Nidification du Petit Gravelot à Tour et Taxis (Bruxelles) en 2023

Accouplement de Petits Gravelots Charadrius dubius à Bruxelles © Olivier Taylor

Le Petit Gravelot ou Pluvier petit-gravelot (Charadrius dubius) est un petit oiseau aquatique insectivore discret appartenant au groupe des limicoles. Originellement, cette espèce évolue sur des bancs de galets, de graviers et de sable à proximité des cours d’eau (rivières, régions côtières…) (Weiserbs & Jacob, 2007). De retour sous nos latitudes de mars à octobre pour nicher, il retrouvera des conditions de vie similaires en milieux urbains au sein de sites industrialisés. L’observateur pourra s’émerveiller à le regarder courir frénétiquement, semblant glisser tant ses pattes en deviennent invisibles. Les premières observations du Petit Gravelot à Bruxelles remontent déjà aux années 1970, notamment à Forest, Woluwe-Saint-Pierre ou encore Anderlecht. Lors du précédent Atlas des Oiseaux de Bruxelles (2000-2004), la population nicheuse était de 6-7 couples (contre 9-10 pour la période 1989-1991), principalement distribués dans la partie Nord de la ville, d’Est en Ouest le long du canal. En 2023, seuls 2 couples sont observés comme nicheurs certains au Nord-Est de la capitale (Tour & Taxis, Molenbeek-St-Jean ; Gare de formation, Schaerbeek). D’autres individus sont cependant aperçus paradant dans des habitats potentiellement adéquats pour leur nidification, notamment à Neder-Over-Hembeek. L’artificialisation et l’urbanisation des dernières friches urbaines pourraient mettre en péril la présence et la nidification de ces petits coureurs en Région Bruxelles-Capitale.

Vous découvrirez ci-dessous le suivi de la nidification d’un couple de Petits Gravelots sur le site de Tour & Taxis (Molenbeek-Saint-Jean) au printemps 2023 (historique des observations). Olivier Taylor a suivi de près leur parade, accouplement, nidification et multiples péripéties auxquelles ces petits limicoles ont fait face. Il nous livre ici un magnifique reportage photographique de leur aventure.

Début mars, le couple est observé sur le site de Tour & Taxis à Bruxelles. Là, un espace laissé en friche accueille, une fois de plus, le Petit Gravelot. En effet, l’espèce s’est déjà installée sur cette parcelle urbaine qui semble correspondre à ses exigences de nidification : un lieu peu végétalisé, minéral, exposé au soleil et chaud, et à proximité d’un point d’eau.

Ci-dessous, une première parade photographiée le 19 mars. Après avoir effectué un vol nuptial spectaculaire, le mâle adopte un comportement de parade au sol pendant lequel, penché vers l’avant, il ouvre ses ailes, étale sa queue et chante afin de séduire la femelle.

Parade de Petits Gravelots Charadrius dubius © Olivier Taylor

© Olivier Taylor

Les efforts du mâle semblent avoir payé et la femelle a choisi un site de nidification à son goût. Le 9 avril, après avoir façonné son nid en l’entourant de galets et quelques branchettes, la femelle a pondu 4 œufs. Les deux adultes assureront la couvaison, tout à tour, pendant une vingtaine de jours avant l’éclosion.

Cette première nichée est un succès : 4 juvéniles sont aperçus début mai sur la friche ! Seulement, la vulnérabilité et l’exposition de ces poussins ne sont pas passées inaperçues pour un couple de Corneille noire (Corvus corone) nichant à proximité. Elles aussi ont des petits à nourrir et, malheureusement pour nos Petits Gravelots, ces poussins leur semblent servis sur un plateau. Le 3 mai, malgré les tentatives d’intimidation des adultes, tous les petits seront mangés par ce prédateur (photos © Olivier Taylor) .

Ainsi va la vie pour ces Petits Gravelots qui ne se découragent pas et retentent l’expérience. Un second accouplement est observé le 14 mai.

Une semaine plus tard, le 21 mai, ce dernier est suivi de la ponte de 4 nouveaux œufs.  À nouveau, nos deux adultes prendront soin d’alterner la couvaison. Cependant, cette fois ce sont les œufs qui disparaîtront, sans preuve concrète du prédateur à l’œuvre.

