Espèces exotiques

Monitoring des oiseaux en région de Bruxelles-Capitale en 2022

Chaque année depuis plus de 30 ans, Aves, le pôle ornithologique de Natagora, travaille en partenariat avec Bruxelles-Environnement sur différents projets de monitoring (oiseaux, mammifères, reptiles et amphibiens…).

Le monitoring des populations d’oiseaux mobilise tous les ans des dizaines d’ornithologues volontaires qui comptent les oiseaux communs, les oiseaux d’eau, les perruches, les moineaux, les martinets ou les hirondelles. Des milliers de données sont ainsi récoltées chaque années dans nos banques de données. Un rapport annuel est ensuite produit en début d’année afin de justifier les subsides perçus de la Région pour ce travail.

Cette publication résume le rapport de 2022 en fonction des différents projets menés l’an dernier. Le rapport complet est disponible au format pdf en cliquant sur ce lien.

En résumé, six projets sont mis en évidence dans le rapport :

  1. L’Atlas des oiseaux de Bruxelles,

  2. Le suivi des oiseaux communs (SOCBRU),

  3. Le suivi des hirondelles,

  4. Le dénombrement hivernal des oiseaux d’eau,

  5. Le dénombrement printanier des oiseaux d’eau,

  6. Le monitoring des espèces exotiques envahissantes (perruches et oiseaux d'eau).

Photo Thierry Meeùs

L’atlas des oiseaux de bruxelles

Il a démarré au printemps 2022 et continuera jusqu’à l’hiver 2024-2025. L’objectif est de mettre à jour l’atlas précédent et d’avoir une idée de l’hivernage de l’avifaune à Bruxelles. La région est divisée en 198 carrés qui seront inventoriés tout au long de l’année. Il y a actuellement 93 participants et 164 carrés réservés ! Les premiers résultats et les inscriptions pour participer se trouvent sur le portail de l’atlas en ligne.

le suivi des oiseaux communs (socbru)

Ce projet de longue haleine a débuté en 1992. Chaque année, deux fois durant le printemps, des observateurs comptent tous les oiseaux contactés durant 15 minutes à un endroit précis. Il y a 116 points répartis dans toute la région. La répétition des comptages sur le long terme permet de récolter des données similaires d’années en années. Une modélisation statistique permet ensuite de calculer des indices annuels comparables même si tous les points n’ont pas été couverts. Ces indices permettent d’avoir une idée de l’évolution des populations d’oiseaux communs.

Ces suivis mettent en évidence un déclin global de l’avifaune indigène depuis 1992 et une augmentation des espèces exotiques. Les oiseaux liés aux bâtiments sont eux en déclin. Les résultats par espèce et par groupes d’espèces se trouvent dans le rapport.

Le suivi des hirondelles

Depuis 2021, les trois espèces d’hirondelles nichent à nouveau à Bruxelles. L’hirondelle de rivage s’est en effet installée dans les trous des murs du canal après plus de 40 ans d’absence ! Les hirondelles de fenêtres sont à nouveau en déclin après avoir augmenté suite à la pose massive de nichoirs et la protection des colonies restantes. Quelques grosses colonies sont présentes à Bruxelles et semblent assez stables contrairement aux plus petites qui ont tendance à disparaître. L’hirondelle rustique est quant à elle au bord de l’extinction.

Photo : Didier Kint

Le dénombrement hivernal des oiseaux d’eau (DHOE)

Ces comptages ont lieu chaque année en hiver. Il s’intègrent dans un comptage international des oiseaux d’eau qui se déroule partout dans le monde à la mi-janvier. Au total, 32 espèces (dont 15 anatidés) et 5.740 oiseaux ont été comptés dans une cinquantaine de sites.

Le dénombrement printanier des oiseaux d’eau

Le suivi des oiseaux d’eau communs au printemps a été réalisé sur un échantillonnage de 23 étangs. 14 espèces ont été dénombrées. Les espèces aquatiques les plus fréquentes sont dans l’ordre décroissant : la Foulque macroule, le Canard colvert, la Bernache du Canada, l’Ouette d’Égypte et le Fuligule morillon. Deux espèces exotiques ont été rencontrées : la Bernache du Canada et l’Ouette d’Égypte. Les espèces exotiques représentent 27% de l’avifaune aquatique printanière. Les effectifs les plus élevés se trouvent aux étangs Mellaerts, aux étangs de Neerpede et au Parc de Woluwe. Les sites les plus riches en espèces sont les étangs de Neerpede, l’étang de Val Duchesse et le Parc de Woluwe.

