Les oiseaux communs en Wallonie, un déclin inquiétant

Pinson des arbres © Frédéric Demeuse

Pinson des arbres © Frédéric Demeuse

Le rapport 1990-2017 sur le suivi des oiseaux communs en Wallonie (SOCWAL) est paru dans le dernier numéro du Bulletin Aves. Cette étude fait la synthèse de 28 années de monitoring des oiseaux nicheurs les plus répandus par la méthode des points d'écoute, grâce à la collaboration de dizaines d'observateurs volontaires et professionnels.

Le suivi consiste à passer chaque année au printemps dans des conditions similaires (date, heure, météo) sur une série de 15 points précis et à y compter tous les oiseaux que l'on contacte pendant 5 minutes. À partir de ces données de terrain, des indices annuels d'abondance et les tendances des populations de 81 espèces sont calculés, via un programme d'analyse spécialisé (rtrim). 

© Louis Bronne

© Louis Bronne

Les données sont également envoyées à la coordination européenne (EBCC) pour être intégrées au programme de suivi des oiseaux communs en Europe (PECBMS) qui réunit 28 pays du continent.

Taux de croissance annuel moyen (en %) pour chaque espèce. La barre d'erreur montre l'intervalle de confiance autour de la tendance (à 95%). Vert = augmentation, bleu = stable et rouge = déclin.

Les résultats ne sont guère brillants. Les effectifs de la moitié des espèces diminuent, un quart augmente et un quart est stable. Globalement, les oiseaux communs perdent en moyenne 1% de leurs effectifs par an depuis 1990. La tendance semble s’accélérer depuis 2008. Le bilan est encore plus alarmant si on ne reprend que les espèces des milieux agricoles (15 espèces) qui perdent en moyenne 3% de leurs effectifs par an depuis 28 ans. Ceux qui nichent au sol sont les plus vulnérables (Bruant proyer, Vanneau huppé, Perdrix grise, Alouette des champs...). Ce déclin est aussi noté en Europe, mais il est particulièrement rapide chez nous.

Le Vanneau huppé, une espèce des milieux agricole qui nichent au sol © Dominique Duyck

Le Vanneau huppé, une espèce des milieux agricole qui nichent au sol © Dominique Duyck

Les causes évoquées pour expliquer ces déclins sont multiples et variables selon les espèces. L'industrialisation de l'agriculture et son intensification diminuent les ressources alimentaires (tant les insectes que les graines tout au long de l'année) et les sites propices à la nidification (parcelles plus grandes, moins de lisières, fauches hâtives...). Le réchauffement climatique est aussi défavorable à plusieurs espèces même si d'autres semblent en profiter. Certaines espèces sont en plus victimes de piégeage ou de chasse lors de leur migration ou sur le lieux d'hivernage, c'est le cas notamment de la Tourterelle des bois qui bénéficie maintenant d'un Plan d'Action récemment adopté au niveau européen

Que faire face à cette situation? Bien entendu, des actions peuvent être mises en place localement pour limiter les déclin. Mais surtout, il est urgent que des mesures soient prises à plus grande échelle, notamment au niveau européen, pour modifier les pratiques agricoles actuelles ou, à tout le moins, les rendre plus compatible avec le maintien de la biodiversité. Natagora et BirdLife Europe sont très actif à ce niveau pour sensibiliser les décideurs. Et ils se basent sur les résultats objectifs obtenus par des milliers d'ornithologues partout en Europe.

Vous pouvez consulter l'article et les compléments (graphes spécifiques) sur notre site web.

Nous tenons à remercier chaleureusement la DGO3 du SPW pour le soutien à ce projet, ainsi que tous les ornithologues ayant participé aux comptages, encodage des données et analyses !

Le Milan royal et la Huppe ont niché en Flandre en 2017

Le Milan royal et la Huppe fasciée ont à nouveau niché avec succès en Flandre en 2017, pour la première fois depuis des décennies.

© vboeckli - Flickr

© vboeckli - Flickr

Le Milan royal a toujours été un nicheur sporadique en Flandre. Depuis un cas réussi en 1977, il fallut attendre 1998, 2000, 2014, 2016 pour voir de nouvelles tentatives. Le couple qui s’est installé dans une haute peupleraie de la ceinture forestière  du Zuidlede à Moerbeke (Flandre orientale) a élevé un jeune (Everaert, 2018 – « De Rode Wouw broedt in Oost-Vlaanderen. Eerste geslaagd broedgeval in meer dan 50 jaar » Natuur.Oriolus 84 : 24-26). Celui-ci s’est envolé le 24 juillet. L’évolution notée en Flandre est assez semblable à celle observée aux Pays-Bas et est à relier à la progression des populations de Rhénanie-Westphalie (Allemagne) et de Wallonie. En particulier, la bonne santé de la population d’Ardenne explique l’expansion de l’espèce vers l’ouest de la Wallonie et les régions voisines. Ainsi aux Pays-Bas, un couple a niché en 2010 après une longue éclipse de l’espèce. Depuis, l’effectif est passé à 3 couples en 2014 et 10-15 couples en 2017 (van Rijn, 2018 – « Opmars van broedende Rode Wouwen Milvus milvus in Nederland, Limosa in prep.) ! On peut espérer que l’installation se confirme en Flandre dans les années à venir.

