Comment observer les oiseaux en période de confinement ? En participant au nouveau « Suivi permanent de l’avifaune » !

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Nous vivons une période de pandémie exceptionnelle à Coronavirus, des mesures de confinement strictes sont en application, elles bouleversent nos habitudes et notre façon de profiter de la nature et il s’agit bien évidement pour nous tous de les respecter scrupuleusement. Aves – Natagora lance ce printemps un nouveau mode de collecte d’observations ornithologiques : le « Suivi permanent de l’avifaune ». Par une coïncidence aussi fortuite que malheureuse, ce mode de suivi est parfaitement adapté au confinement actuel. Chacun peut y contribuer simplement de son jardin, de son quartier ou pendant les brèves promenades quotidiennes à proximité immédiate de son domicile comme définies par les mesures de confinement. Ces mesures peuvent d’ailleurs encore évoluer, il sera de l’intérêt de toutes et tous de s’adapter à nouveau.

Qu’est-ce le « Suivi permanent » ?

Le suivi permanent est déjà très répandu dans de nombreux pays où l’ornithologie est bien développée car le principe et la méthodologie sont simples et offrent des possibilités d’analyse très puissantes. Il s’agit de faire des listes complètes d’observations et de les enregistrer d’une manière particulière sur Observations.be. Ces listes comprennent quelques informations précieuses pour les analyses comme l’heure de début des observations et l’heure de fin. Indirectement, elles permettent aussi de connaître les espèces non détectées par l’observateur. Elles se font toute l’année et en tout lieu. L’objectif de ce nouveau type de suivi est de combler les lacunes liées aux observations isolées et de compléter les informations données par les programmes de monitoring habituels :

1. Combler des lacunes en matière temporelle (été, hiver)

2. Réactivité et précision : détection des changements d’abondance à court terme, invasions, vagues de chaleur, épizooties (virus USUTU), phénologie…

3. Collecter des infos structurées sur les espèces absentes ou non détectées

4. Mesurer l’effort de recherche et l’intégrer dans les analyses des résultats

Sans compter que … c’est une activité amusante, on se prend très vite au jeu d’obtenir la liste d’espèces observées la plus longue, même depuis son jardin !

Exemple de ce que pourrait donner le suivi permanent de l’avifaune: ceci est un graphe montrant la fréquence du Pouillot véloce dans les listes complètes en Grande-Bretagne. En rouge: la courbe historique. En vert: la situation en cours en 2020. Le …

Exemple de ce que pourrait donner le suivi permanent de l’avifaune: ceci est un graphe montrant la fréquence du Pouillot véloce dans les listes complètes en Grande-Bretagne. En rouge: la courbe historique. En vert: la situation en cours en 2020. Le Pouillot véloce est légèrement en avance dans sa migration de retour. Source: BirdTrack, British Trust for Ornithology

Où et quand faire une liste complète en période de confinement ?

Dans votre jardin ou dans votre quartier (s’adapter si évolution des mesures de confinement), tout le temps, pendant les 4 saisons. De préférence au moment de la journée où on a de bonnes chances d’observer un maximum d’individus et d’espèces. En matinée (et parfois en fin de journée, en mai-juin p.ex.).

Que doit-on noter ?

Toutes les Espèces et si possible on comptabilise chaque individu observé (c’est mieux !). Si pas possible : on peut signaler qu’on n’a pas compté tous les individus. On enregistre la durée du comptage en précisant les heures de début et de fin.

Durée optimale ?

Les listes complètes peuvent se faire à point fixe ou pendant un parcours. En période de confinement, 15’ à 30’ suffisent pour un point fixe et 30’ à 45’ pour un transect (parcours). Il y a 3 façons de faire une liste complète : point fixe et transect sur le terrain avec un smartphone (applications ObsMapp et iObs) ou à la maison sur Observations.be

Intéressé ?

Nous vous invitons à découvrir ICI le Suivi permanent de l’avifaune et d’en comprendre étape par étape l’encodage des données. Dès la fin de la période de confinement, des formations seront données à la demande. Nous pouvons nous déplacer vers les Régionales Natagora et les Sections Aves.

Voir les tutoriels vidéo :

Bonnes observations et bon courage à tous!