L’histoire, et surtout Olivier Taylor, raconte que le couple aurait réalisé une troisième tentative de parade et accouplement avant de quitter la friche pour cette année.

Cet évènement appuie l’importance des friches urbaines, véritables terres d’accueil pour la biodiversité en ville. À l’instar de nos parcs, jardins et forêts urbaines, les friches, s’inscrivant dans le réseau écologique, assurent une diversité de milieux naturels et jouent un rôle socio-écologique essentiel. En apportant le gîte et le couvert, les friches représentent alors un véritable réservoir pour de nombreuses espèces spécialisées et restent complémentaires aux espaces verts existants pour nos espèces mieux habituées à la vie en ville. Ces milieux ouverts en voie de disparition, pourtant indispensables à une foule d’espèces - parfois rares -, sont souvent convoités à des fins urbanistiques mettant dès lors en péril le maintien d’une nature riche et diversifiée (et accessible à tous.tes) à Bruxelles.

Références

Weiserbs A. & Jacob J.-P. (2007). Oiseaux nicheurs de Bruxelles 2000-2004: répartition, effectifs, évolution. Aves, Liège, 292 pages

Nidification des hirondelles à Bruxelles en 2023

Un printemps 2023 providentiel pour deux espèces d’hirondelles dans la capitale. En effet, les recensements effectués aux mois de juin et juillet dernier sont extrêmement réjouissants pour nos voltigeuses. Les Hirondelles de fenêtre Delichon urbicum ont connu un déclin important à Bruxelles dans les années 1980 jusqu’au début des années 2000. Grâce aux efforts conjoints de multiples acteurs publics, privés et volontaires des aménagements ont pu être faits pour favoriser la nidification de l’Hirondelle de fenêtre et de l’Hirondelle de rivage Riparia riparia en Région bruxelloise. Aujourd’hui, et après plusieurs années, ces efforts semblent porter leurs fruits avec un retour remarquable de ces migratrices. Une population d’Hirondelle de rivage s’est installée à Bruxelles depuis 2021 et les différents sites de nidification, naturels et artificiels, sont largement investis par les deux espèces.

Ces formidables résultats seront repris dans l’Atlas des Oiseaux de Bruxelles (2022-2024), en cours depuis le printemps 2022. Pour rappel, ce projet a pour mission de faire un tour du paysage presqu’exhaustif de l’avifaune bruxelloise et d’ainsi connaître les espèces nicheuses et hivernantes présentes en Région Bruxelles-Capitale (effectifs et abondances). Une partie de ces résultats sera comparée à ceux de l’atlas précédent (2000-2004) afin de mettre en lumière les dynamiques des populations d’oiseaux dans la ville. Ce projet ne serait rien sans le travail remarquable des volontaires ornithologues impliqués. Si vous aussi si vous souhaitez vous investir pour la dernière saison à venir et mettre votre pierre à l’édifice, n’hésitez pas à nous contacter !

L’Hirondelle de fenêtre

Bien reconnaissable en vol grâce à son croupion blanc, on peut l’observer à Bruxelles dès le mois d’avril alors qu’elle revient de ses quartiers d’hiver au sud du Sahara. En ville, cette hirondelle porte bien son nom en maçonnant son nid en boue sous nos corniches et embrasures de fenêtre. Les hirondelles de fenêtres nichent en colonies au même endroit chaque année.

Photo : René Dumoulin

Ce comportement peut donc être exploité efficacement par la pose de nichoirs artificiels lorsque l’on souhaite redynamiser une colonie installée ou en développer une nouvelle. Dans le premier cas, la pose de nichoirs est réalisée sur le site d’une colonie existante en dehors de la période de nidification afin d’augmenter la disponibilité en nids et/ou de pallier au manque de boue (surtout les années de sécheresse). Dans le second cas, la pose de nichoirs artificiels est réalisée sur un site à proximité d’une colonie installée, agrémenté si nécessaire d’un dispositif de diffusion de chant (dit de « repasse »), afin d’attirer les hirondelles à investir un nouveau site de nidification. À Bruxelles, les deux stratégies ont été déployées avec succès depuis plusieurs années.

