Aidez-nous à identifier les lignes électriques dangereuses pour les oiseaux

Depuis 2011, ELIA, Natagora et Natuurpunt travaillent ensemble pour limiter l'impact des lignes à haute tension sur la mortalité des oiseaux en Belgique. Natagora et Natuurpunt sont chargés d'identifier les points noirs et de proposer des aménagements pour limiter les collisions entre les oiseaux et les câbles. Un premier rapport identifiant les lignes problématiques se trouve sur notre site web et des actions concrètes ont déjà été mises en place.

Ce travail théorique se prolonge aussi sur le terrain pour confirmer les risques ou pour identifier des lignes dangereuses non détectées par les modélisations.

Photo : Dieder Plu

Photo : Dieder Plu

Une des missions menée actuellement est l'identification des zones à risques pour la Bécasse des bois. En effet, cette espèce au vol lent et crépusculaire lors de la croûle (parade nuptiale) apprécie les layons ouverts sous les lignes à haute-tension. Nous avons donc commencé à identifier les secteurs qui pourraient s'avérer dangereux, parce qu'ils traversent des massifs forestiers favorables à la bécasse. Des sorties crépusculaires ont été programmées sur certains sites pour vérifier la présence des Bécasses et leur comportement autour des câbles. Des mesures seront ensuite proposées à ELIA pour rendre les câbles plus visibles et donc moins dangereux. Si vous souhaitez participer à ce travail sur le terrain, vous pouvez encore nous contacter.

D'une manière générale, tout le monde peut contribuer facilement à l'effort d'identification des lignes noires! En effet, nous vous encourageons à signaler d'éventuels oiseaux morts trouvés sous les lignes via www.observations.be. Il est très important d'encoder de tels macabres découvertes en précisant le comportement spécifique "victime d'une ligne électrique" dans le champ "comportement". C'est aussi valable pour un oiseau qui abouti dans un centre de revalidation. L'important est aussi de localiser précisément la trouvaille.

Au 30 novembre 2016, 67 espèces d'oiseaux avaient déjà été mentionnées comme victimes de lignes électriques (collision ou électrocution). Le tableau ci-dessous montre le nombre d'observations pour chaque espèce. Vous pouvez constater vous même que certaines espèces rares et menacées sont concernées...

La carte présente la répartition des observations. La plupart des données se situent en Flandre où Natuurpunt a déjà mené une campagne de sensibilisation des observateurs.

carte_victime_ligne_HT.jpg

Il reste encore de nombreuses questions concernant les lignes électriques en Belgique : est-ce que nos modélisations sont suffisamment précises ? Y a-t-il d'autres espèces sensibles, en plus de celles que nous avons considérées jusqu'ici ?  Reste-t-il d'autres points noirs à identifier ? Quelle est l'importance de la mortalité liées aux lignes à basse et moyenne tension, gérées par d'autres opérateurs qu'ELIA ? Vous pouvez nous aider en signalant tout oiseau mort proche de lignes. Contactez-nous aussi si vous êtes intéressés par la recherche d'oiseaux sous les lignes précises, nous vous donnerons les détails des zones sensibles. 

Les survivants

Ce matin, dans ma pelouse, deux jeunes merles tout juste sortis du nid faisaient leurs premiers sautillements derrière leur père. Ce spectacle est toujours fascinant, d'autant plus lorsqu'on songe aux mille dangers qui menacent ces oiseaux dans les prochaines heures... La probabilité que l'un de ces oisillons si plein d'énergie revienne nicher dans le jardin est vraiment minime. Heureusement, à quelques mètres de là, la merlette est déjà occupée à collecter des matériaux pour une deuxième nichée.

photo: Bernard Dekimpe

photo: Bernard Dekimpe

C'est un fait qu'on oublie parfois dans l'enthousiasme renouvelé du printemps, mais chaque individu nicheur chez les passereaux est un véritable survivant. Pour une espèce comme le Merle noir, moins de 50% des tentatives de nidification conduisent à l'envol des jeunes. Ensuite, seulement 10 à 20% des jeunes survivent à leur première année. Une fois adulte, leur taux de survie annuel monte quand même à environ 50%...  La productivité (le nombre de jeunes conduits à l'envol par printemps) est vraiment un facteur critique de la démographie du merle, comme de la plupart des passereaux.

Souvenez-vous, l'hiver dernier, l'absence remarquée de certaines espèces dans les jardins, imputées à la reproduction catastrophique du printemps 2016, notamment chez les mésanges. On peut espérer qu'il ne s'agissait que d'un "accident" lié à des conditions climatiques exceptionnellement mauvaises. D'une manière générale, comprendre ce qui fait varier le succès reproducteur et les chances de survie des individus permet d'expliquer les tendances d'une population observées sur le long terme. À ce sujet, si vous lisez la langue de Vondel, nos collègues néerlandais de l'organisation "SOVON Vogelonderzoek" viennent de publier un passionnant rapport sur leurs oiseaux nicheurs. Avec ce rapport et les fiches espèces sur leur site web, on peut en apprendre beaucoup sur la démographie, c'est-à-dire les taux de survie et de productivité, des espèces communes aux Pays-Bas (et donc sans doute un peu chez nous aussi...).

