observations.be…

Alain Paquet vous présente comment créer des listes permanentes dans observations.be

Ensuite, une explication sur l’encodage d’une liste sur le terrain via iObs (pour iPhone):

Alain Paquet vous présente comment faire des listes complètes d'espèces avec iObs

Et enfin, la version pour ObsMapp:

Alain Paquet vous présente comment faire une liste complète d'espèces avec ObsMapp

Merci et bonnes observations !