Hirondelle de fenêtre au nichoir. Photo Charles Carels

En 2002, les chiffres étaient au plus bas avec 33 couples nicheurs pour l’ensemble de Bruxelles. Depuis, et grâce aux aménagements de protection spécifiques, l’espèce s’installe davantage d’année en année. Cette année 2023 a été particulièrement bonne pour l’espèce. Le record de 2020 (393 nids) est dépassé avec 477 nids occupés sur l’ensemble des colonies (voir graphique ci-dessous).

Évolution annuelle du nombre de nids d’Hirondelles de fenêtre occupés de 1992 à 2023 par colonie. Les étiquettes sur le graphique indiquent le nombre total de nids occupés chaque année. Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

Évolution annuelle et globale du nombre de nids d’Hirondelles de fenêtre dans la Région de Bruxelles-Capitale. Cliquez sur la tableau pour l’agrandir.

Actuellement, on compte 7 colonies actives en Région Bruxelles-Capitale ainsi qu’un certain nombre de colonies éteintes ou temporairement inactives.

Localisation des colonies d’Hirondelles de fenêtre à Bruxelles en 2023

Équipe volontaire en plein comptage de nids occupés dans la grande colonie de la meunerie Ceres ©Marius Pailhès

La plus grande colonie de Belgique en 2023 se trouve sur le bâtiment industriel de la meunerie Ceres (Groupe Soufflet) le long du canal. Il s’agit d’une colonie naturelle qui, après une année 2022 difficile, connaît une hausse de 120% avec 203 nids occupés. Non loin de là, sur l’autre rive, se trouve l’ancien bâtiment des brasseries Meudon, aujourd’hui occupé par l’entreprise Silo, sur lequel des nichoirs doubles ont été installés en 2021. Pour la première fois cette année, ils sont occupés par les hirondelles avec pas moins de 38 couples nicheurs estimés.

Enfin, dans les chiffres remarquables de ce grand cru 2023, la colonie Saint-Alix de Woluwe-Saint-Pierre bat également un record avec 61 nids occupés, résultant d’un probable déplacement de la fragile colonie de Mater Dei proche de là.

Enfin, ce printemps 2023, 12 nichoirs doubles ont été installés sur le bâtiment du Brass, jouxtant le marais Wiels et à proximité de la colonie du Charroi. Nous espérons y observer l’installation d’une nouvelle colonie d’ici quelques années.

L’Hirondelle de rivage

Blanche dessous et brunâtre au-dessus, cette espèce est la plus petit de nos Hirondelles. Elle évolue à proximité des cours d’eau qu’elle survole à la recherche d’insectes. Également grégaire pour se reproduire, elle s’installe en colonies dans les berges (naturelles ou artificielles) de ces cours d’eau, les carrières et les gros tas de matériaux meubles (sable, terre…).

Photo : René Dumoulin

Absente depuis plus de 40 ans, l’espèce a fait son grand retour à Bruxelles en 2021, probablement attirée par les caissons nichoirs installés plus tôt dans l’année. Deux couples ont niché dans les berges du canal au nord de Bruxelles. Quelques mois plus tard, la population bruxelloise compte au minimum 10 couples : 7 nids au sud du pont de Buda et 3 au nord, entre celui-ci et les caissons-nichoirs.

Le 26 juin 2023, une équipe embarque à bord du Bruocsella, un bateau mis à notre disposition par le Port de Bruxelles. Depuis l’eau, il est pus facile d’observer les cavités réhabilitées dans la berge pour accueillir les couples nicheurs. Lors de cet inventaire, 35 couples nicheurs certains ont été dénombrés, soit un taux d’occupation de près de 50% (35 cavités occupées/72 cavités potentielles). C’est donc trois fois plus qu’en 2021 ! La numérotation des cavités ainsi que l’attention toute particulière des gestionnaires pour cette espèce le long du canal, facilite davantage le suivi et la protection de l’Hirondelle de rivage à Bruxelles.

Ces deux exemples démontrent encore une fois que des actions ciblées et réfléchies permettent de favoriser le retour de certaines espèces. En travaillant à leur laisser une place, ces Hirondelles s’épanouissent facilement dans le décor de la ville pour le plaisir de tous et toutes.