Remerciements

Nous remercions Bruxelles-Environnement pour son soutien dans nos projets de monitoring à Bruxelles. Les nombreux ornithologues volontaires qui participent avec plaisir à nos recensements sont indispensables à la récolte des données . Merci à eux. Enfin, l’atlas des oiseaux de Bruxelles est mené en partenariat avec Natuurpunt.

Faut-il massacrer les perruches à Bruxelles ?

Depuis de nombreuses années, les ornithologues bruxellois participent activement au suivi du développement des populations des perruches exotiques  qui se sont installées dans la capitale belge. Grâce à ce travail collectif, Aves est devenue une référence pour les autorités bruxelloises en ce qui concerne ces oiseaux. Les psittacidés exotiques sont souvent considérés comme des « espèces exotiques envahissantes », c’est-à-dire des organismes qui, après avoir été introduits par l’homme dans une région du monde où ils ne sont pas naturellement présents, se propagent dans les milieux naturels et causent des dommages aux espèces indigènes et aux écosystèmes locaux.

Conure veuve Myiopsitta monachus © Magalie Tomas Millan

Conure veuve Myiopsitta monachus © Magalie Tomas Millan

Cette problématique a été explorée dans un projet scientifique de collaboration internationale appelé ParroNet – European Network on Invasive Parakeets, auquel Aves était tout naturellement associé. Alors que ce projet arrive à son terme, les spécialistes de la question des perruches invasives se sont rassemblés une dernière fois lors du workshop de clôture en septembre dernier. À cette occasion, nous avons cherché à savoir ce que pensait cette communauté d’experts sur la position à prendre concernant la Conure veuve et la Perruche alexandre à Bruxelles. 

Pour rappel, il y a trois espèces de perruches exotiques se reproduisant en Belgique (consultez la fiche descriptive ici) : la Perruche à collier, largement répandue en milieu urbain avec même des populations dans d’autres villes (La Louvière, Anvers…), la Conure veuve, conservant un effectif restant très faible et localisé à Bruxelles, et la Perruche alexandre, en expansion mais dont les effectifs actuels sont encore limités. Étant donné leur effectif encore peu étoffés, ces deux dernières espèces pourraient éventuellement faire l’objet de mesures de gestion visant à les éliminer à un stade précoce de l’invasion. Mais est-ce justifié?

Les réponses du groupe d’experts n’étaient pas unanimes. La majorité pense qu’il faut agir sans délai, pour les deux espèces, de manière à ne pas devoir gérer de problèmes graves par la suite. Plus précisément, ces spécialistes (par exemple représentant de la RSPB et BirdLife) préconisent de les retirer du milieu naturel (le moyen restant ouvert). La capture et la stérilisation pourrait être la solution la plus éthique possible, mais elle implique un suivi minutieux afin de s’assurer qu’il n’y ait plus de reproduction. Lors des discussions, un point de vue diamétralement opposé a également été soutenu par d’autres spécialistes: sous nos latitudes, les perruches en ville n’ont qu’un impact négligeable sur l’écosystème et il est possible qu’elles ne posent jamais de problème (ailleurs, comme en Espagne ou en Israël, des impacts sur les récoltes agricoles ont été mises en évidence). En éradiquant  systématiquement ces oiseaux familiers pour beaucoup dans l’espace urbain, on supprime un bon moyen de mettre les citadins en contact avec la nature, y compris dans les zones les plus urbanisées. 

Un lien a été fait ici avec l’application du fameux « principe de précaution », évoqué par les tenants de la solution d’éradication. Cependant, la décision d’appliquer ou non ce principe de précaution ne concerne pas forcément le monde scientifique, mais relève plutôt des décideurs politiques. Le rôle des scientifiques est de détailler les implications des différentes options possibles, mais c’est au politique à prendre la décision finale.