Cliquez sur l'image pour télécharger le rapport

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Ainsi, chez la Mésange bleue, la survie d'une année à l'autre est d'environ 30 à 40% pour les adultes, 10% pour les jeunes: des chiffres inférieurs à ceux de notre Merle. Avec leur nid placé à l'abri dans un nichoir ou une cavité, le taux de succès d'une nichée est par contre habituellement de l'ordre de 80%. Comparativement au Merle et à d'autres espèces à nids "ouverts", la Mésange bleue a donc en principe beaucoup plus de chance de mener à bien une nichée entamée. Une "stratégie" démographique un peu différente donc. Avec cette information, on comprend mieux l'impact d'un printemps pourri comme celui de 2016.

Un autre exemple intéressant est détaillée dans le rapport de la SOVON. Le Pouillot véloce est un migrateur à courte distance (hivernant dans le sud de l'Europe) qui revient relativement tôt dans nos régions: il a donc largement le temps d'entreprendre deux nichées par printemps. Le véloce produit en moyenne 1,5x plus de jeunes que son proche parent, le Pouillot fitis, quant à lui migrateur trans-saharien. Cette différence est en principe compensée par une survie inter-annuelle légèrement supérieure du fitis par rapport au véloce (bon an, mal an, de l'ordre de 40% pour les adultes contre plutôt 30% pour le véloce, mais avec de fortes variations interannuelles). Partir sous des cieux plus cléments permet (en général) au fitis de survivre plus facilement, mais lui donne moins de chance de mener à bien deux nichées. Malgré que ces deux espèces soient très proches, ces stratégies bien différentes peuvent conduire à des évolutions de population divergentes en fonction des changements des conditions environnementales.

Connaître les paramètres démographiques des populations et pouvoir en suivre l'évolution constitue donc une clé importante pour élucider les raisons se cachant derrière les variations observées d'effectifs. Cependant, s'il est relativement "simple" de suivre les populations notamment grâce à des programme comme SOCWAL, déterminer annuellement survie et productivité n'est pas chose aisée ! Des programmes de baguages spécialisés, comme le "Constant Effort Site" ou CES, sont nécessaires, ainsi que des programmes de type "Nest Record Scheme" dont le plus connu est celui mené par les anglais.

Une possibilité plus basique, que chacun peut mener dans son jardin, est d'en consigner les oiseaux nicheurs en utilisant le "module de suivi des nichoirs" d'observations.be. Il permet de localiser des nichoirs, de signaler quand et par qui ils sont occupés et de préciser si la nichée a réussi ou non. Un guide d'encodage est disponible via ce lien.

Bonnes observations printanières !

Champions of the flyway 2017, résumé de la "course"

Bien connu des ornithologues, Israël est un pays se situant sur l’extrémité est de la Méditerranée, au sud du Liban et de la Syrie. Au printemps, il se retrouve par conséquent sur la route migratoire de très nombreuses espèces, tentant de rejoindre l’Europe ou l’Asie, sans avoir à traverser la mer. C’est ainsi une escale importante pour de nombreux oiseaux, qui, après avoir traversé plusieurs milliers de kilomètres de désert de sable,  vont faire halte dans le premier buisson, ou sur le premier point d’eau leur fournissant de la nourriture.

Figure 1 : Aigle des steppes (Aquila nipalensis)Photo : Noé Terorde 

Figure 1 : Aigle des steppes (Aquila nipalensis)
Photo : Noé Terorde
 

Il va donc sans dire que lors de la migration de printemps, de nombreux ornithologues effectuent également un déplacement vers cette destination extraordinaire afin d’y observer ces oiseaux migrateurs.


C’est pourquoi l’idée a germé au sein de l’équipe de BirdLife International d’organiser une course en Israël lors de l’apogée de la migration de printemps, à savoir fin mars. 
Cette course, appelée « Champions Of The Flyway », poursuit un double objectif. Tout en profitant du magnifique spectacle offert par la migration, des équipes d’ornithologues venues du monde entier vont prospecter chaque coin et recoin du sud d’Israël afin d’observer le plus grand nombre d’espèces en une période déterminée de 24h.