Remerciements

Merci à tous les services et partenaires (Escaut sans frontières, Le Port de Bruxelles, Bruxelles Environnement, Nos Pilifs (et la fondation Pairi Daiza qui les a soutenus), Le SILO – Meudon, La meunerie Ceres, Le Brass, Natuurpunt Brussel, Natagora) qui rendent cette belle collaboration possible et fructueuse ainsi qu’à nos réseaux de volontaires (Charles Carels et tout le GT Hirondelles, Aves Bruxelles), toujours présents et investis dans la cause de la biodiversité en ville.

Où se trouvent les dortoirs à Bruxelles et quelles espèces y dorment ?

Chaque soir, des milliers d’oiseaux se regroupent à différents endroits de la Région pour passer la nuit en groupe. Ces dortoirs ont plusieurs avantages : l’effet de groupe protège des prédateurs,  les “rencontres” permettent d’échanger des informations sur la localisation de nourriture…

Dortoir de laridés dans un site industriel à Liège. Photo : Louis Bronne

La découverte de ces dortoirs permet de mieux protéger les sites utilisés, indispensables au cycle de vie des oiseaux. De plus, l’arrivée d’oiseaux, tels les étourneaux, dans leurs dortoirs est toujours un spectacle impressionnant. L’observateur est souvent surpris de voir le nombre d’oiseaux qui peuvent se réunir pour passer la nuit, parfois dans des endroits très confinés.

Depuis plus de 30 ans, Aves, le pôle ornithologique de Natagora, étudie notamment la répartition et les effectifs des Grands Cormorans aux dortoirs en Wallonie et à Bruxelles. Ces comptages sur le long terme on permis de connaître l’évolution de la population de cet oiseau piscivore et de la mettre en parallèle avec les modifications de la composition en poissons dans les cours d’eau, résultats publiés dans une revue internationale.

Nous profitons de la mobilisation des observateurs dans le cadre de l’Atlas des oiseaux de Bruxelles pour inciter à chercher les dortoirs hivernaux dans la Région. Où se trouvent-ils ? Quelles sont les espèces que l’on trouve en dortoirs à Bruxelles ? Combien y a-t-il d’individus ? Et surtout, comment protéger au mieux les sites de dortoir ? Votre contribution pourra aider à répondre à toutes ces questions dans un but de protection des sites et des espèces.

La carte ci-dessous montre les dortoirs qui ont déjà été signalés à Bruxelles via www.observations.be. En trouverez-vous de nouveaux ?

Localisation des dortoirs d’oiseaux à Bruxelles. Données Natagora / www.observations.be

Il existe des dortoirs fixes, qui sont occupés à la même période d’année en année (cormorans, perruches) et d’autres plus temporaires utilisés parfois quelques nuits sur l’année seulement. Plusieurs dizaines d’espèces sont concernées.

Comment chercher et dénombrer les dortoirs ?

Photo de couverture : Antoine Derouaux

La découverte d’un dortoir est souvent le fruit du hasard. Il faut chercher à l’aube et au crépuscule près des zones de végétation dense, suivre les lignes de vol des oiseaux…

Le dénombrement des oiseaux au dortoir se fait soit en comptant les oiseaux posés, si les conditions de luminosité et la densité du feuillage le permettent, soit en comptant les oiseaux arrivant à la tombée de la nuit, parfois jusque bien après le coucher du soleil. Il est aussi possible de compter au départ du dortoir, souvent avant l’aube.

Pour les gros dortoirs et les dortoirs rassemblant plusieurs espèces, le mieux est d’aller dénombrer les individus à deux ou plus pour se focaliser chacun sur une espèce et/ou confronter ses résultats.

La méthode est présentée en détail dans un document rédigé par Maurice Segers à télécharger en cliquant sur ce lien.

Dans tous les cas, si vous trouvez un dortoir à Bruxelles ou en Wallonie, pensez à encoder l’emplacement précis du site, l’espèce ou les espèces présentes et surtout choisissez bien le comportement “DORTOIR” dans observations.be, iObs ou ObsMapp. Mettez ensuite tous les commentaires que vous jugez utiles dans le cadre de remarque. Plus la description est précise, plus il sera facile d’intégrer les données dans nos statistiques et plus ce sera facile de protéger le site si nécessaire.

A vos jumelles !

Maurice Segers, Marius Pailhès et Antoine Derouaux