Le nouvel atlas des oiseaux nicheurs du Nord et du Pas-de-Calais

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Paru fin 2019, ce nouvel atlas régional est remarquable et richement illustré par des photographes régionaux. Il s’intègre dans l’histoire déjà longue des grands travaux collectifs d’inventaire des avifaunes en France, comme ailleurs en Europe. Ceci grâce à plus d’un millier de collaborateurs et une organisation efficiente coordonnée par un groupe d’ornithologues expérimentés. Parmi eux, la personnalité et l’œuvre de feu José Godin, bien connu des observateurs hennuyers, méritent d’être saluées.

Le but fondamental de l’atlas était d’actualiser les connaissances une vingtaine d’années après le dernier atlas du Nord – Pas-de-Calais. A ce titre, rappelons que des atlas nationaux des oiseaux nicheurs ont été publiés en France en 1976, 1994 et 2015 (données de 1970-1975, 1985-1989 et 2009-2012). A répétition, ils ont été suivis par nombre de déclinaisons régionales, notamment dans le Nord - Pas-de-Calais. Ici, en 1976 sous l’impulsion de Lucien Kérautret, puis en 1996 par l’atlas régional coordonné par Jean-Charles Tombal (données de 1985-1995). Le présent ouvrage représente l’aboutissement de la troisième « vague » d’atlas (terrain 2009-2015). Dans l’intervalle, l’augmentation de la pression d’observation est spectaculaire, passant ainsi de 42 collaborateurs dans les années 1970 à 1.471 pour le présent atlas. En parallèle, l’évolution de la puissance des techniques de cartographie et d’évaluation des effectifs est considérable.

Dans l’ouvrage, des chapitres introductifs détaillés présentent le Groupe Ornithologique Nord et son action, un aperçu historique de l’ornithologie régionale, la biogéographie du Nord – Pas-de-Calais et la méthodologie mise en œuvre. Ce chapitre crucial analyse en profondeur les méthodes d’estimation des effectifs d’oiseaux nicheurs, les protocoles spécifiques et l’élaboration des cartes de probabilité de présences, comme fait en Wallonie. La démarche présidant à l’établissement de la liste rouge régionale est aussi précisée. Le soin du détail est poussé, par exemple avec une carte en double page des principaux sites mentionnés dans l’atlas ou encore un glossaire détaillé.

Le cœur de l’ouvrage est constitué par les monographies des 176 espèces d’oiseaux nicheurs « réguliers » … dont 42% sont considérées comme menacées. La plupart sont traitées de manière fort précise sur deux pages, certaines sur quatre pages : contexte général de la présence en Europe et en France, répartition des nicheurs durant les années d’inventaire de l’atlas, habitats, effectifs, évolution des populations et conservation ainsi que certains traits de vie des (particuliers aux) nicheurs régionaux (biologie de la reproduction, déplacements, fidélité aux sites ...). C’est une mine d’informations qui peut aussi permettre de relativiser par rapport aux effectifs wallons, comme des raretés partagées (à peine 12-17 cantons de Locustelle luscinioïde et 0-2 de Rousserolle turdoïde) ou des abondances bien supérieures aux nôtres (3.000 à 8.000 Phragmite des joncs) donnant un peu d’optimisme (5.000-10.000 cantons de Bruant proyer). Des extinctions sont hélas enregistrées dans un contexte de large recul en Europe occidentale, comme celles du Tarier des prés ou de la Pie-grièche grise. D’autres sont sur le fil, tels que la Bécassine des marais, le Courlis cendré, l’Alouette lulu ou encore le Traquet motteux.

Phragmite des joncs : plus de 2.000 couples assez largement répartis.

Phragmite des joncs : plus de 2.000 couples assez largement répartis.

A ces espèces, s’ajoute un petit cortège de 14 nicheurs occasionnels. Plusieurs sont en limite d’aire (Milan royal, Guifette moustac), invasives (Beccroisé des sapins, Tarin des aulnes), difficiles à déceler (marouettes) ou n’ont connu, comme en Belgique, qu’une expansion temporaire (Roselin cramoisi). Peu après la fin normale des inventaires, la reproduction réussie de l’Elanion dans l’Avesnois mérite mention car elle a constitué le cas le plus septentrional en France de ce rapace en expansion. Le caractère sauvage de certains oiseaux peut néanmoins poser question (Canard siffleur et pilet par exemple). En fin de traitement, quelques cantonnements occasionnels, onze nicheurs occasionnels disparus et six espèces introduites non naturalisées sont évoqués (parmi elles, la Bernache nonnette peine à s’installer).