Mais à côté de la course à proprement parler, le principal objectif de cet événement est de récolter des fonds afin de lutter contre la chasse illégale des oiseaux sur leurs routes migratoires. En effet, chaque année, plus de 25 millions d’oiseaux sont tués et capturés illégalement rien qu’autour du bassin méditerranéen (BirdLife International). Pour ce faire, chaque équipe va mettre tout en œuvre pour obtenir sponsors et donations dans leur contrée d’origine.
Après de précédentes éditions très réussies dans le but de lever des fonds pour la Géorgie (2014), Chypre (2015) et la Grèce (2016), l’édition 2017 était consacrée à la lutte contre la chasse illégale en Turquie. Les fonds récoltés (63.000$), seront entièrement transférés à Doğa Derneği (Birdlife Turquie), qui mène déjà de nombreuses actions sur place, et espère pouvoir améliorer ses résultats grâce aux fonds récoltés lors de cette nouvelle édition de Champions Of The Flyway. 


L’action principale menée par Doğa Derneği est éducative. Le but étant d’éduquer les nouvelles générations quant à l’importance de préserver les routes migratoires. Il faut donc commencer par changer les mentalités et les traditions lourdement ancrées dans ces régions, afin de sensibiliser les jeunes à l’observation des oiseaux plutôt qu’à leur chasse.

Figure 2 : Guêpier d’Orient (Merops orientalis)Photo : Noé Terorde

Figure 2 : Guêpier d’Orient (Merops orientalis)
Photo : Noé Terorde

Cette année, ce ne sont donc pas moins de 18 équipes, composées de 3 à 5 personnes, venues du monde entier qui se sont « affrontées » ; tout d’abord lors de la course ornithologique, mais également dans une seconde compétition, afin de déterminer à quelle équipe sera attribué le prix des « Guardians of the Flyway », qui auront récolté le plus de fonds.
Des ornithologues venant de quatre continents, depuis les Etats-Unis jusqu’à la Chine, en passant par l’Italie, l’Espagne ou encore l’Afrique du Sud,  ont donc parcouru les routes israéliennes durant 24 heures, entre 00h01 et 23h59 ce 28 mars 2017. 

Figure 3 : réunion de tous les champions au lendemain de la coursePhoto : Dov Greenblat (SPNI) 

Figure 3 : réunion de tous les champions au lendemain de la course
Photo : Dov Greenblat (SPNI)
 

Présent depuis deux mois dans la région en tant que bénévole pour le centre ornithologique de Eilat, j’ai donc eu cette année la chance de participer à la course au sein de l’équipe turque, en remplacement de l’un de leurs membres qui a malheureusement vu sa demande de visa refusée. 


La course n’a pas lieu sur tout le territoire d’Israël, mais sur le tiers sud du pays, c'est-à-dire la quasi-totalité de la région du Néguev. 

Figure 4 : limites de la zone autorisée pour la course(http://www.champions-of-the-flyway.com/the-race/)

Figure 4 : limites de la zone autorisée pour la course
(http://www.champions-of-the-flyway.com/the-race/)

A minuit, le coup d’envoi est donné, et les différentes équipes peuvent commencer à observer et à comptabiliser les premières espèces. Recherche de rapaces nocturnes, d’Oedicnèmes, d’Engoulevents et de toute autre espèce repérable dans le noir, sont au programme durant les premières heures de compétition. C’était par exemple la première fois que je scrutais des groupes de Goélands au milieu de la nuit, dans une obscurité quasi-totale, afin d’essayer de repérer une espèce supplémentaire ; expérience plutôt déconcertante.


Durant les heures de clarté, les techniques de recherche varient d’une équipe à l’autre. En ce qui nous concerne, nous avons décidé de commencer la journée à l’extrême sud (Eilat) du terrain de jeu en remontant progressivement vers le nord avec diverses haltes (KM 19, KM20, Yotvata, Mitzpe Ramon, Sde Boker), pour terminer la journée autour du lac de Yeruham. 
Face à des équipes redoutables telles que les « Arctic Redpolls », venus de Finlande pour l’occasion, ou les « Palestinian Sunbirds », emmenés par Noam Weiss, manager du Centre Ornithologique de Eilat, avec qui nous avons collaborés durant la course, nous nous sommes contentés d’une très honorable 3ème place, avec pas moins de 170 espèces observées au terme des 24 heures de compétition. Il s’agit de l’un des seuls endroits du Paléarctique Occidental où il est possible d’observer une telle diversité d’oiseaux sur une journée.

Figure 5 : équipe turque composée de Turan Çetin (Tr), Noé Terorde (Be) et Kaan Özgencil (Tr)

Figure 5 : équipe turque composée de Turan Çetin (Tr), Noé Terorde (Be) et Kaan Özgencil (Tr)

Peu importe les résultats de la course, ce qui reste dans les esprits après un tel événement est la sensation d’avoir apporté sa contribution à une bonne action, en plus d’avoir participé à un événement très excitant et amusant. Je pense pouvoir parler au nom de tous les participants en affirmant que l’on souhaite tous remettre l’expérience l’année prochaine, afin de défendre une nouvelle fois les droits de ces oiseaux migrateurs tant persécutés. Peut être avec une équipe belge cette fois, qui sait…