Une recommandation importante fait par contre l’unanimité : il faut absolument limiter les risques de nouveaux lâchers et de nouvelles introductions en interdisant  le commerce des perruches et perroquets, car le lien entre risque d’invasion et commerce a bien été mis en évidence. 

Perruche alexandre Psittacula eupatria © Magalie Tomas Millan

Perruche alexandre Psittacula eupatria © Magalie Tomas Millan

Pour poursuivre la réflexion…

Signalons deux publications récentes en lien avec cette problématique, auxquelles Aves-Natagora a contribué directement.

  • D’une part, les résultats d’un travail de fin d’étude mené par Caroline Debois à l’ULg (Gemboux Agro-BioTech) viennent d’être publiés dans la très belle revue Forêt.Nature. Un inventaire des cavités arboricoles disponibles à Bruxelles semble indiquer que la forte augmentation des perruches exotiques cavernicoles n’a pas entraîné de limitation de la ressource en cavités pour les oiseaux indigènes qui en dépendent. Seulement 17 % des cavités détectées ont été occupées par des oiseaux en 2016.
  • D’autre part, une publication importante concernant directement la nouvelle règlementation européenne sur les espèces exotiques envahissantes  vient d’être publiée dans le renommé « Journal of Applied Ecology ». Cet article est le résultat d’un travail conjoint de nombreux experts européens dont des représentants de BirdLife auxquels nous étions associés. Il fera l’objet d’un futur post sur ce blog ! Restez donc attentifs…

Nos recherches sur les perruches sont réalisées grâce à l’aide de nombreux volontaires ornithologues et avec le soutien de l’IBGE Bruxelles-Environnement. Merci à tous !


Références : 
DEBOIS, C., CLAESSENS, H., PAQUET, J.-Y. & WEISERBS, A. (2017): Étude de la disponibilité des cavités pour les oiseaux cavernicoles dans la Région de Bruxelles-Capitale. Forêt.Nature, 144: 10-20 (tiré à part disponible sur demande ]
CARBONERAS, C., GENOVESI, P., VILÀ, M., BLACKBURN, T.M., CARRETE, M., CLAVERO, M., D'HONDT, B., ORUETA, J.F., GALLARDO, B., GERALDES, P., GONZÁLEZ-MORENO, P., GREGORY, R.D., NENTWIG, W., PAQUET, J.-Y., PYŠEK, P., RABITSCH, W., RAMÍREZ, I., SCALERA, R., TELLA, J.L., WALTON, P. & WYNDE, R. (2017): A prioritised list of invasive alien species to assist the effective implementation of EU legislation. Journal of Applied Ecology. DOI : 10.1111/1365-2664.12997 (cette article est en accès ouvert).
 

Résultats des recensements des Perruches à collier en Belgique

Cette année, trois dénombrements des Perruches à collier ont été organisés de manière coordonnée en Belgique, par Natagora et Natuurpunt. Ils ont eu lieu les vendredis 19/06, 24/07 et 21/08 en soirée. Plusieurs dizaines d'ornithologues se sont postés à des points stratégiques pour compter les Perruches à collier arrivant aux dortoirs communautaires que ces espèces forment. Nous les remercions chaleureusement pour leurs apports dans ce projet.

Photo : Bozena Lagasse-Gugala

Photo : Bozena Lagasse-Gugala

Les résultats sont présentés ci-dessous : 

Le total belge est semblable au total obtenu lors des comptages de 2011 (10.500 ex. à Bruxelles) mais on remarque surtout une dispersion progressive des lieux de dortoirs autour de Bruxelles et parfois plus loin (Liège, La Louvière, Saint-Trond, Anvers...). 

Le dortoir de l'OTAN s'est scindé suite probablement à des attaques répétées des Faucons pèlerins (12 couples à Bruxelles cette année) sur les Perruches lors de leur arrivée. Les oiseaux "manquants" ont été retrouvés en août sur le site d'Eurocontrol.

Les perruches restent des oiseaux qui intéressent peu les ornithologues. Il est cependant important de prendre le temps de noter la présence de groupes, surtout en soirée et de repérer les dortoirs afin de mieux connaître la répartition de cette espèce exotique. Si vous connaissez des sites où il y a des perruches, n'hésitez pas à les encoder sur www.observations.be avec le comportement "dortoir" s'il s'agit d'un dortoir.