Busard Saint-Martin (ca 30 couples) : les efforts de conservation en Wallonie permettent de prolonger le peuplement de l’aire occupée en Artois.

Busard Saint-Martin (ca 30 couples) : les efforts de conservation en Wallonie permettent de prolonger le peuplement de l’aire occupée en Artois.

Busard cendré (ca 20 couples)

Busard cendré (ca 20 couples)

Les oiseaux n’ayant pas un sens aigu des frontières politiques, on ne peut que chaudement conseiller la lecture de cet atlas. Elle permettra à tout un chacun de mieux comprendre les similitudes et différences de l’avifaune nicheuse de régions naturelles traversées par une frontière franco-belge longue de plus de 300 km en allant des plaines de la Lys et de l’Escaut aux collines des plateaux hennuyers, à l’Avesnois et à la Thiérache.


Référence :

Beaudouin C., Boutrouille C., Camberlein P., Godin J., Luczak C., Pischiutta R. & Sueur F., coordinateurs (2019) : Les oiseaux nicheurs du Nord et du Pas-de-Calais. Editions Biotope, Mèze, 488 pages.


Pour se procurer l’Atlas :

Quinze ans d’évolution rapide de la répartition des oiseaux en Wallonie

Entre 2001 et 2007, l’Atlas des oiseaux nicheurs de Wallonie avait mobilisé des centaines d’ornithologues sur le terrain pour cartographier la répartition et l’abondance des toutes les espèces en Wallonie. L’ouvrage publié début 2011 reste la référence pour l’ornithologie régionale. Quinze ans après, afin de contribuer à l’Atlas des Oiseaux nicheurs d’Europe (EBBA2), une partie des échantillonnages de terrain ont été répétés. Plus de 1.200 carrés d’1 km² à travers la Wallonie ont ainsi fait l’objet d’une prospection 2015 et 2018. Grâce à la collaboration de 140 ornithologues amateurs, dans chacun de ces carrés, les oiseaux nicheurs ont été comptés pendant deux fois une heure, en début et en fin de printemps. Cela nous fournit une formidable base de comparaison à 10-15 ans d’intervalle ! Des analyses préliminaires avaient été diffusés sur ce blog en 2016 et dans un rapport intermédiaire en 2017. Plus récemment, Thomas Coppée, de l’ULg-Gembloux-Agro-Biotech, a utilisé ces données pour dessiner des cartes de répartition à haute résolution, comparant les deux périodes… et elles sont désormais publiées en ligne. Voici quelques explications…

Au terme de la double heure de comptage dans chaque carré, on obtient le nombre d’individus détectés de chaque espèce (le maximum des deux passages est retenu). Ces comptages concernent donc 1.200 carrés (soit 7 % de la surface wallonne). Afin d’obtenir une extrapolation pour l’ensemble de la Wallonie (environ 16.500 km²), une modélisation spatiale a été réalisée, espèces par espèce. Un modèle mathématique “s’entraîne” d’abord en croisant les données d’oiseaux et l’environnement quantifié par une série de variables descriptives. Ces variables sont tirées d’une couche d’informations cartographiques détaillées appelées ECOTOPES, élaborée par le projet LifeWatch Europe. Une fois établie la fonction mathématique reliant le nombre d’oiseaux avec les variables environnementales, on peut l‘appliquer à l’ensemble des carrés en Wallonie. En répétant la même opération pour les données de l’Atlas 2001-2007 et les variables environnementales de la même période, il est dès lors possible de comparer l’évolution des aires et des densités régionales à quinzaine d’années d’intervalle en Wallonie.

© Vincent Rasson

© Vincent Rasson

Des cartes pour toute une série d’espèces sont maintenant visibles en ligne, sur le portail du Lifewatch. En cliquant sur l’onglet “2006” ou “2015”, après avoir choisi l’espèce, vous pourrez visualiser vous-même les différences de densité entre les deux périodes.

Par exemple, l’évolution du Moineau friquet (photo ci-dessus et cartes ci-dessous) est fort préoccupante: on observe une diminution de 77% des effectifs et très forte contraction de l’aire de répartition au cours de la dernière décennie. Ce déclin est aussi confirmé par les relevés indépendants réalisés dans le cadre du suivi des oiseaux communs en Wallonie (SOCWAL).

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Bonnes découvertes des cartes et merci à tous les observateurs et à l’équipe de LifeWatch pour cette belle collaboration ! Plus d’information bientôt dans la Revue Aves…