© René Dumoulin

© René Dumoulin

Pour sa part, la Huppe fasciée ne s’était plus reproduite en Flandre depuis 1981. Un couple a élevé trois jeunes durant l’été 2017 à Weelde (Anvers). Dans une situation assez insolite, le nid était placé près du sol dans un tas de bois de chauffage, tout près d’une maison d’un centre de vacances … (Verdonkt D. & Driessens G., 2018 – « Geslaagd broedgeval van Hop bij Weelde (A) in 2017 » Natuur.Oriolus 84 : 21-23). Même s’il y a aussi eu une nidification récente au Limbourg néerlandais et un cantonnement occasionnel à La Panne en 2013, le redéveloppement d’une population nicheuse semble assez peu probable, au moins à court terme. La situation est analogue en Wallonie où quelques cantonnements ont été enregistrés ces dernières années (notamment en 2013), après l’échec d’une nidification en 2009 dans le sud de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Ce cas était le premier trente ans après l’extinction de la population régionale (Jacob et al., 2010 - Atlas des oiseaux nicheurs de Wallonie). L’espoir réside dans l’éventuelle poursuite de la tendance à la hausse notée en France depuis les années 2000 (Issa & Muller 2015 - Atlas des oiseaux nicheurs de France).
 

Le Milan royal en hiver en Wallonie en 2017-2018

Milan royal 20111115@Jules Fouarge.jpg

Le réseau européen "Milan royal" recense les nicheurs mais aussi les hivernants

Depuis douze ans, en complément des nombreux inventaires de nicheurs, un recensement international est organisé en janvier à l’initiative de la LPO Mission Rapaces. Il vise à mieux cerner l’aire d’hivernage et la répartition des effectifs. Cette enquête est centrée sur la recherche et le dénombrement coordonné des dortoirs communautaires que forme ce rapace. Au moins 15 pays ont collaboré à cet inventaire les 6-7 janvier dernier. En Wallonie, l’ensemble des contacts avec des milans en janvier est par contre pris en compte, en raison de la faible présence hivernale.

En hiver, la Belgique se situe sur la frange nord-ouest de la répartition du Milan royal. Les suivis des derniers hivers ont montré que ce rapace est alors rare en Haute-Belgique et très rare plus au nord. Aucun dortoir de quelque importance n’a d’ailleurs été noté depuis des années. Ce fut encore le cas cet hiver.

L’hiver 2017-2018 en Wallonie

La migration postnuptiale s’est à nouveau prolongée en novembre et même en décembre. L’observation de quelques oiseaux apparemment en migration se répète alors le mois durant, à l’image des années précédentes : 3 ex. vers le sud-ouest à Fauvillers et 2 à Breuvanne le 1er, 1 ex. sur place le 2 à Bilstain, le 4 à Stembert, le 6 à Honnelle, le 24 à Elouges, le 26 à Buvrinne et le 28 à Houffalize.

En décembre, le nombre de contacts s’est réduit en cours de mois. Avec un total mensuel de 25 observations, il est néanmoins supérieur à celui de l’hiver-2016-2017 qui avait été particulièrement faible. Début 2018, à peine six observations d’isolés en première décade de janvier (lors du comptage) et 4 en deuxième décade. Aucun dortoir n’a été trouvé mais des hivernages locaux sont vraisemblables, en particulier dans la région de Remagne, en Ardenne luxembourgeoise. La répartition des observations de décembre-janvier (Fig. 1) est à nouveau centrée sur les régions herbagères de la Haute-Belgique, en particulier l’Ardenne.

Figure 1 : Carte des observations de décembre 2017 (bleu) et janvier 2018 (rouge) en Wallonie.

Figure 1 : Carte des observations de décembre 2017 (bleu) et janvier 2018 (rouge) en Wallonie.

Figure 2 : Nombre d’observations en janvier en Wallonie de 2013 à 2018

Figure 2 : Nombre d’observations en janvier en Wallonie de 2013 à 2018

L’amorce de retours est une nouvelle fois précoce. Dès la mi-janvier, certaines mentions peuvent concerner des migrateurs. Cela devient net en fin de mois et jusqu’au 5 février (13 observations). En particulier, le 1er février voit le retour (après une dernière nuit au Grand-duché de Luxembourg) de la femelle adulte « Wallerode » porteuse d’une balise gps. Partie le 1er janvier de sa zone d’hivernage en Extrémadure (Espagne), elle a mis un mois pour effectuer sa migration. Dans le même temps, tous les autres porteurs de balises sauf un, sont restés dans leur quartier d’hiver (J.-Y. Paquet, com. or.).

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Et dans les régions voisines ?

A nouveau, peu de milans hivernent aux alentours de la Wallonie. Ainsi, une dizaine d’isolés en janvier en Flandre et aucun dans la Région Bruxelles-Capitale (source observations.be). Un seul début janvier au Grand-duché de Luxembourg où des retours apparents sont, par contre, enregistrés en fin de mois. Egalement très peu de mentions avant la fin du mois en Sarre, dans les lander de Rhénanie-Westphalie et Rhénanie-Palatinat (source www.ornitho.de ). En France, une donnée dans les Hauts-de-France (Département du Nord le 24 décembre 2017 - www.nordpasdecalais.observation.org) et un petit hivernage classique dans la Région du Grand–Est (Champagne-Ardenne et Alsace-Lorraine). Ici, 82 Milans royaux (87 en janvier 2017) ont été trouvés en dortoirs en janvier : 20 en Alsace, 12 en Lorraine et 52 en Champagne-Ardenne (Leblanc et al., 2018). Parmi les données provenant du département des Ardennes, la présence a à nouveau été notée à la décharge d’Eteignières (près de Rièzes).

Référence citée : G. Leblanc, S. Didier & A. Mionnet (2018) : Synthèse du comptage simultané en période hivernale des Milans royaux dans la Région Grand-Est (06 et 07 janvier 2017). Rapport LPO & LOANA, 4 pages.